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Le choix de Québec d’exclure de son inventaire des gaz à effet de serre (GES) les émissions de CO2 provenant de la biomasse, sous prétexte qu’elles sont carboneutres, ne fait pas l’unanimité. Un organisme qui lutte contre la pollution causée par la fumée de bois y voit plutôt une façon de balayer sous le tapis les millions de tonnes de CO2 produites annuellement par cette filière au Québec.
Dans son rapport intitulé Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2022 et leur évolution depuis 1990, le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) mentionne qu’en 2022, les émissions totales de GES au Québec se chiffraient à 79,3 millions de tonnes métriques en équivalent CO.
Ce nombre n’inclut toutefois pas les émissions de CO résultant de la combustion de la biomasse (bois, paille, déchets végétaux, etc.) ou de produits dérivés de la biomasse (biodiesel, bois de construction, de rénovation et de démolition, résidus agricoles, etc.).

Les résidus de l’exploitation forestière peuvent notamment être transformés en granulés de bois utilisés pour le chauffage. (Photo d’archives)
Photo : Radio-Canada / Robert Jones
L’argument derrière l’exclusion des émissions de CO issues de la biomasse est leur présumée carboneutralité. On considère, par exemple, que le CO libéré lors de la combustion du bois de chauffage sera recapté par les arbres appelés à remplacer ceux qui ont été coupés. Il n’apparaît donc pas dans la catégorie « Énergie ».
Recommandation du GIEC
La compilation des données de l’inventaire québécois des GES suit les lignes directrices du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de 2006.
Selon celles-ci, le CO provenant de la biomasse ne doit pas être inclus dans les émissions liées à l’énergie, car il est compris dans le secteur de l’affectation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (ATCATF), écrit dans un courriel le MELCCFP, qui a décliné notre demande d’entrevue.

Le secteur de l’ATCATF couvre les flux de GES d’origine humaine entre les terres gérées et l’atmosphère (émissions et absorptions). Ce secteur comprend les terres forestières, les terres cultivées, les terres humides, les établissements et les produits ligneux récoltés. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada
Les émissions et absorptions du secteur « terres et forêts » ont été incluses pour la première fois dans le plus récent inventaire québécois des GES, mais uniquement en annexe. Les données montrent qu’en 2022, le flux net de GES de ce secteur a atteint 11,9 Mt éq. CO.
Si les émissions de l’ATCATF sont présentées en annexe, et non dans le bilan total des émissions, c’est parce que ce secteur diffère des autres en raison de la complexité de sa quantification, de l’incertitude entourant les résultats de suivi et du fait qu’il peut à la fois émettre et absorber des GES, selon le Ministère.
Puisqu’il fournit désormais les données du secteur « terres et forêts », le MELCCFP considère que son bilan est complet et que, par conséquent, il ne sous-estime pas les émissions de GES découlant des activités humaines au Québec.
Près du quart des émissions totales gardé de côté
À noter que le Ministère ne mentionne pas la quantité totale d’émissions de CO provenant de la biomasse ni les contributions des différents secteurs (transports; industries; chauffage résidentiel, commercial et institutionnel; agriculture; matières résiduelles; électricité et chaleur).
Le directeur général de Familles pour l’air pur, Daniel Vézina, a obtenu le détail de ces émissions à l’aide d’une demande d’accès à l’information.
Les estimations fournies par le MELCCFP montrent qu’en 2022, les émissions de CO issues de la biomasse se sont élevées à 17,68 Mt éq. CO au Québec. Cela équivaut à 22,3 % des émissions totales de 79,3 Mt éq. CO déclarées dans l’inventaire québécois des GES.
Daniel Vézina déplore que la ventilation des émissions biogéniques ne soit pas incluse dans l’inventaire produit par le MELCCFP.
Ces données-là sont gardées de côté puis on n'en parle pas. Nous, ce qu'on dit, c'est que ça doit être transparent. Ça doit être inclus dans le bilan des GES, que ce soit en annexe ou en tableau, soutient-il en entrevue à Radio-Canada.

Daniel Vézina souligne qu’il existe des alternatives «beaucoup plus durables» que la biomasse pour remplacer les énergies fossiles telles que l’hydroélectricité, l’énergie solaire, la géothermie et l’éolien.
Photo : Radio-Canada
L’hypothèse de carboneutralité suppose que le CO libéré dans l’atmosphère lors de la combustion de la biomasse sera éventuellement capté. Lorsque c’est chose faite, on juge que la dette carbone contractée a été éliminée. Or, selon les paramètres des projets de valorisation énergétique de la biomasse, cela peut prendre de quelques années à plusieurs décennies.
Daniel Vézina estime qu’il y a un risque à ne pas inclure les émissions biogéniques dans le bilan total des GES, puisque leur carboneutralité demeure sujette à débat.
Source nette d'émissions
Il souligne que pour chaque année comprise dans la période 1990-2022, le secteur « terres et forêts » a été une source nette de GES au Québec, c’est-à-dire qu’une plus grande quantité de GES a été émise que retirée de l’atmosphère.
Dans les 30 dernières années, le secteur "terres et forêts" n'a pas capté de GES, mais en a émis. Sur quelle planète vit-on pour penser qu'aujourd'hui, en 2025, on va être capable de recapter ces émissions-là un jour? Pour moi, ça relève de l’utopie, dénonce M. Vézina.
C'est comme si on payait toutes nos dépenses courantes avec la carte de crédit, alors qu'on sait qu'on est insolvable [et] qu'on ne sera pas capable de repayer cette dette carbone là dans le futur.
Même en acceptant que la dette carbone soit éventuellement complètement éliminée, ce dont il doute, Daniel Vézina note que cela n’empêche pas le CO provenant de la combustion de biomasse de contribuer, dans l’intervalle, au réchauffement climatique.
L'urgence climatique, c'est maintenant
Les émissions biogéniques, on n'en tient pas compte parce qu'on se dit que le CO qui est relié à la combustion de bois, il va être récupéré dans 20, 30, 40, 50, 100 ans, lorsque l'arbre qu'on aura replanté va repousser. Il y a un petit problème parce que c'est maintenant qu'on a besoin de réduire nos émissions de GES, pas dans 100 ans. L'urgence climatique, c'est maintenant, martèle le directeur général de Familles pour l’air pur.

Lorsqu’ils se décomposent, les résidus forestiers rejettent du CO2 dans l'atmosphère. (Photo d’archives)
Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach
C’est sans compter que la combustion de biomasse génère sur le coup davantage de GES que la combustion des énergies fossiles.
De par leur nature, les molécules organiques contenues dans la biomasse sont, disons, moins denses énergétiquement. Donc, pour produire un mégajoule d'énergie, on va émettre plus de CO en brûlant de la biomasse qu’en brûlant des énergies fossiles, explique Annie Levasseur, professeure à l’École de technologie supérieure (ETS).
Le grand avantage de la biomasse tient au fait que comme c'est dans le cycle court du carbone, on va pouvoir ensuite récupérer ce carbone-là par la biomasse en croissance, ajoute-t-elle.
Pas toujours carboneutres
Cela dit, la professeure reconnaît qu’il peut y avoir des cas où la carboneutralité des émissions biogéniques n’est pas avérée. Elle donne l’exemple d’une entreprise qui ferait de la déforestation pour récolter de la biomasse forestière, sans laisser la forêt repousser.
À ce moment-là, l'émission biogénique est similaire à une émission fossile et là, il faut vraiment la comptabiliser complètement sinon, on fait une erreur, insiste Mme Levasseur. Donc, c'est certain qu'en faisant l'hypothèse de la carboneutralité – ce qu'on fait en n’incluant pas ces émissions-là – on peut arriver à des erreurs.

Selon Annie Levasseur, une stratégie de gestion forestière qui néglige les émissions biogéniques nécessiterait un recours accru aux technologies coûteuses de captage direct de CO2 dans l’atmosphère. (Photo d’archives)
Photo : Radio-Canada
Selon la professeure à l’ETS, ce cas extrême n’est pas représentatif des projets de valorisation énergétique de la biomasse au Québec, lesquels reposent majoritairement sur l’utilisation des résidus de l’exploitation forestière (troncs et arbustes brisés, branches, copeaux, feuilles, etc.). Il peut s’agir, par exemple, d’une scierie qui brûle l’écorce des arbres pour générer de l’énergie.
Si on ne les utilise pas comme bioénergie, ces formes de biomasse là vont de toute façon se dégrader et se retrouver dans l'atmosphère. Donc, dans ce cas-là, on est vraiment parfaitement neutre, affirme Annie Levasseur.
Quand on coupe les arbres au Québec, on les laisse beaucoup au sol et effectivement, ils se dégradent. Avec la bioénergie, au moins, on vient les utiliser et potentiellement substituer une source d'énergie fossile.
Émissions sous-estimées?
En ne comptabilisant pas les millions de tonnes de CO générées annuellement par la combustion de biomasse dans son bilan des émissions totales de GES, le gouvernement du Québec peut laisser croire que cette filiale, qu’il finance à coups de millions, est inoffensive pour l’environnement, fait valoir Daniel Vézina.
Il cite en exemple le chauffage au bois. Dans l’inventaire québécois des GES, seules les émissions de méthane et d’oxyde nitreux provenant de la combustion de bois sont comptabilisées dans le sous-secteur résidentiel, car elles ne sont pas carboneutres.
Résultat : moins du tiers (28,5 %) des émissions de GES issues du chauffage résidentiel est attribué à la biomasse. Cela représente 0,89 Mt éq. CO sur un total de 3,11.
Les autres émissions de GES de ce sous-secteur sont liées à l’utilisation du gaz naturel, du mazout léger et du propane.
En incluant les émissions de CO biogénique estimées par le MELCCFP (4,92 Mt éq. CO en 2022), qui proviennent essentiellement du chauffage au bois, la part de la biomasse grimpe à 72,3 % (5,8 Mt éq. CO sur un total de 8,03).
On tombe à 72 %, pour quoi? 20 à 30 % des ménages au Québec qui ont un appareil de chauffage au bois? Pour 10 % de l'énergie qui est consommée pour le chauffage au Québec? Est-ce qu’on ne trouve pas que ça commence à faire un petit peu trop quelque part? demande M. Vézina.

Des arbres à faible valeur commerciale peuvent être récupérés pour être transformés en copeaux. (Photo d’archives)
Photo : Nicolas Steinbach/Radio-Canada
Selon lui, l’inclusion des émissions de CO issues de la combustion de biomasse permet de relativiser les réductions de GES observées dans certains secteurs et sous-secteurs entre 1990 et 2022.
Dans l’inventaire québécois, on peut lire que les GES émis par le sous-secteur de la combustion industrielle sont passés de 17,89 Mt éq. CO en 1990 à 11,39 Mt éq. CO en 2022. Cela représente une diminution de 36,3 %.
En tenant compte du CO provenant de la biomasse, on constate que les GES produits par la combustion industrielle sont dans les faits passés de 20,71 à 20,39 Mt éq. CO entre 1990 et 2022. Cela équivaut à une réduction beaucoup plus modeste de 1,5 %.
Daniel Vézina croit que les entreprises et les politiciens qui envisagent d’investir dans des projets de valorisation énergétique de la biomasse risquent d’être induits en erreur en basant leur décision sur les données de l’inventaire des GES.
On fait simplement un petit tour de passe-passe comptable [qui consiste] à prendre les émissions de CO d'un secteur et à les envoyer sous le tapis dans le secteur "terres et forêts". On encourage [ainsi] des industries à aller vers des projets qui utilisent la biomasse et c'est là où c'est vraiment problématique, s'inquiète le directeur général de Familles pour l’air pur.

L’usine Bio-Énergie AE de Port-Cartier, qui appartient à l’entreprise Rémabec, produit de l’huile pyrolytique, un carburant renouvelable, à partir de résidus forestiers. (Photo d’archives)
Photo : Radio-Canada / Renaud Chicoine-McKenzie
De son côté, Annie Levasseur croit que prétendre à la carboneutralité des émissions de CO issues de la combustion de biomasse peut biaiser la prise de décision quand vient le temps d’identifier les stratégies permettant d’atteindre la cible de zéro émission nette d’ici 2050 que s’est fixée le Québec.
D’où l’importance, selon elle, de prendre en considération le moment où les émissions de CO et leur captation ont lieu, puisque le temps requis pour rembourser la dette carbone varie selon la source de biomasse utilisée.
Risque de surestimation
À titre d’exemple, le CO provenant de la biomasse qu’on fait pousser, qu’on récolte et qu’on brûle la même année (cycle court), prendra beaucoup moins de temps à être compensé qu’un arbre qu’on a coupé pour faire du bois de chauffage.
Une stratégie de gestion forestière qui ne tiendrait pas compte de ce décalage temporel entre émission et captation risquerait de surestimer l’utilisation de la biomasse par rapport à la capacité de captage, soutient Annie Levasseur.

Selon Annie Levasseur, négliger les émissions biogéniques nécessiterait un recours accru aux technologies coûteuses de captage direct de CO2 dans l’atmosphère. (Photo d’archives)
Photo : Getty Images / IDA GULDBAEK ARENTSEN
Elle donne l’exemple de deux scénarios de gestion de la forêt, l’un axé sur la conservation, avec une réduction des récoltes de la biomasse, et l’autre consistant à récolter davantage de biomasse pour faire plus de produits appelés à remplacer d’autres matériaux ou des combustibles fossiles.
Dans chaque cas, on n’aura pas accès à la même quantité de biomasse. On n'aura pas les mêmes quantités de carbone qui sont conservées dans les écosystèmes versus les produits qu'on va avoir, explique la professeure de l’ETS. Donc, ces scénarios-là mènent à des émissions très différentes. Et quand on simplifie, qu’on ne tient pas compte du carbone biogénique, on ne fait pas du tout la différence entre ces scénarios-là et on peut arriver avec des conclusions qui sont biaisées.
À l’instar de Daniel Vézina, Annie Levasseur est d’avis que les émissions biogéniques devraient être incluses à part entière dans l’inventaire québécois des GES, et pas uniquement en annexe.