Au Centre Platform, l’exposition The Slowly Growing Sunset of a Summer Evening, dont le commissaire est Camilo Londoño Hernández, propose une exploration radicale de la perception à travers la cécité. Elle invite le public à reconsidérer la primauté du regard.

Habituellement vouée à la photographie, la galerie se transforme ici en un espace multisensoriel, accueillant des œuvres sonores, numériques et suspendues.

Selon Meganelizabeth Diamond, directrice générale et artistique du Centre, il est essentiel d’offrir ce type d’exposition pour susciter une curiosité plus profonde pour d’autres techniques artistiques.

Le titre évoque un moment suspendu, chaleureux, progressif et immersif, qui reflète la manière dont la perception peut se déployer au-delà du visuel, explique-t-elle.

L’exposition invite à revisiter notre relation à la vision en remettant en question l’idée même de voir.

Pour Meganelizabeth Diamond, elle ouvre un espace de réflexion, une nouvelle façon d’être en lien avec les autres et avec le monde, lorsqu’on prend le temps d’écouter, de ressentir et d’imaginer au-delà de ce qui est visible.

Les visiteurs peuvent s’arrêter, décentrer leur regard, et accueillir l’ambiguïté de la connexion et de la découverte, souligne-t-elle.

Les œuvres explorent la cécité comme un fondement radical et poétique de perception, remettant en cause les idées dominantes sur la manière dont nous voyons et expérimentons le monde. L’exposition offre un espace pour réfléchir à notre rapport aux autres et au monde lorsque nous écoutons, ressentons et imaginons au-delà de ce qui est visible.

Originaire d’Allemagne, Camilo Londoño Hernández a réuni des artistes du Manitoba, de la Colombie et du Pérou, qui travaillent avec différents matériaux, pour créer cette exposition singulière.

Pour l’équipe du musée, il est important de déconstruire la hiérarchie des sens imposée par la société. Il semble que la vue soit considérée comme le sens suprême, le plus fiable, le plus valorisé, déplore le commissaire de l'exposition.

Mais nous ne devrions pas diviser les sens. Ils sont complémentaires et devraient être appréciés comme un tout, poursuit-il.

La cécité occupe donc une place centrale dans cette exposition. Camilo Londoño Hernández cherche à remettre en question l’autorité du regard.

Si je marche dans la rue et qu’une personne m’appelle, je l’ai déjà vue avec mes oreilles, et je sais si je la connais ou non, illustre-t-il.

Nos oreilles nous permettent donc aussi de voir, tout comme notre toucher ou notre ouïe, conclut-il.

Cette œuvre de Connie Chappel est un moyen de célébrer sa sœur décédée. L'artiste rend ainsi visible ce qui est invisible.

Photo : Radio-Canada / Jemima Kalemba

Certains artistes, comme Connie Chappel, de Winnipeg, n’ont pas abordé la cécité de manière explicite. Elle explore plutôt la relation entre la vie et la mort, ainsi que la dynamique entre le visible et l’invisible.

Il faut comprendre que nous avons tous, à un moment ou un autre, une forme d’expérience de la cécité dans notre vie, physiquement ou symboliquement.

Nous ne devons pas penser que seules les personnes qui perdent la vue ou ont des capacités différentes souffrent de cécité. Nous en sommes tous victimes, d’une manière ou d’une autre, ajoute-t-il.

Tel un coucher de soleil estival qui s’efface lentement, nous avançons tous vers la vieillesse. Et avec elle, notre vision change, raconte le commissaire de l'exposition.

Le simple fait de devoir porter des lunettes en vieillissant est une forme d’entrée dans la cécité. Entre-temps, chacun est confronté à ses propres manières de voir, conclut-il.