Et si votre haleine suffisait à vous faire un bilan de santé ? Non, ce n’est pas de la science-fiction. Une équipe de chercheurs vient de mettre au point un prototype révolutionnaire capable de détecter des signes de maladie à partir de l’air que nous expirons. Baptisé ABLE, pour Airborne Biomarker Locator Engine, ce dispositif compact pourrait bien transformer notre façon de diagnostiquer et surveiller des pathologies — tout ça, en quelques respirations.
Respirer, c’est (bientôt) diagnostiquer
Traditionnellement, poser un diagnostic médical passe par des analyses d’urine, de sang ou de salive. Des méthodes fiables, mais parfois invasives, longues ou coûteuses. Et si on faisait plus simple ? L’organisme libère en permanence des composés organiques volatils (COV) par la respiration — des molécules microscopiques, gazeuses à température ambiante, et potentiellement révélatrices de notre état de santé.
Plus de 300 COV différents ont déjà été identifiés dans l’air expiré humain, et certains semblent corrélés à des maladies comme le diabète, l’asthme ou certains cancers. Mais il y a un hic : ces molécules sont souvent présentes en quantités infimes, parfois aussi faibles qu’une particule sur un milliard. Trop faibles pour être détectées facilement… jusqu’à aujourd’hui.
ABLE : l’éthylotest du futur ?
C’est là que le dispositif ABLE entre en scène. Conçu par une équipe de l’université de Chicago, il fonctionne de façon relativement simple mais brillante : il aspire l’air expiré, l’humidifie pour le rendre plus riche en vapeur d’eau, puis le refroidit pour condenser les molécules qu’il contient en minuscules gouttelettes liquides. Ces dernières sont alors collectées dans un petit réservoir.
Résultat : un échantillon liquide suffisamment concentré pour être analysé à l’aide de technologies de détection existantes, y compris des bandelettes de test à bas coût, comme celles utilisées pour mesurer la glycémie. L’ensemble tient dans un boîtier de 10×20 cm et coûte moins de 200 dollars à fabriquer. Et il suffit de 10 minutes pour recueillir 1 mL de condensat — largement assez pour un test.

Des applications déjà testées
Pour prouver son efficacité, l’équipe a mené plusieurs expériences. L’une d’elles consistait à détecter la présence de glucose dans l’air expiré, une donnée précieuse pour les personnes atteintes de diabète. Résultat : ABLE a réussi à collecter des échantillons suffisamment précis pour être analysés avec une simple bandelette.
Autre test intriguant : des souris de laboratoire ont été « humanisées » avec des microbes issus d’enfants nés prématurés ou à terme. En analysant leur haleine, les chercheurs ont détecté des différences de glycosphingolipides, des molécules liées à l’inflammation. Là encore, ABLE a su faire la différence.
Et ce n’est pas tout : le prototype a aussi été capable de détecter des allergènes comme le pollen dans l’air ambiant, ou encore des particules de bactéries E. coli — comme celles qu’on peut retrouver en suspension après avoir tiré la chasse d’eau dans les toilettes. Autant de tests qui montrent que l’appareil ne se limite pas à l’haleine humaine, mais pourrait aussi servir à surveiller la qualité de l’air dans notre environnement.
Une technologie prometteuse, mais encore en développement
Évidemment, tout n’est pas encore prêt pour une utilisation clinique. Le principal défi reste aujourd’hui d’identifier précisément quels COV sont associés à quelles pathologies. Les chercheurs doivent donc poursuivre leur travail de cartographie des biomarqueurs, et des essais cliniques sont en cours — notamment avec des médecins spécialisés dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.
Autre objectif à venir : miniaturiser davantage l’appareil pour en faire une version portable, utilisable à domicile ou dans les cabinets médicaux. Les chercheurs sont également en discussion avec des partenaires industriels pour envisager une commercialisation.
Vers un diagnostic simplifié, accessible et non invasif
Si les promesses d’ABLE se confirment, cela pourrait représenter une véritable révolution dans la médecine préventive. Imaginez : un patient pourrait simplement souffler dans un embout, attendre quelques minutes, et obtenir une analyse personnalisée de son état de santé — sans piqûre, sans douleur, et à faible coût.
Une innovation qui pourrait non seulement améliorer le suivi des maladies chroniques, mais aussi faciliter le dépistage précoce de nombreuses pathologies, avec un potentiel d’impact mondial dans des contextes où les ressources médicales sont limitées.