Une avancée spectaculaire vient d’avoir lieu dans le domaine de l’armement de précision. Pour la première fois, des bombes larguées par un avion de chasse américain ont été redirigées en vol par un autre appareil : un avion de surveillance maritime norvégien. Un exploit technologique qui pourrait transformer profondément la manière dont les frappes sont menées dans les conflits modernes.
Une mission inédite entre F-15 et P-8 Poseidon
L’essai a eu lieu au large des côtes norvégiennes, impliquant un avion de chasse F-15E Strike Eagle de l’US Air Force et un avion de patrouille maritime P-8A Poseidon piloté par des forces norvégiennes. Deux bombes planantes de type GBU-53/B StormBreaker ont été larguées depuis le F-15. Jusque-là, rien d’extraordinaire. Ce qui l’est, c’est la suite.
Une fois en vol, ces munitions ont été prises en charge à distance par l’équipage norvégien du Poseidon, qui a pu ajuster leur trajectoire en temps réel vers des cibles désignées. Et ce, sans aucune interaction avec l’avion de lancement. Le tout grâce à une liaison de données bidirectionnelle, via les réseaux militaires Link-16 ou UHF.
Une bombe qui pense (presque) toute seule
La StormBreaker, développée par Raytheon, est une munition de nouvelle génération conçue pour fonctionner dans des environnements complexes. Elle peut atteindre des cibles fixes ou mobiles avec une précision impressionnante, même en cas de mauvaise visibilité (nuit, nuages, fumée, poussière). Sa technologie repose sur une triple fusion de capteurs : radar à ondes millimétriques, imagerie infrarouge et guidage laser semi-actif. Autrement dit, elle « voit » et « comprend » son environnement pour s’adapter en vol.
Mais l’essai de mai 2024 est allé encore plus loin : non seulement la bombe est intelligente, mais elle devient aussi « connectée », capable de recevoir des instructions dynamiques d’un autre appareil en réseau, ici le P-8 Poseidon. Celui-ci a utilisé ses propres capteurs pour transmettre de nouvelles coordonnées aux bombes, qui ont modifié leur trajectoire en conséquence. Objectif : frapper une cible en mouvement, dans des conditions réelles de combat simulé.

Un changement de paradigme militaire
Ce test réussi marque un tournant dans la guerre réseau-centrée. Jusqu’à présent, les armes guidées dépendaient principalement du vecteur de lancement (avion, drone, etc.) pour recevoir les coordonnées de leur cible. Désormais, un autre acteur, en l’occurrence un avion d’observation à plusieurs centaines de kilomètres, peut intervenir en cours de mission pour reprogrammer le comportement de l’arme.
Cela offre une souplesse stratégique énorme : si une cible se déplace, si une meilleure opportunité surgit, ou si un drone de reconnaissance repère une menace inattendue, il devient possible de réagir immédiatement, sans devoir relancer une nouvelle frappe.
Une réponse aux défis du champ de bataille moderne
Dans les conflits récents, les adversaires utilisent souvent la météo, la nuit ou la topographie pour masquer leurs mouvements. Les bombes StormBreaker sont conçues pour neutraliser ces avantages, en conservant leurs capacités de détection et de frappe dans les pires conditions.
Le fait que ce soit un avion de patrouille maritime, et non un chasseur, qui prenne la main sur des munitions en vol montre également un autre aspect clé de cette révolution : l’interopérabilité des plateformes. Avions, drones, satellites, systèmes au sol : tous peuvent désormais échanger des données pour optimiser la précision, la sécurité et l’efficacité des opérations.
Vers une guerre « en réseau » ?
Ce test ne concerne pas uniquement la technologie, mais annonce une transformation plus vaste de la doctrine militaire. On entre dans une ère où les armes ne sont plus simplement lancées, mais orchestrées en réseau, pilotées à distance par plusieurs acteurs. Cette approche promet des opérations plus coordonnées, plus réactives, et potentiellement moins destructrices, car mieux ciblées.