Dans le nord-ouest de l’Alberta, au Canada, une découverte paléontologique hors norme continue de captiver scientifiques et passionnés de dinosaures. Sur un simple kilomètre de terrain, des paléontologues extraient méthodiquement des milliers d’ossements fossilisés appartenant à un seul et même type de dinosaure : le Pachyrhinosaurus, un herbivore massif de la famille des Cératopsidés, cousin du célèbre tricératops.
Ce site, surnommé « la rivière de la mort », est aujourd’hui considéré comme l’un des gisements de fossiles les plus denses au monde. Et pour cause : plus de 8 000 ossements y ont été mis au jour à ce jour, sur une surface équivalente à celle d’un terrain de football. Mais au-delà des chiffres impressionnants, c’est le mystère derrière cette hécatombe préhistorique qui fascine les chercheurs.
Une découverte née d’un coup de chance
C’est en 1974 qu’un professeur de lycée canadien découvre, par hasard, les premiers fossiles sur le site de Pipestone Creek. Depuis, les fouilles n’ont cessé de s’intensifier. Aujourd’hui, le site attire chaque été une équipe de scientifiques, étudiants et bénévoles, armés de marteaux-pilons et de pinceaux pour dégager délicatement les vestiges d’un passé lointain. À proximité, un musée a même été construit pour accueillir les trouvailles et partager cette aventure scientifique avec le public.
Un troupeau entier décimé en un instant
Les fossiles retrouvés proviennent tous du Pachyrhinosaurus, un dinosaure herbivore imposant qui vivait il y a environ 72 millions d’années. Doté d’un large bec, d’une imposante bosse nasale et d’une collerette osseuse à l’arrière du crâne, il se distinguait de ses cousins par une structure faciale plus massive que cornue. Ce n’était pas un prédateur, mais plutôt une proie, évoluant probablement en troupeaux migrateurs à travers les plaines de ce qui est aujourd’hui l’Alberta.
Selon la paléontologue Emily Bamforth, qui dirige une partie des fouilles, tous ces ossements semblent appartenir à un même événement catastrophique, une tragédie préhistorique qui aurait décimé un troupeau entier en quelques instants.
Une hypothèse : la crue éclair
Si l’on ignore encore la cause exacte de cet événement, les chercheurs pensent avoir une piste. Des indices géologiques, comme des couches de sédiments en spirale typiques des eaux vives, suggèrent qu’une crue soudaine aurait frappé le troupeau. Peut-être une tempête torrentielle dans les montagnes voisines, déclenchant une montée brutale des eaux, emportant arbres, rochers… et dinosaures.
« Ces animaux étaient énormes, peu rapides et probablement peu à l’aise dans l’eau », explique Bamforth à la BBC. Pris au piège dans la boue, incapables de fuir, ils auraient été submergés en masse, leurs corps se mêlant aux sédiments pour créer cette véritable “rivière de morts” fossilisée.

Une mine d’or pour la paléontologie
Ce site unique continue d’offrir aux chercheurs une mine d’informations sur la vie des dinosaures sociaux. Étudier des individus morts ensemble permet de mieux comprendre les comportements de groupe, les migrations, mais aussi les réponses aux catastrophes naturelles.
Chaque section du site peut contenir plusieurs centaines d’ossements, dont certains parfaitement conservés. Cela permet de reconstituer des squelettes complets, d’étudier les pathologies, la croissance osseuse, ou encore les différences entre individus jeunes et adultes.
À mesure que les couches de terre sont dégagées, ce cimetière géant raconte l’histoire tragique mais précieuse d’un passé révolu.

Une tragédie devenue triomphe scientifique
Ce qui fut un jour une catastrophe naturelle est aujourd’hui une source inestimable de connaissances. À Pipestone Creek, la science redonne vie à ces géants disparus. Et grâce à eux, nous comprenons un peu mieux comment la Terre, ses climats et ses habitants ont évolué au fil des millions d’années.