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Aurélien Bernier : "La gauche de transformation doit accepter un débat de fond sur l’Union européenne"

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Vingt ans après le « non » au référendum sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe (TCE), l'essayiste Aurélien Bernier publie « Que faire de l'Union européenne ? » (éditions de l'Atelier), un ouvrage dans lequel il constate l'impossibilité de transformer l'Union européenne dans un sens progressiste.

Il y a vingt ans, les Français ont dû se prononcer sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe (TCE). Alors que les principales forces politiques font campagne pour l'adoption du texte, Nicolas Sarkozy et François Hollande en tête, les Français s'opposent au projet. Le « non » est très majoritaire au sein des classes populaires et moyennes, des catégories perdantes de la mondialisation et du libre-échange.

Selon l'institut Ipsos, 79 % des ouvriers, 67 % des employés, 70 % des agriculteurs et 71 % des chômeurs auraient rejeté dans les urnes le TCE. Mais deux ans après, fraîchement élu, Nicolas Sarkozy fait adopter par voie parlementaire un projet sensiblement proche, le traité de Lisbonne. Depuis, l'Union européenne (UE) a connu diverses crises, comme celle des dettes souveraines ou le Brexit, mais n'est plus réellement remise en question en tant que telle.

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Pourtant, dans son dernier ouvrage, Que faire de l'Union européenne ? (Éditions de l'Atelier), l'essayiste Aurélien Bernier démontre que la construction européenne, telle qu'elle s'est effectuée ces dernières années, est fondamentalement néolibérale. Selon lui, il est donc impossible de changer cette UE dans un sens progressiste, social et écologique. Entretien.

Marianne : Quel bilan de l’Union européenne tirez-vous, vingt ans après le « non » au TCE et 18 ans après l’adoption du traité de Lisbonne, qui en reprend les grandes lignes ?

Aurélien Bernier : Les objectifs généraux de l’Union européenne n’ont pas varié avec le « non » français et le « non » néerlandais de 2005. De la même manière, la poussée du nationalisme autoritaire et de l’extrême droite dans de nombreux États membres ne provoque aucune remise en cause. Cela n’est pas surprenant car les dirigeants de l’institution poursuivent un but idéologique : déréguler, libéraliser, réduire les dépenses publiques, répondre aux attentes des détenteurs de capitaux…

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Mais si l’on observe les vingt dernières années, deux phénomènes se sont accentués. Le premier est la prise de compétence grâce à une stratégie du fait accompli. C’est le cas pour l’énergie, par exemple, qui est en théorie une compétence partagée entre les États et Bruxelles. Avec la crise des prix de 2021-2023 (provoquée par la dérégulation imposée par l’Union !) et la guerre en Ukraine, la Commission a étendu ses pouvoirs. C’est également le cas en matière de diplomatie et de défense. La seconde tendance forte est le renforcement de l’autoritarisme. On l’a vu au milieu des années 2010 en Grèce, et maintenant avec des pays de l’Est qui ne voudraient pas financer l’aide militaire à l’Ukraine ou couper tous les ponts avec la Russie.

Selon vous il est impossible de changer l’Union européenne dans un sens progressiste. Pourquoi ?

Il y a deux raisons à cela. La première est que l’ordre juridique européen a été pensé pour que ses dispositions fondamentales ne puissent pas être changées. Pour modifier les principes du marché unique (la libre circulation des capitaux et des marchandises, les politiques de concurrence…), il faudrait l’unanimité des États membres. C’était déjà difficile à imaginer à l’époque de l’Europe des Six – l’Allemagne de l’Ouest était acquise au néolibéralisme, de même que les Pays-Bas ou le Luxembourg – mais c’est totalement illusoire aujourd’hui, à 27, avec des États comme l’Autriche, Malte, l’Estonie…

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La seconde raison, c’est le rapport de force politique. La gauche de transformation (non sociale-démocrate, puisque les socialistes et les verts sont dans une logique d’aménagement du néolibéralisme) est ultra-minoritaire. Avec 15 % des sièges à l’Assemblée pour le PCF et LFI, la France fait figure d’avant-garde ! Dans la plupart des pays de l’Ouest et du Nord de l’Europe, la gauche de transformation pèse entre 5 et 10 %. Dans de nombreux Parlements de pays de l’Est, elle n’est même pas représentée.

Selon vous, les deux solutions sont de sortir de l’Union européenne ou de rompre avec son ordre juridique. Pourquoi et comment ?

Le changement progressiste de l’intérieur est concrètement impossible, mais une « désobéissance » française à droit constant ne l’est pas moins. L’ordre juridique européen prime sur le droit national. On peut toujours traîner des pieds pour transcrire une directive mais le droit déjà adopté (donc tout ce qui concerne le marché unique, la concurrence public-privé, les marchés de l’énergie ou du carbone…) s’impose aux États. Et comme je le montre dans le livre, ce sont les tribunaux français qui en assurent le respect. Une loi de contrôle des capitaux, par exemple, serait immédiatement annulée par le Conseil d’État. Même chose si l’on voulait recréer des monopoles publics pour le train, le gaz ou l’électricité.

C’est cette primauté du droit européen qui nous lie les mains. Si nous continuons à l’accepter, une gauche de transformation au pouvoir ne ferait pas beaucoup mieux que Jospin ou Hollande. Or, pour remettre en cause cette hiérarchie des normes, il faut un changement de niveau constitutionnel qui oblige les juges français à revoir leur jurisprudence.

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Mais ce n’est pas forcément du tout ou rien. On peut certes modifier la Constitution pour sortir la France de l’Union européenne (ce qui personnellement me conviendrait) mais on peut aussi le faire pour renationaliser certaines compétences en faisant primer, dans ces domaines, le droit national. Nous pourrions placer les services publics en dehors des règles européennes de concurrence, réautoriser le contrôle des marchandises et des capitaux ou celui du crédit. Et nous verrions alors si d’autres États seraient prêts à nous suivre.

L’exemple du Brexit, alors que le Royaume-Uni n’était même pas dans la zone euro, ne prouve-t-il pas que sortir risquerait d’apporter plus de problèmes que de solutions ?

Le Royaume-Uni ne s’en tire pas si mal et le Brexit n’a pas du tout été le cataclysme annoncé. Mais quoi qu’il en soit, on ne peut pas se référer en permanence à cet exemple, car les Britanniques ont réalisé une sortie de droite, sans rupture avec les politiques néolibérales. Ceci dit, les choses pourraient évoluer. Il ne faut pas s’attendre à ce que les travaillistes au pouvoir depuis 2024 réalisent des prouesses, mais certaines mesures qui étaient inenvisageables à l’époque de l’appartenance à l’Union européenne deviennent possibles. Le gouvernement crée par exemple une entreprise publique de l’énergie pour développer les renouvelables et, sans doute, pour reprendre en main les activités nucléaires.

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Je m’intéresse pour ma part à une sortie de gauche, qui viserait une rupture bien plus nette. Pour ce faire, nous aurons besoin de leviers puissants pour contraindre les multinationales et les marchés : un contrôle accru de l’État sur l’économie, la nationalisation de certains secteurs d’activité, des limites à l’accumulation de richesses… Je ne prétends pas que ce soit facile, au contraire, mais avec un mouvement social suffisamment fort et sans le verrou du droit européen, de tels changements me semblent possibles. Encore faudrait-il que la gauche de transformation accepte un débat de fond sur l’Union européenne et prenne des positions sérieuses. Ce qui est encore loin d’être le cas.

***

Que faire de l'Union européenne ?, Aurélien Bernier, éditions de l'Atelier, 154 p., 16 €.

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