Alors que les glaciers du monde fondent à un rythme inquiétant sous l’effet du changement climatique, des découvertes inattendues émergent littéralement des profondeurs gelées de notre planète. Certaines sont biologiques — comme des virus ou des bactéries emprisonnés dans le pergélisol depuis des millénaires — d’autres sont géologiques, archéologiques, voire tout simplement mystérieuses.
Mais celle-ci semble tout droit sortie d’un roman d’aventure polaire : un iceberg noir, gigantesque, veiné comme du marbre, flottant dans les eaux glacées du nord-est du Canada. Ce spectacle rarissime a été aperçu par un marin expérimenté au large du Labrador. Et selon les glaciologues, il pourrait dater d’il y a plus de 100 000 ans.
Une rencontre glaciale hors du commun
Hallur Antoniussen, marin depuis plus de 50 ans à bord du chalutier-usine Saputi, pensait avoir tout vu. Mais un matin, en grimpant au sommet de la grue du bateau pour scruter l’horizon, quelque chose d’étrange attire son regard : un iceberg noir, massif, d’une forme presque géométrique.
« J’ai vu des icebergs roulés sur la plage avec des rochers », raconte-t-il à Radio-Canada. « Mais celui-ci est complètement différent. Il n’est pas seulement noir — il est veiné, anguleux, presque comme un losange. »
Le marin estime sa taille à trois fois celle d’un bungalow. Stupéfait par cette vision surréaliste, il court dans sa cabine chercher son téléphone pour immortaliser la scène. Une fois la photo partagée sur Facebook, les internautes s’enflamment : entre fascination, théories farfelues et hypothèses scientifiques, l’iceberg noir devient viral.
Pourquoi un iceberg peut-il être noir ?
Dans l’imaginaire collectif, un iceberg est toujours blanc, bleuté au mieux. Mais le noir ? C’est une autre histoire. L’hypothèse la plus crédible vient du glaciologue Lev Tarasov, spécialiste des systèmes glaciaires terrestres.
Selon lui, la couleur sombre de cet iceberg pourrait provenir de cendres volcaniques emprisonnées dans la glace. Des volcans sont actifs sous les calottes glaciaires islandaises, et des points chauds ont été identifiés au centre du Groenland. Une autre piste évoquée : les débris d’une ancienne météorite tombée au Groenland, qui auraient pu contaminer localement la glace avec des particules sombres.
Ce type de matière organique ou minérale peut rester captif dans la glace pendant des dizaines voire des centaines de milliers d’années, sans jamais être exposé à la lumière du jour… jusqu’à ce que la fonte actuelle les libère.

Ce que cache la surface : la face cachée des icebergs
Les icebergs se forment lorsqu’un morceau de glacier ou de calotte glaciaire se détache pour dériver en mer. En raison de leur composition en eau douce, moins dense que l’eau salée, ils flottent — mais à peine : 90 % de leur masse reste immergée.
Et c’est peut-être là la clé du mystère. Selon Tarasov, l’iceberg noir observé pourrait n’être autre que le fond d’un iceberg retourné. Au fil du temps, sous l’effet des courants, des collisions et de la fonte, certains icebergs basculent, exposant leur ventre sombre, enrichi de poussières, de roches et de débris collectés tout au long de leur lent voyage depuis les terres.
Une archive glacée du climat et des cataclysmes
Les scientifiques considèrent les calottes glaciaires comme des archives naturelles du climat terrestre. En étudiant les bulles d’air, les particules et les isotopes piégés dans la glace, on peut remonter l’histoire de l’atmosphère sur des centaines de milliers d’années.
C’est ce qui rend cette observation si intrigante : cet iceberg noir pourrait contenir des traces d’événements volcaniques anciens, voire de chutes de météorites oubliées, qui aideraient les chercheurs à mieux comprendre l’histoire climatique et géologique de la Terre.
Un aperçu de l’invisible
Ce genre de découverte rappelle que nous n’en savons qu’une infime partie sur ce que cachent les glaces de notre planète. En fondant, elles révèlent petit à petit leurs secrets : animaux préhistoriques congelés, bactéries inconnues, objets perdus… et parfois, des fragments noirs et énigmatiques d’un passé lointain.
Alors que le réchauffement climatique continue de transformer notre environnement, des révélations comme celle de l’iceberg noir rappellent à la fois la fragilité de notre monde… et la richesse de ce qu’il a encore à nous raconter.