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Peut-on encore se nourrir de la mer sans la détruire ? Entre surpêche, pollution et dérives de l’aquaculture, l’avenir des océans se joue aussi dans nos assiettes. Derrière les espèces menacées et les stocks qui s’effondrent, c’est tout un modèle qu’il faut repenser. Un combat mené, entre autres, par l’ancien chef étoilé Olivier Roellinger.
Ancien chef triplement étoilé, Olivier Roellinger est aujourd'hui l'un des visages les plus engagés pour la défense des océans.
Breton de naissance et passionné de mer depuis l'enfance, il a quitté les fourneaux mais continue à œuvrer pour une pêche durable, notamment à travers l'association Ethic Ocean. Il se consacre alors à la transmission, à la création d'épices et à la défense d'une cuisine plus respectueuse des Hommes et de la planète.
En 2011, alors vice-président de Relais & Châteaux, il initie le retrait du thon rouge des menus du réseau à l'échelle mondiale, en réponse aux alertes scientifiques sur l'effondrementeffondrement de l'espèce en Méditerranée. Une décision audacieuse, qui contribuera au rétablissement des populations de thons rouges.
Futura : Quel a été votre déclencheur de votre passion pour l'océan ?
Olivier Roellinger : J'ai eu la chance de naître en 1955 à Cancale, dans un petit port breton qui est le premier lorsqu'on arrive de Paris.
Il suffisait que je descende en bas de la rue pour trouver la mer. On pêchait les petits crabes dans les mares, j'ai appris à godiller avant de faire de la bicyclettebicyclette.
Futura : Est-ce vraiment possible d'aimer l'océan, mais de continuer à le manger ?
Olivier Roellinger : C'est une question qui me travaille beaucoup. Aujourd'hui, c'est encore possible, mais si on continue à exploiter l'océan comme on le fait actuellement et à le polluer autant, évidemment ça ne le sera plus.
L’aquaculture est souvent présentée comme une solution, mais la majorité des élevages ne sont pas durables. Beaucoup de poissons élevés sont carnivores et, en Europe, on ne peut pas les nourrir avec de la farine animale issue de sang chaud. On utilise donc de la farine de poisson, produite en pêchant massivement du poisson sauvage. Par exemple, il faut au moins quatre kilos de poissons sauvages pour produire un kilo de saumonsaumon d'élevage. Ça n'a aucun sens.
Donc, pour répondre clairement : non, on ne pourra pas continuer longtemps à se nourrir de la mer comme on le fait aujourd'hui. De nombreuses espèces sont déjà menacées ou ont disparu.
Mais ce n'est pas aux petits pêcheurs qu'il faut faire porter toute la responsabilité. Pendant 20 ans, j'ai vu de mes propres yeuxyeux que les poissons étaient de moins en moins nombreux, de plus en plus petits, et que certaines espèces disparaissaient pendant des périodes entières. Les pêcheurs devaient aller toujours plus loin pour trouver du poisson.
Quand j'ai commencé, il y avait plus de 20 bateaux à Cancale. Aujourd'hui, il n'en reste que trois. Et ce ne sont pas ces pêcheurs-là qui ont vidé l'océan.
Futura : Aujourd'hui vous ne cuisinez plus, mais comment vos convictions personnelles influencent-elles vos choix en matière d'approvisionnement en produits de la mer ?
Olivier Roellinger : Nos critères, c'est d'abord de connaître précisément le lieu de pêchepêche : une espèce peut être abondante ici et menacée ailleurs. Ensuite, on regarde la technique de pêche : certains engins comme les chaluts sont très destructeurs, tandis que les ligneurs, les casiers ou certains filets fixes sont bien plus respectueux.
On fait aussi très attention à la taille des poissons, souvent au-delà des normes officielles, pour s'assurer qu'ils aient eu le temps de se reproduire. Autre critère important : le milieu dans lequel la fécondationfécondation va se faire. Si l'environnement est pollué, si le pH baisse, si la température de l'eau augmente, alors les œufs ne survivent pas. Et parfois, ces facteurs ont plus d'impact que la surpêchesurpêche elle-même.
Aujourd'hui, même si je ne suis plus vice-président, je continue à m'engager. Par exemple, on recommande de ne plus servir de barbar en hiverhiver. On milite aussi pour que l'anguilleanguille, qui est une espèce menacée, disparaisse complètement des menus Relais & Châteaux toute l'année.
Avec Ethic Ocean, nous publions également chaque année un guide des espèces disponibles, à destination des professionnels. Car si beaucoup de chefs cuisiniers ont pris le virage du bio ou du local pour les légumes ou la viande, le poisson reste un produit mal connu.
On a aussi lancé un concours pour les jeunes cuisiniers : ils doivent créer deux plats à partir d'un produit de la mer, puis défendre leur démarche durable. C'est une façon de former une nouvelle génération de chefs plus conscients.
Futura : Que diriez-vous à ceux qui pensent que la meilleure façon d’aimer la mer est de cesser de la consommer ?
Olivier Roellinger : Continuer à pêcher, c'est une approche qui peut sembler paradoxale, mais à mes yeux, c'est sans doute la plus sage et la plus pertinente. Si demain les pêcheurs disparaissent, l’océan ne sera plus qu'un gisementgisement d'énergieénergie, de mineraisminerais, et une immense poubelle.
Ce sont justement ceux qui travaillent en mer qui la défendent en premier. Ils sont bien obligés, pour pouvoir continuer à vivre de leur activité, ils ont besoin que la mer reste vivante. Ils alertent aussi sur la pollution, sur les rejets agricoles, touristiques ou industriels. S'ils ne sont plus là, ce sera la porteporte ouverte à toutes les dérives.
Il y a aussi une vraie prise de conscience, surtout chez les jeunes pêcheurs. Les choses ont beaucoup changé en 30 ans. Il y a même de vraies réussites. Regardez la conchyliculture par exemple : à quelques exceptions près, c'est un modèle plutôt vertueux. La conchyliculture, c'est aussi un excellent indicateur de la qualité de l'environnement. Quand les huîtres tombent malades, on ferme les baies. Et si les ostréiculteurs n'étaient plus là, je vous garantis que des zones comme le bassin d'Arcachon, la baie de Seine, la baie de Somme ou celle du Mont Saint-Michel seraient bien plus rapidement polluées.
Futura : Donc, vous pensez qu’on peut continuer à pêcher ?
Olivier Roellinger : Oui, on peut et on doit continuer à pêcher, mais il faut que ça évolue. Malheureusement avec les moyens d'aujourd'hui, l'humain peut détruire des écosystèmesécosystèmes entiers.
La morue, par exemple, on la pêche depuis le XIe siècle. Mais en 30 ans, les navires industriels ont vidé l'Atlantique Nord. Et malgré l'arrêt de la pêche, les stocks ne remontent pas. D'où l'importance de suivre les recommandations scientifiques, en lien étroit avec les pêcheurs.
On manque aussi de données : beaucoup d'espèces ne sont pas suivies. En cuisine, on nous dit d'arrêter le bar ou la sole, alors on passe au maquereau... qui finit lui aussi en danger. Ce n'est pas une solution durable.
Donc oui, la pêche artisanale doit continuer, car les pêcheurs sont les gardiens vivants de l'océan. Et je parle bien des pêcheurs artisans. Mais attention, ce mot est un peu galvaudé. Être petit ne veut pas forcément dire être vertueux. Il y a des pêcheurs artisanaux qui peuvent faire autant de dégâts que des industriels. Si vous avez 100 petits bateaux non respectueux, l'impact peut être équivalent à celui d'un gros bateau industriel.
Il faut donc faire évoluer les pratiques, et vite.
Futura : Espérez-vous encore que les responsables politiques prennent la mesure des enjeux marins ?
Olivier Roellinger : Même face aux preuves, beaucoup de décideurs n'agissent que si ça sert leur électorat. La solution, et c'est ce que font les scientifiques, c'est de tenter d'informer. Mais ils ne sont pas assez écoutés malheureusement.
Moi, j'ai 70 ans et je me donne encore dix ans pour continuer à alerter. On me traite parfois de Che Guevara de la mer, mais je m'en fiche, ça me va très bien. Ce que je refuse, c'est qu'on traite l’océan comme une ressource inépuisable. Quand une espèce disparaît, on ne peut pas juste passer à la suivante comme si de rien n'était. Avec Ethic Oceean, on ne fait pas de politique mais on essaye d'utiliser notre notoriété pour faire avancer les choses de notre côté.
Olivier Roellinger : Il faut aller chez un vrai poissonnier, un professionnel qui connaît ses produits et travaille avec des filières durables. Il faut poser des questions : d'où vient ce poisson ? Est-il pêché de façon responsable ? A-t-il eu le temps de se reproduire ? Si le poissonnier n'est pas capable de répondre, ou vous dit juste « il vient de Rungis », passez votre chemin.
Il y en a de plus en plus, heureusement, qui prennent leur métier à cœur, qui sélectionnent leurs fournisseurs avec soin et qui peuvent vous renseigner.
Et il faut accepter de sortir des classiques. Si on réclame tous du bar ou de la sole, on épuise ces espèces. Pourtant, la mer regorge de poissons moins connus, savoureux et durables. C'est aussi le rôle du poissonnier ou du cuisinier de vous les faire découvrir.