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Bucky Sinister : "Le but des gens de la tech est de vivre en vase clos… C’est cela qui a transformé San Francisco"

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Ville refuge des hippies, des beatniks et de la première diaspora asiatique américaine, San Francisco s’est fait dévorer par la Silicon Valley et ses milliards de dollars. Dans « Ta vie dans un trou noir » (Le Gospel), Bucky Sinister en dessine une satire féroce et étrange racontée depuis les bas-fonds de la ville. Rencontre.

Marianne : Dans quelles circonstances ce roman est-il né ?

Bucky Sinister : Il est né à une période où j’étais abattu. L’un de mes amis venait de mourir d’une crise cardiaque. C’était tellement soudain, ça n’avait aucun sens, et ça m’affectait tellement que j’ai essayé d’écrire sur cet événement mais je ne faisais que de la poésie à l’époque et le seul texte qui me venait était : « Tu es mort, je ne sais pas pourquoi ».

C’était tellement dur que la nuit, je prenais ma voiture et conduisais au hasard dans San Francisco et je parlais à cet ami. Je lui faisais de longs monologues pour lui dire que je détestais tout ce qui arrivait à cette ville qui était notre ville. Ces monologues ont donné la première base de ce qui allait devenir mon premier roman.

Qu’est-ce qui vous a amené à emménager à San Francisco ?

J’ai grandi dans l’Arkansas, cet État du Sud où il n’y a que des fermes. Mon enfance, c’était l’Amérique rurale, mais nous avons dû déménager à Boston vers 1985 et nous sommes arrivées en plein milieu de la première épidémie de crack.

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C’était terrible, extrêmement violent, assez traumatisant pour tout dire et pour me libérer de toute cette violence, je me suis mis à écouter tous ces groupes punk donc certains de San Francisco comme Operation Ivy. Ces gens avaient la même vision du monde que moi, alors j’ai décidé d’y aller mais ce que j’ai découvert une fois sur place, c’est une scène poétique énorme où des gens lisaient leurs poèmes entre les concerts. Et c’est comme cela que je me suis mis à écrire.

Selon vous, quand est-ce qu’on est passé du San Francisco, berceau de la contre-culture, à la ville de millionnaires qu’elle est devenue ?

Il faut d'abord rappeler que c’est une ville qui s’est toujours transformée. Quand je suis arrivé dans les années 1980, les gens me parlaient des années 1960 avec des étoiles dans les yeux pendant que moi, je fantasmais sur les années 1950 et le mouvement de la Beat Generation. Mais à la fin des années 1990, il y a eu la première vague d’entreprise de nouvelle technologie, ce qu’on appelait « la vague.com ». Cela a amené une nouvelle population et il est devenu un peu plus difficile de se loger. Puis, certains des lieux où avaient lieu les concerts, les expositions ou les lectures, de vieux hangars pour la plupart, sont devenus des bureaux. Mais la première vague de gens de la tech, c’était surtout des petits malins, des aventuriers, et ils pouvaient donner du boulot à des personnes comme moi.

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La deuxième vague, par contre, celle qui dure depuis la fin des années 2000, ce n’est plus du tout la même chose. Ce sont des gamins qui viennent d’universités prestigieuses et qui gagnent beaucoup d’argent chez Google ou Meta. Ces sociétés leur trouvent un logement puis, chaque matin, les emmènent en bus privé au bureau. Là où ils travaillent, ça s'apparente à des mini-villes avec des restaurants, salles de sport, boîtes de nuit. Le but de ces gens est de vivre en vase clos, certainement pas de se mélanger avec le reste de la population de San Francisco. C’est cela qui a transformé la ville.

Quel impact concret cela a-t-il eu sur votre vie quotidienne ?

Le premier changement, et le plus important, a été que soudainement, il n’y avait plus de nouveaux talents qui arrivaient en ville. Parce qu’avant, chaque été, il y avait une nouvelle fournée de groupes, de poètes, d’artistes qui s’installaient à San Francisco – c’était tellement peu cher – et cela ravivait les idées, les formes.

À partir de cette deuxième vague technologique, ça a été fini. Et comme les gens commençaient à partir, dont un certain nombre d'entre eux à Los Angeles, comme j’ai fini par faire aussi, plein de lieux se sont mis à fermer et être remplacés par le genre de trucs qu’adorent les gens de la tech : à la mode super chers et inutiles.

D’ailleurs, dans Ta vie dans un trou noir, votre personnage principal travaille pour une entreprise qui vend des baleines naines aux employés des nouvelles technologies.

Oui ! Je voulais vraiment que les éléments étranges, de science-fiction, du livre, arrivent progressivement mais d’une manière très réaliste. Mais ce boulot s'inspire en fait d'un métier que j’ai moi-même pratiqué, quand j'étais dans l’animation, en 1999. C’était très tôt dans l’histoire de ces technologies et l’on a été parmi les premiers à mettre des vidéos en streaming sur Internet.

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Sauf qu’à l’époque, personne ne pouvait les regarder. On dépensait un argent de dingue dans quelque chose d’absolument inutile. Et pour moi, c’est cela l’idée des mini-baleines, la quintessence de l’esprit des gens de la Silicon Valley : quelque chose de très cher, dont personne n’a besoin et de complètement ridicule.

Cet aspect de votre livre, le côté très critique et satirique, fait beaucoup penser au roman Fight Club de Chuck Palahniuk, vous ne trouvez pas ?

C'est un compliment, merci ! En effet, j’aime beaucoup les trois premiers livres de Chuck et la grande force de Fight Club réside dans le fait que c’est un livre que l’on peut lire d’une seule traite et à haute voix. Je voulais vraiment arriver au même résultat avec Ta vie dans un trou noir : un livre qui soit hilarant mais qui ait l'effet d'un cri. Un cri de colère qui trouve son issue dans un grand rire.

***

Ta vie dans un trou noir, de Bucky Sinister, Le Gospel, 224 p., 21 €.

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