De retour au banc des témoins, jeudi, au procès des cinq anciens membres d’Équipe Canada junior accusés d’agression sexuelle, le hockeyeur Brett Howden maintient qu’il « ne se souvient pas » de nombreux détails liés aux messages qu’il a échangés avec ses coéquipiers après le viol collectif présumé dont cinq d'entre eux sont accusés.

La défense conteste l'admissibilité d'un message texte en particulier.

M. Howden — qui est attaquant pour les Golden Knights de Las Vegas dans la Ligue nationale de hockey — avait été tenu à l’écart des procédures judiciaires, mercredi, pendant que les parties débattaient de la crédibilité du témoignage qu’il avait livré la veille, dans lequel il avait indiqué ne pas se souvenir de plusieurs séquences des événements de la nuit du viol collectif présumé.

La Couronne cherche à contre-interroger Brett Howden, son propre témoin, en vertu de la Loi sur la preuve au Canada.

Après avoir entendu les arguments de la Couronne et de la défense, la juge Maria Carroccia a statué mercredi que M. Howden n’avait pas feint une perte de mémoire, mais que son témoignage contenait quatre cas d’incohérences avec ses déclarations antérieures.

L'une de ces incohérences est liée aux tapes sur les fesses de la plaignante E. M. — son identité est protégée par une ordonnance de non-publication — dont est accusé Dillon Dubé.

Jeudi matin, la procureure Meaghan Cunningham a posé des questions supplémentaires à M. Howden au sujet des messages texte qu’il a échangés, le 26 juin 2018, avec son ex-coéquipier Taylor Raddysh, avec qui il partageait une chambre d’hôtel pendant le séjour de l’équipe à London.

Dans un message, M. Howden a écrit : Mec, je suis tellement content d'être parti quand tout ça s'est passé. Ha ha. [...] Quand je partais, Duber [surnom de Dillon Dubé, NDLR] frappait fort sur les fesses de la fille. Ça semble lui avoir fait très mal.

Questionné par la procureure Cunningham, le hockeyeur qu’il croit avoir été honnête en écrivant ce message.

Un message contesté par la défense

La défense conteste l'admissibilité de ce message texte dans la preuve et demande à la juge de l'écarter.

Il ne suffit pas qu'un témoin dise qu'il aurait dit la vérité, note Me Riaz Siyani, l'avocat de Carter Hart, l'un des accusés.

Il faut aussi qu'il y ait une pièce justificative attestant qu'il a effectivement dit la vérité.

La juge Maria Carroccia a décidé d'ajourner la séance de jeudi vers 15 h et compte rendre sa décision au sujet de l'admissibilité de ce message vendredi matin.

Le procès de (de gauche à droite) Dillon Dubé, Alex Formenton, Carter Hart, Cal Foote et Michael McLeod, accusés d'agression sexuelle, se déroule au palais de justice de London, en Ontario. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Geoff Robbins

En analyse, l'avocate-criminaliste Sam Puchala – qui n'est pas impliquée dans ce dossier mais qui le suit de près – rappelle que les déclarations antérieures ne font pas partie de la preuve dans un procès et que c'est vraiment le témoignage qui est nécessaire.

C'est pour cela, observe-t-elle, que la Couronne cherche à contre-interroger son propre témoin.

La loi existe pour ces types de situations où on a un témoin qui ne donne pas les réponses qu'on anticipe pour la preuve qui est nécessaire, dans ce cas-là pour la Couronne qui veut prouver sa cause. Il y a quelques choses dans les déclarations [antérieures] de Brett Howden que la Couronne [veut faire admettre] dans la preuve, explique-t-elle.

Sam Puchala est avocate-criminaliste.

Photo : Radio-Canada / Bienvenu Senga

J'ai juste essayé [...] d'oublier tout ca, dit Brett Howden

À de nombreuses reprises, Brett Howden a indiqué qu’il ne se souvenait pas, avant d’y être confronté dans le cadre du procès, du contenu des messages qu’il a échangés avec Taylor Raddysh ou avec ses autres coéquipiers qui étaient présents dans la chambre de Michael McLeod la nuit du 18 au 19 juin 2018.

En réponse aux questions de l’avocate de Dillon Dubé, Lisa Carnelos, M. Howden indique qu’il était nerveux et a eu très peur dans les jours suivants, surtout après avoir appris que Hockey Canada lançait une enquête interne sur le dossier.

Me Lisa Carnelos représente Dillon Dubé, l'un des accusés.

Photo : Radio-Canada / Alexandra Newbould

Le hockeyeur a même éclaté en sanglots en racontant son appréhension d’en parler à ses parents ainsi qu’à sa copine de l’époque qui est aujourd’hui son épouse.

C’est l’une des choses les plus difficiles que j’aie jamais eu à faire, indique M. Howden.

Depuis si longtemps, j'ai juste essayé d'aller de l'avant et d'oublier tout ça.

Je cherchais juste, vous savez, un ami parce que je ne savais pas vraiment comment m'y prendre.

Et vous vous inquiétiez aussi pour votre carrière professionnelle à ce stade-là?, demande Me Carnelos.

Honnêtement, j'étais plus inquiet au sujet de Hockey Canada, de ses normes et de son code de conduite. Je n'ai jamais pensé que les choses en arriveraient là, répond M. Howden.

Je m'inquiétais de ce que Hockey Canada penserait du fait qu'il y avait une fille [dans la chambre], c'était ma principale inquiétude.

Brett Howden, qui témoigne virtuellement, portait un chandail blanc jeudi.

Mardi, il portait un coton ouaté, un choix vestimentaire qui a été souligné par l’avocate de Carter Hart, Megan Savard, pour indiquer qu’il ne mentait pas au sujet de ses oublis, mais qu'il s’agissait plutôt d’un témoin rudimentaire, d'un mauvais communicateur qui était peu habitué aux procédures judiciaires.

Dans son témoignage de mardi, M. Howden a affirmé qu'il a passé du temps dans la chambre d'hôtel de Michael McLeod, la nuit du 18 au 19 juin et qu'il a vu la plaignante E. M. solliciter des actes sexuels aux hockeyeurs qui s'y trouvaient.

La plaignante a nié cette version des faits dans son témoignage.

Michael McLeod, Carter Hart, Cal Foote, Dillon Dubé et Alex Formenton font chacun face à un chef d’accusation d’agression sexuelle en rapport avec le viol collectif présumé de la plaignante.

Michael McLeod fait aussi face à un chef d'accusation de participation à ce délit.

Ils ont tous plaidé non coupables au début du procès.

Brett Howden est le quatrième coéquipier des accusés à être appelé à témoigner à ce procès, après Tyler Steenbergen, Taylor Raddysh et Boris Katchouk.

Le procès se déroule maintenant devant juge seule, après la libération du jury vendredi dernier.