La nouvelle était attendue, ou redoutée, elle est officielle depuis mercredi soir : Alexander Shelley quittera son poste de directeur musical de l’Orchestre du Centre national des arts (CNA) d’Ottawa à la fin de la saison 2025-2026, dont le contenu a été révélé dans la foulée.

« Il y a un dicton en Allemagne disant qu’il faudrait partir quand tout est au mieux ; l’idée est belle », nous dit Alexander Shelley, féru de littérature et de philosophie, joint quelques heures avant l’annonce. « Notre relation se développe, mais surtout, ce que j’espère est de transmettre à la personne qui me succédera un orchestre qui n’est pas fatigué, lassé ou blasé, mais qui surfe sur une énergie positive. »

Héritage

Le chef britannique, qui a passé onze saisons à la tête de l’Orchestre du CNA, qu’il a marqué par son talent, sa culture, son ouverture d’esprit et sa créativité, œuvrera désormais sur notre continent sous des climats différents. Il a été nommé, en avril 2023, directeur artistique et musical d’Artis-Naples en Floride, où il assurera la direction artistique de l’orchestre, ainsi que de l’ensemble de l’organisation artistique multidisciplinaire. Il sera aussi, à partir de la saison 2026-2027, le directeur musical du Pacific Symphony, dans le comté d’Orange en Californie.

Alexander Shelley espère rester un « membre de la famille du Centre national des arts ». « La musique que nous faisons ensemble, le niveau que nous avons atteint est le fruit d’une relation très spéciale. Nous nous entendons très bien et je pars avec le sentiment que notre relation va s’approfondir d’une autre manière dans le futur. »

En coulisses, les choses étaient bien claires depuis assez longtemps. « La décision a été prise il y a quelques années avec la direction générale et artistique lorsque j’ai signé mon renouvellement. Nous nous sommes entendus sur le fait que ce serait sain pour tous, y compris l’institution, que ce soit le dernier. J’apprécie chaque jour passé avec l’orchestre ; nous avons beaucoup de plaisir ensemble. »

Dernier tour

En cerise sur le gâteau de leur collaboration, Alexander Shelley et l’Orchestre du CNA s’apprêtent à partir en tournée en Corée et au Japon. Quant à leur dernière saison en commun, le directeur musical a voulu plusieurs choses. « D’abord faire revivre plusieurs des grandes créations issues des commissions que nous avons passées au fil des saisons. » Durant le mandat d’Alexander Shelley, l’Orchestre du CNA a passé commande de 50 nouvelles œuvres. On retrouvera donc Nicole Lizée, Kelly-Marie Murphy, et l’emblématique My name Is Amanda Todd de Jocelyn Morlock. Cet héritage sera enrichi par des commandes à Gabriel Dharmoo et à Samy Moussa.

« Nous ferons aussi venir des solistes qui me sont chers : Hilary Hahn, Gabriela Montero, Joshua Bell ou Lang Lang. Vous noterez qu’Hilary Hahn jouera un concerto de Søren Nils Eichberg que nous avons co-commissionné et Joshua Bell proposera Les éléments, œuvre collective de Kevin Puts, Edgar Meyer, Jennifer Higdon, Jake Heggie et Jessie Montgomery. »

Alexander Shelley a voulu inclure Tosca en version de concert, lui qui avait séduit et convaincu Ottawa de l’engager en dirigeant La bohème. Il terminera la saison par un addendum à son odyssée discographique associant Brahms et le couple Schumann. James Ehnes jouera le Concerto pour violon de Robert Schumann, Nicolas Altstaedt se joindra à lui pour le Double concerto de Brahms, programme enrichi par une orchestration de quatre mélodies de Clara Schumann.

Évidemment, la saison 2025-2026 sera scrutée pour y déceler le successeur d’Alexander Shelley, puisque la direction du CNA est à même de préparer cette transition depuis plusieurs années. On voit les noms de Xian Zhang, John Storgårds, Christian Reif, Gemma New, Andrey Boreyko et Joana Carneiro.

Une petite « anomalie » attire l’attention : un invité se voit attribuer deux concerts. Il s’agit de Teddy Abrams, de son vrai nom Edward Paul Maxwell Abrams, un Américain de 38 ans, ex-protégé de Michael Tilson Thomas, diplômé, en 2008, du Curtis Institute de Philadelphie. Abrams, d’ascendance russe, polonaise et hongroise, directeur musical depuis 11 ans de l’Orchestre de Louisville, est, par ailleurs, pianiste, clarinettiste et compositeur, et à ce titre, il est l’auteur d’un « opéra-rap » sur Mohamed Ali, le plus légendaire citoyen de Louisville.

En maniant la litote à bon escient, on dirait que ce Teddy Abrams possède à tout le moins un semblant de profil de l’emploi.