Imaginez pouvoir observer les zones profondes du cerveau humain à l’aide d’un simple faisceau de lumière. Ce qui relevait jusqu’ici de la science-fiction pourrait bien devenir réalité. Des chercheurs de l’Université de Glasgow ont réussi un exploit technique que l’on croyait impossible : faire passer de la lumière à travers l’intégralité de la tête d’un adulte vivant. Une avancée qui pourrait transformer notre manière de diagnostiquer et de suivre les troubles neurologiques.
De la lumière pour lire dans le cerveau
Cela fait déjà plusieurs années que les scientifiques utilisent une technique nommée spectroscopie proche infrarouge fonctionnelle (ou fNIRS) pour observer l’activité cérébrale. En mesurant comment la lumière infrarouge est absorbée par le sang dans le cerveau, la fNIRS permet de cartographier l’activité neuronale — un peu comme une IRM, mais de façon plus légère, portable et économique.
Cependant, cette méthode a toujours eu une limite majeure : elle ne permettait d’observer que les couches superficielles du cerveau, jusqu’à environ 4 cm de profondeur. En d’autres termes, elle était aveugle aux régions cérébrales profondes, celles qui contrôlent des fonctions vitales comme la mémoire, les émotions ou la motricité.
Un mur infranchissable… jusqu’à aujourd’hui
Pourquoi est-ce si difficile de faire passer de la lumière à travers le crâne humain ? Parce que la tête est un tissu complexe, constitué d’os, de peau, de muscles et de liquide, qui diffusent et absorbent massivement la lumière. Résultat : une grande partie des photons est perdue en chemin, empêchant tout espoir de traversée complète.
Mais l’équipe dirigée par le Dr Zixin Zhang à l’Université de Glasgow a décidé de défier ces limites. Leur objectif : prouver qu’il est possible de détecter de la lumière ayant traversé toute la largeur de la tête, même au niveau de son point le plus large.
Une expérience digne d’un film de science-fiction
Pour réaliser cet exploit, les chercheurs ont utilisé un faisceau laser pulsé extrêmement puissant, dirigé sur une tempe d’un volontaire. De l’autre côté de sa tête, un détecteur ultra-sensible avait pour mission de capter les quelques photons capables de sortir de l’autre côté du crâne.
L’expérience s’est déroulée dans des conditions extrêmement rigoureuses : environnement obscurci, dispositif optique optimisé pour éviter toute lumière parasite, et positionnement millimétrique des capteurs. Résultat : la détection effective de photons ayant traversé l’ensemble du crâne et du cerveau.

La lumière suit des chemins secrets dans le cerveau
Pour confirmer leurs résultats, les chercheurs ont utilisé des simulations numériques poussées, basées sur l’anatomie réelle du cerveau. Ces modèles ont révélé un fait fascinant : la lumière emprunte des chemins préférentiels à travers les structures internes du crâne, notamment le liquide céphalo-rachidien, qui diffuse peu la lumière.
Autrement dit, certaines zones agissent comme des couloirs optiques naturels, permettant aux photons de voyager plus loin que prévu. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives de conception pour les futurs dispositifs de neuroimagerie.
Une révolution encore en gestation
Attention cependant : la méthode actuelle n’est pas encore prête pour un usage clinique courant. Elle ne fonctionne que sur des personnes sans cheveux et à la peau claire, et nécessite au moins 30 minutes de collecte de données dans un environnement parfaitement contrôlé.
Mais ce « cas extrême » prouve qu’un jour, il pourrait devenir techniquement possible de sonder des régions cérébrales profondes avec des dispositifs optiques simples et abordables — même en dehors des hôpitaux. On peut imaginer, dans un avenir pas si lointain, des casques portables de neuroimagerie, accessibles à tous, et capables de détecter précocement des maladies comme les AVC, les lésions cérébrales ou les tumeurs.
La suite ? Réinventer la neuroimagerie
Cette avancée, publiée dans la revue Neurophotonics, pourrait marquer un tournant dans l’histoire de la neuroimagerie. En prouvant que la lumière peut traverser un cerveau humain entier, elle invite la communauté scientifique à repenser les limites de ce qui est possible.
Et si demain, lire dans les pensées ne relevait plus seulement de la science-fiction, mais devenait un outil médical de routine ?