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La coroner Stéphanie Gamache, qui a présidé les audiences publiques sur le décès de Raphaël André, affirme qu’il « est impossible [pour elle] de conclure que M. André a été le seul responsable de son sort ». S’il avait eu un endroit chauffé et sécuritaire pour la nuit, il ne serait pas mort de froid en état d'intoxication sévère dans une toilette chimique, conclut également le rapport d'enquête dont Espaces autochtones a obtenu copie.
La coroner a constaté plusieurs lacunes dans la trajectoire de soins et de services pour Napa Raphaël – comme il a été nommé pendant toute l’enquête – jusqu’à son décès, et ce malgré les efforts mis de l’avant pour tenter de l’aider, a-t-elle souligné.
Il faut garder en tête notre responsabilité collective lorsque survient un décès qui était évitable.
Il faut donc mettre en place des moyens pour tenter d’éviter un autre décès dans des circonstances similaires, a-t-elle précisé, rappelant que le cas de Napa Raphaël n’est pas unique.
Cet homme innu de la communauté de Matimekush-Lac John est décédé près du refuge La Porte ouverte, sur la rue du Parc, qu’il avait l’habitude de fréquenter. L'endroit, normalement ouvert 24 heures sur 24, avait dû fermer ses portes en raison d'une éclosion de COVID-19.
Bien qu'elle précise qu'il faut s'indigner du constat que plusieurs portes ont été fermées à M. André dans les derniers mois de sa vie et que son décès est attribuable à une hypothermie environnementale dans un contexte d'intoxication sévère à l'alcool, elle estime que ces portes fermées et tout un système qui, bien qu'il ait essayé, n'ont pas réussi à éviter ce décès.
La pandémie a d'ailleurs mis en lumière le manque de préparation et de plan de gestion par les autorités de toutes les juridictions pour faire face à cette crise et le Québec n’y a pas échappé, souligne la coroner.
Si une porte lui avait été ouverte et s’il avait disposé d’un endroit chauffé et sécuritaire où se loger pour la nuit, il est clair pour moi, [...], qu’il ne serait pas décédé, même s’il était fortement intoxiqué en raison de l’alcool.
Napa Raphaël André était connu pour ses problèmes de consommation d’alcool sévère. Il avait une atteinte frontale qui peut être liée à des traumatismes anciens ou sa consommation d’alcool, et il souffrait d’anxiété. Ces conditions en faisaient un patient avec une problématique très complexe, en plus de sa situation d’itinérance.
Plusieurs personnes ont indiqué que Napa Raphaël se serait peut-être caché des services de police, car il avait des antécédents ou parce qu'il y avait un couvre-feu. C'est l'une des parts d'ombre qui persiste.

Stéphanie Gamache (à droite) présidait cette enquête, et était assistée par Me Émilie Fay-Carlos (à gauche), procureure aux enquêtes publiques.
Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin
La coroner ajoute que, dans les circonstances, il ne s'agit pas d'un décès de cause naturelle et que selon la Classification internationale des maladies, lorsqu'un décès est le résultat d'un enchaînement de causes dont l'origine est un traumatisme non intentionnel, un tel décès doit généralement être considéré comme accidentel.
Il m'apparaît essentiel de mettre des efforts additionnels sur le terrain et de se doter d’outils pour solidifier le filet de sécurité essentiel aux personnes en situation d’itinérance afin de leur donner une meilleure chance de reprendre la place qui leur revient dans notre société, a poursuivi la coroner.
La coroner a identifié cinq thèmes pour solidifier ce filet de sécurité
- L'importance d'assurer un suivi centralisé pour la population itinérante qui consulte dans différents établissements du réseau de la santé;
- La nécessité de développer des lieux qui permettent d'accueillir une clientèle en état d'intoxication et avec une problématique de lésion cérébrale acquise;
- L'importance de la sécurisation culturelle au cœur des initiatives pour venir en aide aux personnes en situation d'itinérance;
- L'importance de prendre en compte les besoins particuliers des personnes vulnérables et en situation d'itinérance lors de décisions en contexte d'urgence et plus particulièrement en contexte d'urgence sanitaire;
- La nécessité d'assurer un financement permanent pour les ressources qui offrent de l'hébergement d'urgence.
23 recommandations
La coroner a rappelé que son enquête n'avait pas pour objectif de traiter de l'itinérance dans sa globalité même si Napa Raphaël était en situation d'itinérance. Elle a néanmoins indiqué dans sa conclusion que c'est l'exacerbation des inégalités sociales qui mène à l'itinérance, que la problématique de l'itinérance est complexe et que cette enquête publique ne peut malheureusement apporter toutes les réponses.

Selon la coroner, le témoignage, notamment de la famille de Napa Raphaël André, est une « leçon d'humilité et d'humanité pour nous tous ». Suzanne Chemaganish, la mère de Napa Raphaël André (à droite dans le fauteuil roulant), sa belle-fille soeur, et son frère Ghislain André (au centre) accompagnés, de la procureure aux enquêtes publiques Émilie Fay-Carlos. (Photo d'archive)
Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin
En dressant le portrait des dernières années de vie de l'homme de 51 ans, la coroner a essayé de comprendre comment il a pu mourir de froid dans cette toilette chimique. Car Napa Raphaël était connu dans le milieu de la santé tout comme dans le milieu communautaire, qu'il a eu des soins, qu'il a réclamé de l'aide et qu'il participait à des ateliers, notamment.
Selon elle, de manière générale, l'absence d'un chef d'orchestre véritable pour gérer la problématique complexe de [Napa Raphaël] dans sa globalité me semble être à l'origine des échecs répétés concernant sa trajectoire de soins.
Les 23 recommandations, qui sont essentiellement adressées au gouvernement et ses ministères, s’articulent autour des cinq thèmes.
Au ministère de la santé et des services sociaux et Santé Québec, Stéphanie Gamache recommande notamment de déployer des ressources dédiées aux personnes en situation d'itinérance ou à risque de le devenir, vivant avec une problématique mixte.
Elle leur recommande aussi de bonifier le soutien adapté à leur réalité offert dans les établissements du réseau de la santé qui sont en contact avec les personnes autochtones en situation d'itinérance. Il importe aussi, d'après la coroner, d'intégrer les pratiques de guérison autochtones dans ces établissements.
Selon son rapport, Napa Raphaël avait exprimé à plusieurs reprises son désir d'avoir une thérapie pour sa dépendance à l'alcool. La non-disponibilité des thérapies, qu'elles soient ancrées dans la culture de M. André ou qu'elles ne le soient pas, constitue une composante importante non négligeable ici, a écrit la coroner.
Elle demande aussi au ministère d'entamer rapidement les démarches afin que les services d'hébergement d'urgence soient continus et permanents.
Stéphanie Gamache recommande, entre autres, à Santé Québec d'assurer la formation des intervenants des organismes communautaires qui offrent de l'hébergement d'urgence sur la reconnaissance des signes qui affectent la capacité des personnes à préserver leur sécurité dans des contextes d'intoxication.
Elle demande aussi de veiller au déploiement du Dossier santé numérique afin de faciliter la communication interétablissements pour une prise en charge centralisée des usagers.
La coroner recommande aussi que l'équipe mobile en médiation et intervention sociale de la Ville de Montréal ait un financement pour assurer sa pérennisation afin d'assurer les interventions adéquates.
Malgré 13 jours d'audience et 51 témoins, il reste des zones d'ombres dans cette histoire. Stéphanie Gamache a été marquée par les témoignages de la mère de Raphaël André, Suzanne Chemaganish, qui a partagé son incompréhension sur le fait que son fils soit mort seul dans le froid car des portes étaient fermées, et du chef Réal McKenzie.
Selon elle, c'était une leçon d'humilité et d'humanité pour tous.
Il faut apprendre du décès de M. André pour qu'il ne soit pas vain, a-t-elle écrit avant de conclure par une citation du philosophe et sociologue Edgar Morin : il faut retenir qu'à force de sacrifier l'essentiel pour l'urgence, on oublie l'urgence de l'essentiel.