En ce début d’année 1985, le Team Lotus claque la porte pour rejoindre Williams Honda. Chez Lotus on décide de miser sur l’avenir en embauchant le jeune espoir Ayrton Senna, aux côtés d’Elio de Angelis.

Le jeune brésilien n’est plus vraiment un inconnu. Auteur d’une magnifique saison 1984 au volant d’une très modeste Toleman, il manque de gagner la course de Monaco sous la pluie. Alain Prost sauve sa première place grâce à une interruption de la course mais le monde entier sait désormais que Senna est imbattable sous la pluie.

Une saison 1985 prometteuse

Après les bonnes performances de la Lotus 95T de l'année précédente mais avec la frustration de n'avoir obtenu aucune victoire, Lotus opère quelques légers remaniements sur sa nouvelle 97T : les pontons sont désormais plus longs et la voiture gagne en finesse en perdant les ailerons multiples désormais interdits par le règlement.

Gérard Ducarouge, directeur technique, ajoute également des déflecteurs derrière les roues avant ainsi que des ailerons horizontaux devant les roues arrière. Des matériaux nouveaux comme le carbone sont utilisés dans la conception du châssis tandis que le bloc moteur est toujours fourni par Renault.

Au grand prix du Portugal, qui se déroule à Estoril, le week-end débute très bien pour Senna qui s’adjuge la pole-position devant Prost avec un écart de près d’une demi-seconde. Son équipier, Elio de Angelis pointe à plus d'une seconde. En descendant de la voiture, Senna déclare vouloir « s'envoler en tête pour éviter tout problème dans le premier tour ». C’est exactement ce qu’il va faire le lendemain, au départ du Grand Prix, malgré des conditions dantesques.

Le roi de la pluie

Dès le départ, Senna vire en tête. À la fin du premier tour, le Brésilien compte déjà 2"5 d'avance. Rien ne peut arrêter Senna, même pas son principal adversaire, Alain Prost qui part en tête-à-queue alors qu’il est déjà relégué à plus de trente secondes. La pluie redouble d’intensité et les pilotes n’ont aucune visibilité.

Finalement la course est stoppée après 75 % de la distance prévue, afin d'entériner le résultat de la course et de distribuer l'ensemble des points. Pour Senna c’est la délivrance, il vient de gagner son premier Grand Prix de Formule 1, avec plus d'une minute d’avance sur son plus proche poursuivant, Michele Alboreto. Ayrton Senna s’offre même le luxe de prendre un tour au troisième, le français Patrick Tambay sur Renault.

Pour les fans de F1, ce Grand Prix reste dans les mémoires comme la première victoire de Senna, mais aussi la première victoire de Team Lotus depuis le décès de son fondateur, Colin Chapman. De quoi faire de la Lotus 97T de Senna une voiture mythique. Quarante ans après, c’est le fils de Colin Chapman, Clive Chapman, directeur général de Classic Team Lotus, qui continue de prendre soin de cette F1. Depuis 1993, il dirige le Classic Team Lotus, dans un hangar situé à quelques dizaines de mètres de l’usine Lotus.

Ils font revivre les vieilles gloires

Ici chaque F1 est entièrement révisée, dans le strict respect de la configuration d’époque. « Le but quand on achète une F1 des années 1960 ou 1970, c’est de ressentir les vraies sensations que les pilotes d’époque. On respecte au maximum les matériaux, équipements et techniques d’époque », nous explique un mécanicien. La seule exception concerne certaines voitures des années 1960. Dépourvues de harnais, elles étaient extrêmement dangereuses. Aujourd’hui, si vous roulez en historique avec, vous serez solidement harnaché.

Dans cet atelier, les mécaniciens font revivre le glorieux passé de Lotus. « Redémarrer la voiture de Jim Clark, 65 ans après, c’est le genre de moments que nous vivons ici », poursuit-il. Une activité qui n’a cessé de se développer depuis 1993,  notamment grâce à l’explosion du nombre de courses et manifestations de véhicules historiques. Aujourd’hui, on peut voir de nombreuses courses, comme à Monaco, de F1 historiques. « Si vous voyez une F1 Lotus dans le peloton, elle vient sûrement de chez nous », se félicite le mécanicien.

Cette année, la Lotus 97T est revenue à Estoril, exactement 40 ans après la première victoire d'Ayrton Senna en Formule 1. C’est le neveu d’Ayrton, Bruno Senna, qui en a pris le volant. Pour que le casque jaune continue de piloter une Lotus.