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Anohni en concert à Genève: «Dans très peu de temps, le monde ne sera plus durable»

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Publié le 03 juillet 2025 à 05:06. 5 min. de lecture

Il y a 20 ans, le 7 juillet 2005, le public du Montreux Jazz Festival découvrait, sidéré, Antony Hegarty. Aux côtés de son groupe, The Johnsons, l’artiste britannique, installé de longue date à New York, bouleversait avec sa voix d’ange androgyne qui transperce l’âme et le cœur. Après avoir fondé dans les années 1990 le collectif de cabaret avant-gardiste Blacklips, il publiait en 2000 Antony and the Johnsons, premier album du groupe éponyme. Le chanteur deviendra au milieu des années 2010 chanteuse, se faisant dorénavant appeler Anohni. Toujours aussi précieuse, sa pop de chambre aux élans symphoniques est pour elle un moyen de questionner son rapport au monde. Interview exclusive à l’occasion de son unique concert suisse, à Genève dans le cadre des sessions estivales du festival Antigel.

Le Temps: Vos concerts sont toujours d’une rare intensité émotionnelle. Ressentez-vous, sur scène, cette forte connexion avec le public?

Anohni: Je dirais que je me sens avant tout connectée à la musique, aux musiciens et au monde créatif. Et j’ai du plaisir à m’ouvrir au public afin de partager des choses qui pourraient lui être utiles. J’essaie de suspendre le temps tout en donnant un peu de sens à ce qui se passe aujourd’hui dans le monde. La petite tournée que nous terminons la semaine prochaine s’intitule Mourning the Great Barrier Reef, et elle s’inspire d’une série de films que j’ai faits ce printemps en Australie sur la Grande Barrière de corail. C’est une magnifique expérience que d’avoir la chance de chanter devant ces images.

En 2016: A Montreux, la prophétie d'Anohni
Qu’avez-vous ressenti lorsque vous vous êtes rendue sur l’île Lizard afin d’observer cette barrière de corail qui est menacée?

Anohni. — © Shaun MacDonald/Rebis Music Anohni. — © Shaun MacDonald/Rebis Music

Elle est plus que menacée! Près de 70% de la barrière est déjà morte, c’est comme un cimetière… Il reste quelques poches qui ont été préservées, mais elles sont dans un état extrêmement précaire. C’était vraiment déroutant, en parlant avec des biologistes marins, de comprendre de leur point de vue empirique à quoi ressemblera la barrière dans le futur. Et dans le même temps, ce fut une expérience incroyable d’avoir la chance de voir ce qui est une oasis absolue de la diversité, même dans cet état de déclin. Il y avait par endroits des champs de gravats, avec quelques poissons qui semblaient regarder un paysage désertique, alors qu’ailleurs les portions qui ont pu être sauvées demeurent d’une extraordinaire beauté. J’ai ressenti des émotions contradictoires, comme les gens avec qui j’ai travaillé, qui pleuraient en pensant à la barrière telle qu’elle était auparavant. Même s’ils éprouvent les changements climatiques à travers la hausse des températures, les gens qui vivent dans des zones urbaines ou suburbaines trouvent encore hélas abstraite cette idée que l’ensemble des écosystèmes est en train de s’effondrer.

Vous aviez inclus sur l’album live «Cut the World» (2012) un monologue intitulé «Future Feminism», dans lequel vous parlez notamment de l’influence de la Lune sur les océans et les êtres humains, qui sont constitués à 70% d’eau. Avons-nous tendance à oublier que lorsque nous détruisons les écosystèmes c’est nous-mêmes en tant qu’espèce que nous menaçons?

Absolument, car dans très peu de temps, le monde ne sera plus durable. La quantité de méthane qui est libérée dans les régions arctiques et par le permafrost est énorme. Les changements que nous allons observer ces prochaines années sont cataclysmiques, et les scientifiques le savent parfaitement. Il faut parler de ce savoir viscéral, et c’est le rôle notamment des médias, afin de ne pas rester passif. Il faut donner aux gens une chance de méditer plus profondément sur ce que signifie l’effondrement de la biosphère. Cette planète est la seule source de vie que nous connaissons, il n’y a pas de plan B!

Les plans B se trouvent dans les récits de science-fiction… En tant qu’artiste, est-ce une nécessité pour vous d’avoir un engagement concret, d’aller au-delà de l’aspect divertissant de la culture?

Je n’ai jamais été intéressée par le divertissement. Mon travail a toujours consisté à réfléchir sur les choses qui me préoccupent, je ne suis pas là pour vous aider à oublier vos problèmes. En tant qu’artiste, je me suis toujours engagée sur les questions les plus significatives. Je cherche à être au service de la communauté, je conçois mes performances comme des cérémonies qui ont du sens. Tenter de fuir ce que nous traversons aujourd’hui ne va pas nous aider.

Sur votre site, on trouve une citation de presse qui vous présente comme «un des plus grands «protest singers» de [votre] génération». Vous reconnaissez-vous dans cette étiquette qui définissait au début des années 1960 Bob Dylan?

Je n’en ai aucune idée, cela ne m’intéresse pas. Tout ce que je sais, c’est que la situation à laquelle nous sommes en train de faire face est sans précédent. Nous devons urgemment trouver collectivement le moyen de changer notre comportement. Mais les structures économiques de nos sociétés nous en empêchent. Les religions auxquelles les gens souscrivent participent de même plus à la disparition de la biosphère qu’à l’éveil de nos consciences. Et comme vous l’avez dit, les récits de science-fiction nous ont encouragés à fantasmer sur l’idée de coloniser des planètes lointaines plutôt que d’imaginer comment continuer à vivre au sein de la biosphère de laquelle nous sommes issus.

Lire aussi: «Exposée à des niveaux record de chaleur», la Grande barrière de corail subit son pire épisode de blanchissement
«I need another world, this one’s nearly gone» («j’ai besoin d’un autre monde, celui-ci a presque disparu»), chantiez-vous déjà en 2008 sur «Another World». N’êtes-vous pas parfois désenchantée face à l’inaction des gouvernements?

Bien sûr que je suis désenchantée, bien sûr que je ressens beaucoup de douleur… Je pense que beaucoup de gens sont en train de la ressentir, mais aussi de l’accepter. Si on peut redonner du sens à sa vie à travers des engagements locaux, personne n’affirmera que la vie sur Terre sera plus amusante dans cinquante ou cent ans. Tout le monde peut ressentir le cataclysme en cours. Je suis sûr que vous avez près de chez vous un parc, et que vous avez vu des arbres avec des feuilles qui commencent à pousser au bas des troncs. Les températures sont tellement élevées que les arbres pensent qu’il y a un incendie! A Madrid, tous les champs sont déjà bruns, c’est un paysage de fin d’été. A New York, il a fait la semaine dernière près de 40 degrés, une température qu’on trouvait il y a 20 ans au plus haut de l’été en Californie. On dit dorénavant que le climat new-yorkais est subtropical… En Suisse, vous pouvez observer la disparition des glaciers, ce n’est plus une abstraction scientifique. En tant qu’artiste, j’essaie de faire ressentir mes préoccupations à travers la musique. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de penser au jour dernier, mais de parler du présent, de ce qui se passe aujourd’hui.

Il y a 20 ans, le public suisse vous découvrait lors du premier de vos trois concerts au Montreux Jazz Festival. Quel regard portez-vous sur votre carrière, qui vous a vu passer d’Antony à Anohni?

Mon voyage a été mystique, j’ai eu des opportunités que les gens de mon groupe démographique n’ont que très rarement. Je suis reconnaissante pour tout cela, et cette gratitude est en même temps paradoxale puisque je me pose la question de mon empreinte carbone. C’est notamment pour cela que je n’étais plus partie en tournée depuis la sortie de l’album Hopelessness [2016]. Mais aujourd’hui, j’ai l’impression que je peux vous offrir quelque chose, et je veux être utile.


Anohni and the Johnsons en concert, Victoria Hall, Genève, mardi 8 juillet à 20h dans le cadre du Summer Antigel.

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