Depuis le début de la guerre en Ukraine, les combats ont souvent été décrits en termes de villes assiégées, de lignes de front mouvantes et de frappes stratégiques. Mais un autre front, moins visible, est en train de se dessiner : celui des ressources critiques. Et parmi elles, le lithium, surnommé « l’or blanc » de notre époque, attire toutes les convoitises.
Récemment, les forces russes ont pris le contrôle d’un gisement de lithium majeur situé près du village de Shevchenko, dans la région de Donetsk, à l’est de l’Ukraine. Ce site, encore peu connu du grand public, recèle pourtant l’une des plus grandes réserves de lithium d’Europe, sur une surface de plus de 40 hectares.
Le lithium, une matière première qui change la donne
Dans notre quotidien, le lithium est partout — ou presque. Il est essentiel à la fabrication des batteries des véhicules électriques, des smartphones, des ordinateurs portables, mais aussi à des systèmes de stockage d’énergieindispensables à la transition énergétique. Dans l’industrie militaire, il entre également dans la composition d’alliages avancés pour l’aéronautique ou l’armement.
À mesure que les économies du monde cherchent à se décarboner et à se détacher des énergies fossiles, la demande mondiale en lithium explose. En 2022, son prix a culminé à plus de 80 000 dollars la tonne. Il est redescendu depuis, autour de 8 500 dollars, mais reste stratégique à l’échelle industrielle.
Pourquoi la Russie cible ce gisement ukrainien
Ce qui rend la capture du site de Shevchenko si significative, ce n’est pas sa valeur tactique immédiate sur le champ de bataille, mais bien son poids économique et géopolitique à long terme.
Avant l’invasion, l’Ukraine avait lancé plusieurs initiatives pour développer ses propres filières de matières premières critiques, avec le soutien de partenaires occidentaux. Parmi les projets emblématiques figurait justement ce gisement de lithium, qui devait permettre à Kiev de réduire sa dépendance aux importations et de devenir un acteur régional clé.
En prenant le contrôle de ce site, Moscou sape directement les plans économiques et industriels de l’Ukraine. Mais surtout, elle se dote d’un levier d’influence majeur dans un monde où le lithium devient une ressource aussi stratégique que le pétrole au siècle dernier.

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Crédits : SweetBunFactory/istockUn coup dur pour l’Occident
Cette manœuvre russe intervient quelques semaines seulement après la signature d’un accord bilatéral entre les États-Unis et l’Ukraine, destiné à investir conjointement dans l’exploitation de ressources critiques. Ce partenariat devait financer des projets d’extraction, de traitement et d’infrastructure pour renforcer la souveraineté énergétique ukrainienne.
Le gisement de Shevchenko figurait justement parmi les sites identifiés. Sa capture remet désormais en cause la capacité de l’Ukraine à attirer des capitaux étrangers et à assurer la sécurité des projets miniers dans les zones de conflit.
Le nouveau visage des guerres modernes : ressources contre territoire
Avec cette offensive ciblée, la Russie ne cherche pas seulement à gagner du terrain militaire. Elle réécrit les règles de la guerre moderne, où les ressources naturelles deviennent un enjeu stratégique de premier ordre.
Contrôler une mine de lithium, c’est potentiellement perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales, ralentir la transition énergétique de ses adversaires, ou même renforcer sa propre autonomie industrielle.
Les États membres de l’OTAN et de l’Union européenne s’efforcent depuis plusieurs années de sécuriser l’accès aux minéraux critiques comme le lithium, le cobalt ou les terres rares, souvent en rupture avec la Chine, qui domine actuellement ces marchés. En s’emparant de tels gisements, la Russie se positionne dans cette bataille silencieuse mais décisive pour les ressources du futur.