Vous est-il déjà arrivé de sentir quelque chose d’étrange en passant près d’une fourmilière, ou même près d’une fourmi morte ? Si oui, vous n’êtes pas seul — mais vous faites partie d’une minorité. En effet, une étrange controverse circule sur les réseaux sociaux : certaines personnes affirment pouvoir détecter une odeur spécifique émanant des fourmis, tandis que d’autres n’y parviennent absolument pas. Ce débat est bien plus qu’une simple anecdote, il soulève des questions fascinantes sur la perception sensorielle humaine et la chimie des insectes.

Une odeur invisible… pour certains

Sur TikTok et X, des vidéos virales ont mis le feu aux commentaires. Beaucoup partagent leurs impressions olfactives sur les fourmis, avec des descriptions qui vont du « parfum épicé » à une odeur « chimique » ou même « aigre » rappelant la rouille. D’autres utilisateurs, en revanche, protestent : « C’est une blague, elles ne sentent rien du tout ! »

Pour comprendre qui a raison, un petit sondage non scientifique mené sur X auprès de plus de 700 personnes a révélé qu’environ 20 % d’entre elles disent percevoir cette odeur, contre 80 % qui n’en détectent rien. Cette disparité intrigue : pourquoi une telle différence dans la perception ?

L’odeur des fourmis : un cocktail chimique étonnant

Pour répondre à cette question, il faut d’abord comprendre d’où vient cette odeur. Certaines espèces de fourmis, notamment la fourmi odorante (Tapinoma sessile), produisent des composés chimiques volatils qui leur confèrent une odeur reconnaissable — et parfois désagréable.

Une étude menée en 2015 par Clint Penick, entomologiste à l’Université d’État de Caroline du Nord, a invité des centaines de volontaires à sentir des boîtes contenant ces fourmis et à décrire ce qu’ils ressentaient. Les réponses étaient étonnamment variées : beaucoup évoquaient le « fromage bleu », un autre groupe parlait d’une odeur proche d’un produit chimique nettoyant, tandis que certains décrivaient une senteur de noix de coco pourrie.

La raison de ces odeurs vient des méthylcétones, des composés chimiques produits par ces fourmis et aussi présents dans le fromage bleu ainsi que dans certains fruits pourris. Cette découverte explique la similarité olfactive étrange entre un insecte et un aliment fermenté.

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D’autres odeurs, d’autres fourmis

Mais les fourmis ne sentent pas toutes pareil. Par exemple, la fourmi charpentière dégage de l’acide formique, un liquide caustique à l’odeur piquante rappelant le vinaigre. Ce produit chimique est un mécanisme de défense qui repousse les prédateurs. Quant à la fourmi citronnelle, son nom vient de l’odeur d’agrumes qu’elle libère pour se protéger.

Ces différentes substances chimiques expliquent pourquoi l’odeur varie fortement d’une espèce à l’autre, et pourquoi il est parfois difficile de généraliser ce que signifie « sentir une fourmi ».

Pourquoi certaines personnes sentent-elles ces odeurs, et pas d’autres ?

Le cœur du mystère réside dans la perception olfactive humaine. Certains avancent que la réponse se trouve dans la génétique. En effet, nous savons que des différences génétiques expliquent pourquoi certaines personnes adorent la coriandre tandis que d’autres la trouvent « savonneuse ». Par analogie, il est possible que certains individus ne possèdent pas les récepteurs olfactifs nécessaires pour détecter les molécules émises par certaines fourmis, notamment l’acide formique ou les méthylcétones.

Mais cette hypothèse manque encore de preuves solides. Une autre piste est plus terre-à-terre : les fourmis locales ne produisent pas toutes les mêmes composés odorants. Ainsi, selon la région où vous vivez, il se peut que les fourmis que vous rencontrez ne sentent pas assez fort pour être détectées par la majorité.

Enfin, certains chercheurs suggèrent simplement que la plupart des gens ne prennent pas le temps ou ne font pas l’effort conscient de prêter attention à cette odeur, qui peut facilement passer inaperçue dans la multitude d’odeurs ambiantes quotidiennes.

Une odeur qui révèle un monde invisible

Au-delà du simple débat viral, ce phénomène illustre une vérité fascinante : notre perception sensorielle est aussi bien biologique que culturelle, et les insectes que nous côtoyons produisent un véritable bouquet chimique que nous ne soupçonnons pas toujours. Sentir ou ne pas sentir les fourmis est donc une porte ouverte sur la complexité des interactions entre humains, insectes et environnement.

La prochaine fois que vous croiserez une fourmi, pourquoi ne pas essayer de la sentir attentivement ? Peut-être ferez-vous partie des 20 % capables de découvrir ce parfum si particulier… ou pas.