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Anne Émond nous appelle, fébrile, entre deux projections de son film à la Quinzaine des cinéastes, en marge du Festival de Cannes : « Je suis très nerveuse dans la vie, j’étais donc particulièrement stressée, mais les premières réactions ont été positives. Amour apocalypse est peut-être mon film le moins sérieux, et ça me rassure de voir que la presse et le public ont compris mon délire, qu’ils ont beaucoup ri. »
La nervosité naturelle de la réalisatrice de Nelly (2016) et de Jeune Juliette (2019) imprègne en quelque sorte ce dernier film. Fougueux, frénétique, il aborde la crise climatique sous les traits d’une comédie romantique. Patrick Hivon y incarne Adam, déprimé, écoanxieux, directeur d’un chenil dans une petite ville minière du Québec. Quand sa précieuse lampe de luminothérapie se brise, il appelle le service à la clientèle… et tombe amoureux de Tina (Piper Perabo), la commis à l’autre bout du fil.
« J’ai commencé à prendre de premières notes dans le but d’écrire le scénario il y a 20 ans, raconte Anne Émond. J’ai toujours été anxieuse par rapport à l’environnement. Ça fait des années qu’on en parle, mais la situation ne fait qu’empirer. J’ai voulu essayer d’interpeller les gens, humblement, et d’une manière à laquelle ils ne s’attendraient pas : à travers une histoire d’amour et de l’humour absurde. Pour moi, ça a été une manière de sublimer et d’apaiser mes angoisses. »
Marchandisation du bonheur
On ne saurait trop souligner à quel point le film, en effet, emprunte des détours absurdes. L’obsession soudaine d’Adam pour Tina paraît d’abord invraisemblable, mais la cinéaste pousse plus loin en nous entraînant dans un récit d’aventures, sur les traces de la commis en Ontario, avant de basculer, en fin de parcours, dans un film catastrophe.
Tous ces changements de ton sont pleinement assumés. « J’anticipais qu’on me reproche d’avoir fait un film inégal, désorientant, parce qu’il explore plusieurs genres à la fois, mais jusqu’ici cette fébrilité semble bien reçue, confie Anne Émond. Je pense qu’elle peut faire écho à notre état d’esprit aujourd’hui, alors qu’on peut se sentir dépassé par l’actualité politique. »
Des thématiques sociales affleurent ainsi tout au long, avec des degrés de subtilité variables. On y perçoit des questionnements sur la masculinité, tandis qu’Adam est incapable de se confier à ses amis, encore moins à son père (Gilles Renaud), qui refuse de reconnaître sa dépression. D’autres passages franchement drôles interrogent la marchandisation du bonheur et les formes de soin valorisées dans notre économie capitaliste : antidépresseurs, méditation, exercice physique — tout y passe, pourvu qu’on se soigne soi-même.
« Comme une fable »
« C’est le système capitaliste [qui nous a plongés dans] la crise climatique, soutient la réalisatrice. En fait, j’avais tellement de choses à dire que j’ai même dû [réduire] les dialogues dans certaines scènes, dont une où Adam consulte une psychologue. » Cela ne se ressent pourtant pas au montage final. Bien que plus courte que souhaité par Anne Émond, cette séquence offre finalement l’un des moments les plus fins, les plus cocasses.
Le film est par ailleurs chargé de symboles, mais la cinéaste évite que cela ne l’alourdisse trop, insufflant à sa narration une candeur surprenante, à l’image de son protagoniste. « Patrick Hivon était l’acteur parfait pour le rôle, dit-elle. Il a l’air abattu au début, comme un petit chien, mais il apprend à s’affirmer. »
Parmi ces images évocatrices, on note celles de la mine et des industries avoisinantes, ou encore les chiens, justement, sur lesquels veille le personnage. « J’ai conçu le film comme une espèce de fable, souligne Anne Émond. Les gens appellent tous Adam par son prénom, l’entraînent dans des situations comiques qui n’ont pas de sens, il y a quelque chose de magique dans l’air. »
Dans le sillage de Sean Baker
Quelque chose de magique, et en même temps de sale, de pollué, d’étouffant. La direction photo, conçue par Olivier Gossot (Fauve, 2018), visait notamment à évoquer, à travers le grain de la pellicule, la grisaille ambiante. Si les premières scènes rappellent les derniers films de Monia Chokri, avec ses teintes orangées et ses accents rétro, la suite devient plus sombre, à l’approche d’une tempête.
« J’ai certainement des points en commun avec Monia, note la réalisatrice. J’admire son travail. Nous avons le même producteur, Metafilms, et nous avons toutes les deux travaillé la comédie romantique, mais de manière complètement différente. Sur le plan visuel, je me suis surtout inspirée de Red Rocket (2021), l’un de mes films préférés de Sean Baker. […] Certains y ont vu quelque chose de nostalgique, mais j’ai aussi voulu que ça reste actuel, à la fois dans le récit et dans la mise en scène. »
On ne peut alors que saluer ce parti pris d’Anne Émond, qui signe ici l’une des trop rares fictions québécoises grand public à assumer un propos écologiste. À la Quinzaine, elle forme un tandem fort avec Félix Dufour-Laperrière, lui aussi porteur d’un cinéma engagé — en parallèle d’un Festival de Cannes jugé, cette année encore, frileux et aseptisé sur le plan politique.
Amour apocalypse prendra l’affiche au Québec le 8 août.