Language

         

 Publicité par Adpathway

Au Québec, peut-on vivre du théâtre sans s’user à la corde?

1 month_ago 1

         

NE LAISSER PAS LE 5G DETRUIRE VOTRE ADN Protéger toute votre famille avec les appareils Quantiques Orgo-Life®

  Publicité par Adpathway

On ne fait pas d’argent en jouant du théâtre au Québec. Si l’on en fait, on en fait peu, résume Tania Kontoyanni, présidente de l’Union des artistes (UDA). Elle n’est pas la seule à le penser ; ils sont nombreux à le vivre. Au Québec, peut-on vivre des planches sans s’user à la corde ? Oui, mais ça dépend de notre rôle dans la machine. Dans ce nouveau texte de la série Scènes sans sous, regard sur les premiers de scène : les acteurs.

La comédienne Ève Pressault a vécu en 2023-2024 une année théâtrale exceptionnelle. « C’est rare d’avoir au moins quatre propositions pour un an, et là j’ai joué dans six spectacles », raconte-t-elle. Tous des rôles principaux. Tous sur des scènes importantes.

« J’ai travaillé 12 mois, sans arrêt », résume la comédienne qu’on a pu voir entre autres dans Trop humains, Wollstonecraft (tous deux au Quat’Sous), Limbo (au Prospero) et Mon corps ébloui, debout (au théâtre d’Aujourd’hui).

Résultat ? Avec six spectacles, « j’ai fait 42 000 $ », chiffre-t-elle. C’est 100 % de ses revenus. Selon l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, un Montréalais seul doit avoir un revenu disponible annuel de 40 084 $ pour que celui-ci soit considéré comme « viable ». Mme Pressault est mère en garde partagée d’un grand jeune du secondaire.

La comédienne poursuit son travail uniquement sur les planches grâce à un héritage reçu de son père. « Ma réflexion actuelle, [c’est] : qu’est-ce que je peux me trouver comme job sideline en même temps que ma pratique [et qui laisserait assez de liberté pour encore jouer] ? »

Prendre racine

Parler d’argent au théâtre est un sujet compliqué, délicat, précise le metteur en scène, commissaire et acteur Christian Lapointe, car le milieu est un écosystème où tous les intervenants sont interdépendants. « Aucun théâtre ne fait de l’argent au Québec, et les théâtres ne peuvent pas donner des sous qu’ils n’ont pas », explique-t-il. « On peut quand même se demander ce qu’ils font avec les sous qu’ils ont. »

« Mènent-ils un véritable projet artistique, ou un projet de gestion auquel l’artistique est inféodé et où les artistes — les personnes les moins payées de cette chaîne — sont comme du minerai, du simple charbon nécessaire pour nourrir la machine ? »

Selon lui, le théâtre nourrit toute une chaîne, qui part des étudiants — car il n’y a pas d’école de jeu télévisuel ou cinéma au Québec — et dont les maillons se rendent à nos vedettes télé — « jusqu’à l’audiovisuel, si cher au gouvernement, et jusqu’à la créativité québécoise qui rayonne dans les grands stades du monde par le travail des Moment Factory et compagnie », continue M. Lapointe.

Deus es machina d’un arte povera

Tania Kontoyanni, présidente de l’UDA, tire une leçon sur les fins et les moyens : « Les artistes sont en train de dire que peut-être que tous ces théâtres n’ont plus les moyens de faire du spectaculaire, si ce n’est sur notre dos. Peut-être qu’il faut arrêter d’en faire, et rémunérer plus dignement les acteurs que de leur mettre des costumes majestueux qui coûtent plus cher que tout mon cachet… »

L’entente collective entre l’UDA et Théâtres associés est échue. Les négociations doivent débuter prochainement. C’est dans les années 1990 que la dernière refonte majeure a eu lieu. Elle a permis l’intégration du paiement des répétitions, qui n’étaient jusque-là ni payées ni encadrées. Elles pouvaient se tenir le soir, la fin de semaine, sans respect des horaires ni heures supplémentaires rémunérées.

Plusieurs intervenants ont précisé qu’il fallait regarder l’ensemble du contrat, qui constitue un tout, et pas seulement le taux horaire des répétitions ou le cachet pour chaque représentation.

17,77 $

Le salaire plancher pour les répétitions est de 17,77 $ l’heure si l’acteur joue dans une salle de 199 spectateurs ou moins.

D’accord. Le salaire plancher pour les répétitions est de 17,77 $ l’heure si l’acteur joue dans une salle de 199 spectateurs ou moins (comme le Quat’Sous, La Licorne ou le Prospero). Pour une salle de 600 à 899 spectateurs (telle que celles de Duceppe ou du Théâtre du Nouveau Monde [TNM]), c’est au moins 20,50 $ l’heure. Le salaire horaire minimum au Québec est actuellement de 16,10 $.

Pour un premier rôle, 120 heures de répétitions sont minimalement garanties, 50 heures pour les petits rôles. Selon les informations que Le Devoir a récoltées, on répète rarement plus ces temps-ci. Apprendre le texte par cœur, ce n’est pas rémunéré.

Et les spectacles ? Un premier rôle dans une petite salle engendrera 150 $ par soir pour moins de 30 représentations. Dans les plus grandes salles, ce sera au moins 246 $. Les titulaires des plus petits rôles seront assurés de faire 90 $ par soir dans une petite salle.

Certains théâtres offrent évidemment plus que ces salaires et tarifs planchers, mais « les répétitions sont si peu payées que c’est aux représentations que tu renfloues tes coffres », explique Ève Pressault. « Avant, on jouait de quatre à six semaines ; avec cette crise, on voit de plus en plus souvent seulement 15 représentations. C’est beaucoup de travail pour pas beaucoup d’argent. »

Elle enchaîne en notant que les théâtres « sont capables de sortir de l’argent pour des vedettes » : « Rémy Girard ne reçoit clairement pas 300 $ par représentation » quand il joue au TNM, « et je suis absolument d’accord que des artistes arrivent finalement à très bien vivre. C’est la disparité et l’iniquité qui me frustrent », note-t-elle. « Le concierge d’un théâtre a son augmentation de salaire aux deux ans — et ça aussi, je suis d’accord… —, mais pas nécessairement les artistes qui y reviennent. C’est toujours à l’acteur de faire le compromis financier. »

Un art capital

« Moi, j’ai réalisé que ç’avait pas d’allure le jour où, pendant que je travaillais un premier rôle dans un des grands théâtres de Québec, je suis descendu un matin à Montréal pour faire une voix », raconte le comédien Steve Gagnon. « J’ai fait le même montant en un après-midi en prêtant ma voix à une pub de rasoir que pour toute la run des répétitions et des shows. C’était un gros rôle, dans un show attendu. »

C’est quand même incroyable que, dans notre métier, on soit encore en train de se battre pour avoir un salaire.

— Pénélope Deraîche-Dallaire

Son contrat de théâtre le plus lucratif à ce jour ? Jouer Albert Camus au TNM, dans Je t’écris au milieu d’un bel orage, aux côtés d’Anne Dorval. « C’est mon plus gros contrat de théâtre, un très grand rôle — deux acteurs sur scène pendant deux heures, énormément de texte à apprendre, à travailler pour rendre la pensée limpide et incarnée. J’ai fait autour de 15 000 $ en tout, c’est le meilleur salaire que j’ai eu à ce jour. Mais j’ai travaillé pendant six mois — j’ai presque tout lu Camus, c’était nécessaire. »

Pour ce père de deux enfants, même s’il avait la chance de cumuler deux contrats Klondike en une année, ça demeurerait serré financièrement. Il complète son gagne-pain en faisant des voix, qui prennent 5 % de son temps pour produire 75 % de ses revenus. Quelque 15 % se font à la télé, et 7 % au théâtre, qui prend 50 % de son temps.

Travailleurs autonomes contractuels, les acteurs arrivent ainsi à vivre en jonglant avec des montages financiers imaginatifs : publicités, voix, doublage, enseignement, médiation, restauration, etc. Devrait-il être possible de vivre décemment uniquement du théâtre au Québec ?

« C’est quand même incroyable que, dans notre métier, on soit encore en train de se battre pour avoir un salaire », a lancé à la volée Pénélope Deraîche-Dallaire, actrice, autrice et metteuse en scène. « Pas pour avoir une augmentation, mais pour avoir juste un salaire. »

read-entire-article

         

        

NE LAISSER PAS LE 5G DETRUIRE VOTRE ADN  

Protéger toute votre famille avec les appareils Quantiques Orgo-Life®

  Publicité par Adpathway