Quand on pense aux dinosaures, on imagine souvent des créatures à peau écailleuse et mâchoires rigides, proches des reptiles modernes. Pourtant, une nouvelle étude vient défier ce stéréotype en suggérant que certains dinosaures pourraient avoir possédé des joues charnues, similaires à celles des mammifères. Cette idée inattendue repose sur l’analyse fine de leurs crânes fossilisés et pourrait révolutionner notre compréhension de leur anatomie, leur alimentation et leur comportement. Comment les chercheurs sont-ils arrivés à cette hypothèse ? Que nous apprend-elle sur ces animaux fascinants ?
Des joues chez les dinosaures : un concept révolutionnaire
Chez les mammifères, les joues jouent un rôle essentiel dans la mastication. Elles contiennent des muscles, notamment le masséter, qui stabilisent la mandibule (la mâchoire inférieure) en la reliant à l’os zygomatique du crâne. Cette structure permet un mouvement puissant et précis de la mâchoire, indispensable pour broyer efficacement la nourriture. En revanche, chez les reptiles actuels, ces tissus mous sont absents, ce qui a conduit les scientifiques à imaginer les dinosaures sans joues.
Cependant, grâce à une nouvelle approche, les chercheurs ont identifié des indices anatomiques dans les fossiles de dinosaures qui évoquent la présence d’une structure conjonctive robuste entre la mandibule et le zygoma. Cette structure, baptisée « exoparia », serait un tissu mou jouant un rôle similaire aux joues des mammifères, stabilisant la mâchoire durant la mastication. Cette hypothèse suggère que certains dinosaures avaient une anatomie de la mâchoire plus complexe et sophistiquée que ce que l’on croyait jusqu’à présent.
Une méthode innovante : la technique THLEEP
Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont développé une méthode novatrice appelée THLEEP (Prédiction de l’angle d’entrée de l’enthèse histologique tridimensionnelle). Cette technique permet essentiellement de détecter sur les os fossilisés les traces laissées par les tissus mous et d’en déduire leur orientation et leur structure. En appliquant cette méthode à dix spécimens de dinosaures bien conservés, ils ont découvert des marques caractéristiques qui corroborent la présence d’exoparia.
Ces analyses ont révélé que la majorité des dinosauriformes étudiés présentaient ces tissus buccaux mous, marquant une avancée importante dans la reconstitution de leur anatomie. L’exoparia aurait aidé à stabiliser la mandibule face au crâne lors des mouvements de la mâchoire, particulièrement chez les dinosaures capables de mastiquer.

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Crédits : LeventKonuk/istockImplications pour la compréhension de la mastication et du régime alimentaire des dinosaures
Si les dinosaures possédaient effectivement des joues, cela modifie considérablement notre vision de leur mode de vie. Des joues charnues auraient permis une mastication plus efficace, ce qui implique qu’ils pouvaient traiter une nourriture plus dure ou plus variée, qu’il s’agisse de végétaux coriaces ou de proies plus résistantes.
Cette découverte élargit aussi notre perspective sur la diversité des comportements alimentaires chez les dinosaures, qui auraient eu des capacités masticatoires plus proches de celles des mammifères que ce que l’on imaginait. Par ailleurs, cela pourrait expliquer certains aspects de leur évolution crânienne et de leurs adaptations écologiques, jusqu’ici mal compris.
Limitations et perspectives futures
Comme toujours avec les tissus mous, la fossilisation est extrêmement rare. Aucun fragment de joue n’a jamais été retrouvé, ce qui fait que la présence d’exoparia repose principalement sur des indices indirects à partir des os. Cela signifie que cette hypothèse, bien que solide, reste à confirmer par d’autres découvertes.
Les futures recherches devront se concentrer sur l’exploration d’autres fossiles, la comparaison avec les lignées apparentées, et l’étude des implications fonctionnelles de cette structure. Si confirmée, cette découverte pourrait ouvrir une nouvelle page passionnante dans la paléontologie, en nous rapprochant un peu plus des véritables apparences et comportements des dinosaures.
L’étude est publiée dans le Journal of Anatomy.