Passer de quatre à cinq sacs à déchets bien remplis par jour à un seul peut sembler anodin. Mais obtenir un tel résultat dans un lieu de travail demande un plan d'action précis et bien réfléchi. Il faut aussi un engagement du personnel et la conviction qu'il est grand temps d'en faire plus pour l'environnement. Ce virage vert pris par des employés d'une clinique dentaire de Lac-Brome aux côtés d'autres cliniques du Québec a de quoi inspirer.

Curieux de constater les solutions qui ont été mises de l’avant pour casser des habitudes ancrées depuis longtemps dans ce secteur de la santé, je me dirige vers la charmante municipalité de Lac-Brome. C’est une route qui a un parfum de vacances.

Je longe le magnifique lac sur lequel naviguent quelques embarcations. Je croise aussi la plage municipale où s'installent quelques baigneurs avant de prendre une courte pause en plein cœur du village de Knowlton, imprégné de la culture anglophone avec ses bâtiments victoriens de l'époque loyaliste.

Le barrage de Lac-Brome, également connu sous le nom de barrage Foster, est situé dans la municipalité de Lac-Brome.

Photo : Radio-Canada / Réjean Blais

Arrivé à la clinique Santé dentaire Lac-Brome, je remarque à l'entrée une boîte rectangulaire dans laquelle les clients sont invités à déposer les brosses à dents usées, les tubes de dentifrice vides ou les contenants de soie dentaire. C’est comme une affiche pour indiquer : Ici l’environnement nous tient à cœur.

La boîte de recyclage de produits dentaires située à l'entrée du centre Santé dentaire Lac-Brome.

Photo : Radio-Canada / Réjean Blais

Remettre en question de vieilles pratiques

Bavettes et couvre-plateaux en papier, gobelets de plastique ou de carton, masque facial jetable, embouts de succion chirurgicaux en plastique : ces produits utilisés depuis toujours par les hygiénistes et les dentistes des cliniques dentaires de ce monde laissent une empreinte écologique considérable.

Les choses sont heureusement en train de changer grâce notamment aux efforts du personnel de Santé dentaire Lac-Brome.

L’an dernier, la clinique s’est jointe à 19 consoeurs du Québec pour participer au Programme VERT instauré par l’Association des chirurgiens-dentistes du Québec (ACDQ) en collaboration avec Recyc-Québec. L’objectif : aider les dentistes et leurs employés à mieux gérer les matières résiduelles.

[Il y avait une] grosse utilisation de produits à usage unique dans les cliniques dentaires, mentionne le directeur des services aux membres de l’ACDQ, Benoit Tardif. On a trouvé des pistes de solution incroyables, et en plus, par des produits faits ici au Québec ce qui limite encore plus l’empreinte écologique.

La dentiste, Dre Julie Tremblay, prodigue des soins.

Photo : Radio-Canada / Réjean Blais

Quelques exemples : la bavette de papier plastifié est remplacée par une bavette lavable et réutilisable. On privilégie l'usage de plateau en acier inoxydable pour abandonner le couvre-plateau de papier. La pompe à salive jetable laisse place à la pompe lavable et réutilisable. En tout, une quarantaine de solutions de rechange sont proposées pour éliminer les produits jetables.

Tout ce que l'on propose comme alternative respecte les normes d'aseptisation de l'Ordre des dentistes parce qu'on ne veut pas mettre à mal ni le patient ni à défaut le dentiste, tient à rassurer, Benoit Tardif.

Résultats probants

À Lac-Brome, avant même de se lancer dans le Programme VERT, le personnel et la chirurgienne-dentiste propriétaire se sont mobilisés pour faire de ce virage un succès. Avant d'entamer l'expérience, on avait déjà mis en place beaucoup d'idées pour avoir moins de déchets, raconte la Dre Julie Tremblay. Mais quand on a vu l'opportunité d'être accompagné et d'aller chercher un degré encore plus vert, on s'est lancé.

Santé dentaire Lac-Brome a adopté la bavette lavable.

Photo : Radio-Canada / Réjean Blais

C’est la firme de solutions en économie circulaire Stratzer qui a été mandatée par l’ACDQ pour soutenir les cliniques dentaires dans leur démarche pour obtenir la certification ICI on recycle +. Ils sont venus tout analyser [les salles d’examen, le laboratoire, les espaces clients et employés et la bureautique] puis avec ce qu'on utilisait, ils nous ont donné des pistes de solution pour des alternatives plus écologiques, ajoute pour sa part l’hygiéniste dentaire, Catherine Pelletier.

Les outils métalliques utilisés par la dentiste et les hygiénistes (ex. curettes, explorateurs, crochets) sont récupérés et recyclés par une entreprise une fois leur durée de vie terminée.

Cela va des écouvillons en bois, des outils de dentiste, du processus de stérilisation en passant par l’amalgame, le plomb ou les couronnes retirées de la bouche des patients. Même les sacs servant à garder les instruments stériles sont séparés pour la collecte sélective.

L'employé sépare le plastique et le papier de cet emballage pour le recyclage.

Photo : Radio-Canada / Réjean Blais

Avant, on jetait quatre ou cinq sacs poubelles par jour, souligne l'hygiéniste qui s'est beaucoup impliquée dans le projet. Maintenant, avec la diminution de nos matières, on transvide tout dans un sac et on en jette seulement un le soir et parfois, il n’est pas plein.

Dans toutes les salles d’examen, on a disposé des bacs pour faciliter le recyclage.

Un résultat qui semble plutôt modeste à première vue, mais cumulé en nombre d'années, on peut s’imaginer la quantité impressionnante de déchets qui sera détournée du site d’enfouissement. Et ce n’est que pour la seule clinique Santé dentaire Lac-Brome.

Le bois des coton-tiges est composté.

Photo : Radio-Canada / Réjean Blais

Un effet multiplicateur

Pour l’ensemble des 20 cliniques participantes au programme VERT, c’est 337 630 articles à usage unique détournés de l’enfouissement grâce à l’adoption de produits réutilisables et 75 780 articles supplémentaires redirigés vers les collectes du recyclage et des matières organiques, indique avec fierté le directeur des services aux membres de l’ACDQ.

Benoit Tardif est persuadé que le Programme VERT adopté par les 20 cliniques est appelé à se développer. Des webinaires ou des conférences organisées sur le sujet suscitent beaucoup d’intérêt auprès des cliniques du Québec. Même d’autres provinces, dont la Colombie-Britannique et l’Ontario, s'informent régulièrement au sujet du programme mis sur pied par l'ACDQ.

La recette développée ne peut toutefois être réussie sans l’engagement et la volonté du personnel. À Lac-Brome, tous les employés font leur part dans le cadre de leurs fonctions professionnelles, mais aussi à titre personnel. Il est interdit de jeter toute matière organique à la poubelle, donc les filles doivent ramener leur matière organique à la maison. On encourage les bonnes actions, lance la Dre Julie Tremblay. C’est un sentiment de fierté de faire la différence grâce à de petites actions qui diminuent de beaucoup les déchets, ajoute-t-elle.

L'Association des chirurgiens-dentistes du Québec a reçu en novembre dernier le prix du projet vert 2024 remis par le Conseil des entreprises en technologie environnementale du Québec.