Les travaux forestiers dans l’habitat du caribou montagnard de la Gaspésie seront moins importants que prévu. Le ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF) compte interdire la construction de nouveaux chemins forestiers pour la récolte de bois dans la zone d’habitat en restauration (ZHR) de cette espèce.

Un texte d'Étienne Perreault

Québec prévoyait des travaux forestiers pour récupérer des arbres endommagés par la tordeuse des bourgeons de l’épinette et le chablis en Gaspésie. Les travaux, qui incluaient la construction de nouveaux chemins forestiers, devaient entre autres avoir lieu dans la ZHR du caribou.

C'est donc un changement de direction de la part de Québec, qui limite l'exploitation forestière afin de réduire la perturbation de l'environnement du caribou.

Seul le bois qui se trouve sur le bord des chemins forestiers déjà existants pourra être récolté. Ainsi, la superficie retenue pour la récupération du bois dans l'habitat de l'espèce menacée passe de 7018 à 1760 hectares, une réduction de 75 % du territoire exploitable.

Certains travaux d'exploitation forestière seront permis dans la zone de restauration de l'habitat du caribou, un territoire de 5000 kilomètres carrés qui entoure le parc de la Gaspésie.

Photo : Radio-Canada

Il sera aussi interdit de récolter le bois dans les zones affectées par la tordeuse des bourgeons de l'épinette.

Un courriel du MRNF expliquant ces nouvelles mesures a été acheminé aux participants de la consultation publique sur la protection du caribou, qui s'est terminée l'an dernier.

Une décision qui fait réagir

C’est un changement de cap du gouvernement, mais c’est une bonne nouvelle. C’est ce qu’on déplorait dans la consultation publique, qu'il y aurait eu de nouvelles perturbations dans l’habitat du caribou, souligne Alice-Anne Simard, directrice de Nature Québec.

Mais cette nouvelle mesure suscite un fort mécontentement. Le préfet de la MRC de La Haute-Gaspésie, Guy Bernatchez, croit pour sa part que le chablis, le bois mort tombé en raison des vents forts, devrait être récolté, même s’il faut construire de nouveaux chemins forestiers pour y parvenir.

C’est complètement ridicule de laisser [le bois mort] sur le territoire pourrir. Ça ne deviendra pas un habitat pour le caribou. […] Ça va amener zéro économie pour notre région puis ça va être négatif.

M. Bernatchez aurait aimé qu’un plan spécial de fermeture de chemin immédiat soit mis en place. On pourrait aller récupérer ces bois-là, puis refermer les chemins rapidement, suggère-t-il.

En mars dernier, l'entreprise forestière Damabois a fermé son usine de Cap-Chat. Elle a justifié sa décision par les impacts des mesures de protection du caribou sur son approvisionnement forestier, ainsi que par l’absence de compensation de la part de Québec.

Selon Alice-Anne Simard, les mesures de protection doivent être accompagnées d’un plan de compensation de la part de Québec. C’est sûr que si on présente des mesures de protection du territoire qui entraînent nécessairement une diminution des coupes forestières, ça a des impacts sur les entreprises locales. Il faut trouver des façons de compenser ces entreprises.

La consultation publique sur la protection du caribou menée par Québec s'est terminée le 31 octobre 2024. La mouture finale du projet pilote sur la protection du caribou montagnard n’a quant à elle toujours pas été dévoilée, ce qui exaspère le préfet de La Haute-Gaspésie.

On est encore une fois dans l'inconnu et les entreprises n'ont aucune prévisibilité, déplore Guy Bernatchez.

Le préfet de la MRC de La Haute-Gaspésie, Guy Bernatchez

Photo : Radio-Canada / Jean-François Deschênes

Pour le professeur en écologie animale de l'UQAR Martin-Hugues Saint-Laurent, c'est une bonne nouvelle. Cependant, il faudra davantage pour rétablir le cheptel qui est estimé une trentaine de caribous.

C'est une décision qui est en phase avec ce que la science recommande, donc on voit qu'il y a eu une attention particulière de porter à faire augmenter le niveau de perturbation dans la ZHR, remarque-t-il.

Donc, dans cette portion d'aire de répartition du caribou de la Gaspésie, c'est bienvenu [...]. En décidant de se cantonner au secteur accessible par les chemins actuels, on atténue les impacts potentiels.

Il y a quelques mois, en Haute-Gaspésie, de nombreux entrepreneurs et élus ont dénoncé l'impact des mesures de protection du caribou sur l'économie de la région.