Longiligne, tête plate, pattes courtes, silhouette furtive rappelant davantage la belette que le lion… le jaguarundi ne rentre dans aucune case. Et malgré une aire de répartition impressionnante, du Mexique jusqu’au nord de l’Argentine, ce félin atypique reste un grand inconnu des zoologues.
Son nom scientifique reflète cette confusion : Herpailurus yagouaroundi ou Puma yagouaroundi, selon les études. Car oui, ce « mini-fauve » aux allures de mustélidé est un cousin du puma. Leur lignée aurait divergé il y a 4 à 7 millions d’années, mais leurs chemins évolutifs ont clairement pris des directions opposées. Là où le puma s’est taillé une réputation de prédateur majestueux, le jaguarundi s’est spécialisé dans la discrétion.
Un chat qui nage, grimpe et reste dans l’ombre
Imaginez un chat de la taille d’un gros matou domestique, mais avec le corps élancé d’une loutre, une queue aussi longue que son torse, et un pelage uniforme, sans les habituelles taches ou rayures félines. Il peut être gris, brun ou rougeâtre, mais toujours sans marques. C’est ce qui lui vaut parfois le surnom de « chat-loutre ».
Et les points communs avec la loutre ne s’arrêtent pas à l’apparence : le jaguarundi est un excellent nageur, capable de plonger dans les mares pour pêcher son repas. Il grimpe aussi très bien et se déplace avec aisance dans des milieux très variés : forêts tropicales, savanes, zones semi-désertiques… Un vrai félin tout-terrain, mais qui reste très discret.

Pourquoi en sait-on si peu sur lui ?
Malgré sa vaste présence géographique et son adaptabilité, le jaguarundi reste largement ignoré par la science. Trois raisons principales expliquent ce paradoxe :
Il est difficile à observer ou à capturer, à cause de son comportement furtif et de ses déplacements imprévisibles.
Il est compliqué à identifier individuellement, car son pelage uni ne permet pas de le distinguer facilement d’un autre.
Il est classé comme espèce de “préoccupation mineure” par l’UICN, ce qui freine les financements pour l’étudier.
Comme le souligne avec ironie le biologiste Anthony Giordano : « Vous ne convaincrez jamais personne de vous donner de l’argent pour étudier le jaguarundi. » Pourtant, ce manque de données pourrait masquer une réalité bien plus préoccupante.
Une mise à jour (très) attendue
L’UICN prépare actuellement une réévaluation du statut du jaguarundi. Les chercheurs soupçonnent que l’espèce pourrait mériter une place plus élevée sur la liste rouge, notamment à cause de la fragmentation de son habitat et de la chasse — souvent en représailles à des attaques sur la volaille.
Sans données précises, il est difficile de trancher. Mais ce félin discret, victime de son apparente abondance, pourrait bien être en train de glisser vers un statut « quasi menacé »… dans l’indifférence générale.
Le félin que la science a laissé filer ?
Le jaguarundi pose une question plus large : combien d’espèces passons-nous à côté, faute de glamour, d’attrait ou de temps d’écran ? Dans un monde où la biodiversité recule à toute vitesse, même les félins ont besoin de relations publiques. Et celui-ci, avec son look improbable et ses capacités étonnantes, mériterait bien d’avoir les projecteurs braqués sur lui.
Après tout, on parle d’un chat qui nage, grimpe, chasse en silence… et pourrait bien être en danger sans qu’on s’en rende compte.