«Il faut finaliser l’accord sur le nucléaire iranien avant fin août»

Pour Bruno Fuchs, le retour du dialogue entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ne doit pas être interprété comme une réhabilitation du chef du Kremlin, mais, explique-t-il sur le dossier iranien, le dialogue avec Moscou est incontournable.

« Il y a deux sujets sur lesquels on doit lui parler, et un prioritaire, celui du nucléaire iranien. L’accord de Vienne arrive à expiration le 18 octobre, et comme il faut un mois de préavis pour notifier d’éventuelles sanctions, la date limite de négociation, c’est le 17 septembre. Et comme les Russes président le Conseil de sécurité ce mois-là, il faut finaliser l’accord bien avant. En réalité, c’est fin août qu’il faut l’avoir ».

Selon Bruno Fuchs, la France a pesé pour élargir l’accord initial, en y intégrant la question des missiles et le financement du terrorisme. « On veut que l’accord soit plus contraignant encore pour l’Iran », affirme-t-il, tout en saluant la convergence stratégique avec Washington : « Les Américains ont compris que les Européens, et les Français notamment, avaient la meilleure stratégie ».

« Poutine reste un acteur du dossier iranien, mais la clé est entre les mains de Trump »

Malgré l’isolement international du président russe, Bruno Fuchs juge que Moscou reste un acteur clef : « Son intérêt n’est pas de voir les Iraniens avec une bombe atomique à côté de chez lui ». Il appelle à harmoniser très vite les positions entre Américains et Européens, faute de quoi « les Européens risquent de renforcer leurs sanctions et les Américains de les lever ».

Concernant l’Ukraine, il se montre sans illusion : « Sur ce plan-là, il n’y a rien à attendre du président Poutine. Si aujourd’hui l’Ukraine arrête de combattre, il n’y a plus d’Ukraine. Et si la Russie arrête de combattre, il n’y a plus de guerre ». Pour lui, la responsabilité d’un éventuel déblocage incombe surtout à Donald Trump : « Il a tous les éléments pour stopper la guerre très très vite. Il peut l’utiliser dès demain matin, et la guerre s’arrête ».

Mais l’ancien président américain préfère, selon lui, maintenir l’instabilité : « Quand vous êtes le plus fort, vous mettez hors-jeu les autres. Mais ensuite, ce sont les Européens et les acteurs du multilatéralisme qui doivent stabiliser les situations. Sinon, vous êtes sans arrêt dans l’insécurité ».

«Le monde a changé, la France est en retard»

Bruno Fuchs a cosigné en novembre 2023 un rapport d’information sur les relations franco-africaines, resté, selon lui, sans suite en France : « Il a été très lu en Afrique et très peu suivi d’effet en France. Et je le déplore ». Pourtant, le constat posé est sans appel : « La France éprouve des difficultés à suivre les bouleversements d’une Afrique entrée de plain-pied dans la mondialisation ».

Il fustige un manque de compréhension des réalités africaines : « On connaît beaucoup moins les réalités africaines maintenant qu’il y a 25 ou 30 ans. On fait beaucoup d’erreurs par manque de connaissance ». Selon lui, la concurrence des puissances étrangères ne laisse plus de place à l’improvisation : « Il n’y a plus de marchés captifs. Les Russes, les Chinois, les Américains, les Anglais, les Italiens, les Turcs sont très performants ».

«Ce n’est pas de la souplesse qu’il faut, c’est de la considération»

Parmi les mesures concrètes, Bruno Fuchs plaide pour une réforme en profondeur de la politique des visas. « Ce sont les règles qui ne sont pas claires. Et surtout, la considération des personnes », dénonce-t-il. Il évoque « un professeur d’université qui passe deux ou trois heures sous la plAuie pour obtenir un visa », et rappelle que pour beaucoup, « c’est vécu comme une humiliation ».

«Le discours de La Baule est dépassé»

Si la Russie progresse en Afrique, c’est aussi parce qu’elle ne conditionne pas son aide à des exigences démocratiques. « Le discours de La Baule est dépassé », tranche Bruno Fuchs, qui prône un réalisme sans renoncer aux valeurs : « Il faut rester sur nos valeurs. Mais il faut discuter avec tout le monde ». Il critique une présence russe motivée par des intérêts privés et non des intérêts de développement.

«Il faut une vraie politique africaine»

Pourquoi la France ne se dote-t-elle pas d’une politique africaine claire, contrairement à toutes les grandes puissances ? « Je n’ai pas de réponse à ça. C’est un mystère », confie Bruno Fuchs, qui appelle à sortir du déni : « On peut ignorer les trois pays du Sahel, mais ça fait tache d’huile ». Il prévient : « Il n’y a pas d’avenir de la France et de l’Europe sans un partenariat fort avec les pays du Sud ».

Il plaide pour une réinvention du lien : « Il faut de l’humilité, de l’écoute, de la régularité dans la relation. Il faut se faire aimer. Et ce n’est pas en étant arrogant qu’on se fait aimer ».

«La suppression du corps diplomatique ? L’effet se fera sentir plus tard»

Enfin, il revient sur la suppression du corps diplomatique, très critiquée au moment de son annonce : « L’effet se fait sentir sur le moyen-long terme ». Il salue toutefois la nomination d’ambassadeurs au profil nouveau, plus adaptés selon lui aux enjeux africains : « Une jeune femme née au Sénégal, devenue Française à vingt ans, va être ambassadrice au Ghana. Sa vision est complètement différente ».