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Publié le 29 mai 2025 à 04:33. 4 min. de lecture
Le Cirque du Soleil est de retour à Genève avec «Kurios-Cabinet de curiosités», spectacle créé en 2014.
As du yo-yo, voltigeurs, clowns, acrobates renversants déploient un imaginaire de la fin du XIXe, une science-fiction à la Jules Verne
Mis en scène par le Québécois Michel Laprise, le show a déjà été applaudi par quelque six millions de spectateurs à travers le monde
Une affaire qui roule, bien sûr. Le Cirque du Soleil, son chapiteau, ses quatre mâts de Cocagne, sa piste aux prodiges et ses 2500 sièges sont de retour sur la plaine de Plainpalais à Genève – jusqu’au 29 juin. Il déballe des malles dignes du Capitaine Nemo, le héros de Jules Verne, des malles qui débordent de gilets de bal, de casquettes de marins, de cravates de cocodès, de chapeaux de mage tirebouchonnés, de scaphandres de baleine, d’instruments de démesure, de candélabres – car ça peut servir –, de gramophones, tiens!, etc. Une cinquantaine d’artistes formidables magnifient ces vestiges de rêves anciens dans Kurios – Cabinet de curiosités et on est captif de leur sorcellerie bien rodée.
Pourquoi bouder son plaisir? Kurios-Cabinet de curiosité est le fruit d’un extraordinaire savoir-faire, celui d’abord de son metteur en scène, le Québécois Michel Laprise. Il y a treize ans, raconte-t-il dans une interview sur le site de la compagnie, Jean-François Bouchard, «Guide créatif» de la société, et Guy Laliberté, son fondateur multimilliardaire, lui proposent de monter le nouveau spectacle du Cirque du Soleil. Il vient de régler un show pour Madonna. Il a le goût de ces éblouissements du soir où l’on s’abandonne au mirage d’un alchimiste. Le chapiteau et ses poteaux excitent son imagination: il pense aux télégraphes d’antan, à la magie de l’électricité au XIXe, à ces courants invisibles qui changent les usages du monde. Jules Verne et ses personnages de savants sont un guides, parmi d’autres.
Mike Horn et Joseph Gorgoni
La suite, vous la découvrez comme six millions d’ébahis depuis la création du spectacle en 2014, comme, mardi soir, les joueurs du Servette Dereck Kutesa et Steve Rouiller, la Conseillère d’État Nathalie Fontanet, l’aventurier Mike Horn, le comédien Joseph Gorgoni. En préambule, une déferlante de figures timbrées, sorties des merveilleuses éditions Hetzel – celles avec reliure en tissu rouge, lisérées d'or – qui servaient d’écrins aux aventures de Phileas Fogg et des enfants du Capitaine Grant, ou d’un film de Georges Méliès – cinéaste du Voyage à travers l’impossible. Ils déboulent donc sur la scène et vous ne savez où donner de la tête.
Lire aussi: Torrents de larmes sur l’acrobate décédé du Cirque du SoleilFaut-il poursuivre du regard cette voyageuse dans son manteau d’éternelle papillonnante, l’incarnation même de la Belle Epoque avec sa robe ensoleillée digne de Gustav Klimt? On ne la perdra pas de vue. Mais déjà on est sous le charme d’un jongleur qui, au milieu de la foule, cadence sa prouesse, quatre quilles ajustées sur une musique tsigane. Dans les travées, c’est un cortège qui «tchoutchoute», tenant à bout de bras une locomotive de Far West et ses wagons de sueur et de charbon.
Lire aussi: Dans «Totem», le Cirque du Soleil explore les confins de l’espèce humaineHalte là. Vous voilà saoul. Kurios impose son ivresse d’emblée. Dans un instant, l’auteur de ces lignes dessoûlera d’un coup. A cinq mètres de hauteur, une intrépide (la Russe Ekaterina Evdokimova) au visage de madone triste s’élance dans le vide, tourne sur elle-même à une vitesse insensée – double salto, triple salto, on ne compte plus, on a la berlue – rattrapée par des pognes de gladiateur (l’Ukrainien Volodymyr Klavdich, un symbole), son partenaire, les jambes écartées, pieds calés aux montants. Un homme de marbre, c’est ce qu’il faut quand on brave les lois de la gravité. Elle enchaîne ces culbutes d’archange givré, debout sur ses épaules à présent, et lui, impassible, ponctue cette voltige. C’est dans ses bras qu’elle finira, blanche comme la Dame aux camélias, admirée d’en bas par un savant à la houppe dressée en Tour de Pise – c’est l’explorateur de Kurios, l’homme qui veut savoir ce que l’invisible cache.
Mondes renversés
Des mondes renversants à l’évidence. Tandis que s’encanaille l'orchestre – un air de fête slave, polka et vodka – un étourdi (l’Ukrainien Arsenii Khrapeichuk) portant bretelles et cravate délaisse la table où il dînait avec ses amis, pour tenter d’attraper un chandelier qui le nargue, oui, tout là haut, à dix mètres du sol. Il s’élève alors sur les chaises bringuebalantes que ses camarades ont disposées en échelle, il tend un bras d’alpiniste vers sa cible qui se dérobe, il poursuit l’ascension en échassier. En miroir alors, vous découvrez une autre table, d’autres convives, suspendus, la tête en bas au sommet du chapiteau. Un homme s’en détache, à la renverse. Ils vont opérer la jonction. Vodka, les amis! Et cul-sec!
Hyperbole spectaculaire? Kurios a ses volte-faces humoristiques, ses chiquenaudes ironiques. Un enfant de la piste vous dévoile son «cirque invisible», un tréteau, un rideau rouge, une corde entre deux piliers et un cerceau où doit sauter un lion qu’on ne voit évidemment pas – jamais d’animaux au Soleil, c’était la distinction de Guy Laliberté et de ses copains en 1984 quand ils jetaient les bases de ce qui allait devenir un empire. Il s’exécute dans un rugissement et bondit dans la salle. Tout tourneboule ainsi à l’enseigne du Soleil, avec sa parade de marins, ses Apollon glabres rivalisant d’audace au bout de leurs cordes, ses naïades aux combinaisons à pois mêlant bras et jambes comme des tentacules, posées sur une main de dieu colossal. Neptune veille sur les enfants des abysses.
Lire aussi: Avec «Crystal», le Cirque du Soleil fait fondre la glace de la Vaudoise arénaOn peut mégoter, certes. Kurios est un orchestre tempêtueux qui ignore la beauté – et le prix - d’un silence. Ses mythologies et ses folles machines d’autrefois réjouissent pourtant. Dans leur tohu-bohu, la légende des origines, quand, sur des échasses, les fondateurs regardaient pour la première fois Phoebus dans les yeux. C’était à la Baie-Saint-Paul, au Québec à l’été 1984. L’affaire continue de rouler.
Kurios-Cabinet de curiosités,plaine de Plainpalais, Genève, jusqu'au 29 juin.