Voir à travers le sang pendant une opération. Cela pourrait ressembler à un fantasme de science-fiction, mais une start-up californienne affirme avoir développé une technologie capable de réaliser cet exploit longtemps jugé irréalisable. Ocutrx Technologies vient de dévoiler HemoLucence, un système d’imagerie révolutionnaire basé sur l’intelligence artificielle, qui permettrait aux chirurgiens de voir les tissus et structures cachés sous le sang, en temps réel.
Ce qui est en jeu ici, c’est rien de moins qu’une nouvelle ère de la chirurgie, dans laquelle les contraintes de la visibilité pourraient être levées non pas grâce à de nouvelles techniques opératoires, mais grâce à la puissance des algorithmes, de la physique computationnelle et de la lumière.
Une prouesse technologique contre une limite ancestrale
L’accumulation de sang dans le champ opératoire est un défi constant pour les chirurgiens. Elle obscurcit leur vue, les oblige à aspirer le liquide en continu, et peut compliquer ou ralentir des gestes cruciaux. Jusqu’à présent, aucun microscope ni système d’imagerie ne permettait de véritablement « voir à travers » le sang.
C’est cette limite que HemoLucence prétend franchir. Intégrée au microscope chirurgical 3D OR-Bot™ conçu par Ocutrx, la technologie utilise des algorithmes d’intelligence artificielle avancés pour analyser la manière dont la lumière interagit avec le sang. Résultat ? Une reconstruction 3D en temps réel de l’anatomie cachée, avec une précision chirurgicale.
Comment rendre le sang « transparent » ?
Le secret repose sur une combinaison unique de modélisation physique, mathématiques de la lumière, et apprentissage automatique. Le sang est un fluide complexe, composé de multiples types de cellules, de plasma et d’éléments en suspension. Cette densité rend la lumière incohérente, diffuse et difficile à interpréter. Mais les algorithmes développés par Ocutrx sont capables de désagréger cette lumière.
En analysant les variations angulaires de la lumière réfléchie et absorbée, le système distingue les signaux lumineux utiles de ceux qui sont diffusés de manière chaotique. En les traitant à travers une série de modèles statistiques et de réseaux neuronaux, il est alors possible de reconstruire ce qui se cache sous la surface du sang, avec une clarté inédite.
Lors des tests en laboratoire, HemoLucence a réussi à pénétrer jusqu’à 3 mm de sang humain total – une performance déjà impressionnante – et l’objectif est d’atteindre 1,25 cm (soit un demi-pouce) dans les versions futures.

De la théorie au bloc opératoire : vers une révolution chirurgicale
Bien qu’elle soit encore à l’état de prototype préclinique, la technologie enthousiasme déjà certains chirurgiens. Le Dr Leonel Hunt, du prestigieux Cedars-Sinai Spine Center à Los Angeles, affirme que cette capacité à « voir l’invisible » crée une couche de sécurité supplémentaire pour le praticien, surtout dans les situations d’urgence où chaque seconde compte.
En supprimant le besoin constant d’aspiration ou d’attente que le champ se dégage, HemoLucence pourrait réduire la durée des opérations, améliorer la précision des gestes chirurgicaux, et diminuer les risques liés aux interventions complexes. Il deviendrait ainsi un outil clé dans les spécialités à haut risque comme la neurochirurgie, la chirurgie cardiaque ou la microchirurgie.
Une innovation à surveiller de près
À l’heure actuelle, aucun brevet n’a encore été validé, et la technologie n’a pas été testée en condition réelle. De nombreux obstacles réglementaires, éthiques et cliniques devront être franchis avant qu’HemoLucence ne soit autorisée dans un bloc opératoire.
Mais si les tests à venir confirment les promesses de la start-up, le paysage de la chirurgie pourrait s’en trouver profondément transformé. Cette innovation s’inscrit d’ailleurs dans une tendance plus large : celle de l’imagerie numérique augmentée, qui mise sur le calcul plutôt que sur la mécanique pour repousser les limites du visible.
Voir ce qui était invisible
Le pari de Ocutrx n’est pas seulement technique, il est presque philosophique : transformer un obstacle fondamental — l’opacité du sang — en une donnée exploitable, et ainsi offrir aux chirurgiens une vision amplifiée, enrichie, quasi omnisciente. Une chirurgie sans compromis sur la visibilité.
En rendant littéralement le sang transparent, cette technologie ouvre une fenêtre sur un futur où le regard du chirurgien ne sera plus contraint par la matière, mais amplifié par l’intelligence des machines.
Et si demain, l’un des grands sauts en médecine ne venait pas d’un scalpel plus affûté… mais d’un algorithme ?