La Sûreté du Québec (SQ) a pris la décision d’abolir son unique poste de reconstitutionniste de niveau 4 en scène d’accident.

Il s'agit du seul agent suffisamment formé pour enquêter sur des scènes d'accidents pouvant mener à des accusations criminelles. La SQ fera donc appel à des spécialistes de Montréal lors de ce type d’accidents.

Ce n’est pas la première fois que l’absence de reconstitutionniste en Abitibi-Témiscamingue fait les manchettes. En 2016, la personne occupant ce poste avait été libérée pour une période d’au moins quatre ans pour des tâches syndicales et n’avait jamais été remplacée.

L'attente peut être longue sur la route 117 lors d'un grave accident. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Jean-François Perron

Des policiers d’Abitibi-Témiscamingue mentionnaient alors craindre que des actes criminels soient ignorés. La situation avait aussi entraîné la fermeture de la route 117 à quelques reprises, parfois pendant plus de 10 heures. Plusieurs élus avaient alors réclamé le maintien de cette expertise dans la région.

Le reconstitutionniste a finalement réintégré son poste à la fin de sa libération syndicale, en 2020, mais lors de son départ à la retraite en août 2024, son poste a été aboli. Une décision que déplorent des policiers avec qui Radio-Canada a pu s’entretenir.

Des routes fermées pendant de longues heures

Ce manque de ressources a déjà des conséquences sur la durée de la fermeture de routes lors d’accidents.

Le 6 juin dernier, un cycliste a été happé mortellement par une automobiliste. La conductrice du véhicule pourrait faire face à des accusations de conduite avec les facultés affaiblies causant des blessures. Dans ces circonstances, il est primordial de faire venir un reconstitutionniste sur la scène de l’accident. L’avenue du Lac, où a eu lieu l’accident, aura été fermée pour une période de plus de 12 heures.

La Sûreté du Québec a enquêté sur l'accident entre une voiture et un vélo survenu le 6 juin à Rouyn-Noranda. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Annie-Claude Luneau

Le 21 septembre 2024, un autre cycliste a perdu la vie, happé par une camionnette. La route 117 aura été fermée pendant plusieurs heures, le temps qu’un reconstitutionniste de l’extérieur de la région puisse se rendre sur place.

Des élus de la région comptent mettre de la pression sur la Sûreté du Québec afin qu’elle modifie cette décision.

On va adresser une demande à la SQ pour revenir avec un niveau 4 parce qu’on sait qu'en Abitibi-Témiscamingue, on n’a pas tellement de choix de routes et on est beaucoup axés sur le transport routier pour nos biens et marchandises. On ne peut pas se permettre des fermetures de huit heures dans des axes importants où il n’y a pas de détour, explique Jaclin Bégin, préfet d’Abitibi-Ouest et président de la Conférence des préfets de l’Abitibi-Témiscamingue.

Il cite en exemple la réserve faunique La Vérendrye, qui est le seul lien entre la région et les grands centres urbains.

Pour l’Abitibi-Témiscamingue, c’est certainement un recul.

La Sûreté du Québec justifie sa décision d’abolir le poste de reconstitutionniste en Abitibi-Témiscamingue par le peu de dossiers couverts par celui-ci.

Compte tenu de ce volume relativement bas, et en tenant compte du fait que les appels avaient déjà été couverts avec efficacité par d'autres régions entre 2017 et 2020 (notamment Gatineau et Montréal), le maintien d’un poste permanent de reconstitutionniste dans la région ne s’avérait pas justifié, précise la Sûreté du Québec par courriel, qui nous a fait parvenir les interventions des dernières années.

Interventions du reconstitutionniste de l’Abitibi-Témiscamingue

Jumeler avec un autre poste?

Des policiers de la région auraient souhaité que le poste de reconstitutionniste soit jumelé avec un autre poste, soit celui d’enquêteur de collision de niveau 2 ou encore de technicien en scène de crime, afin de conserver cette expertise.

Je crois qu’on peut être imaginatifs et agiles dans ces cas. On comprend qu’un niveau 4 juste pour les collisions mortelles pour l’Abitibi-Témiscamingue, ce ne sera pas un travail à temps plein, mais on peut lui joindre d’autres activités qui vont faire en sorte qu’il y aura un temps plein et donc capable de rétablir la circulation plutôt que d’attendre huit heures avant que ça se fasse, ajoute pour sa part Jaclin Bégin.

Le président de la Conférence des préfets de l’Abitibi-Témiscamingue, Jaclin Bégin, tient à garder le seul poste de reconstitutionniste de la région. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

La SQ précise avoir analysé cette option, mais qu’en raison des spécialisations distinctes, des formations spécifiques, des processus de sélection indépendants et des considérations syndicales, cette option a été écartée.

La Sûreté du Québec ajoute que pour maintenir le statut de témoin expert reconnu devant les tribunaux, une pratique régulière est essentielle. L’organisation précise avoir ajouté un technicien en scène de crime dans la région à la suite de l’abolition de ce poste.

Cette bonification démontre clairement que la volonté n’est pas de centraliser les ressources au détriment des régions, mais bien d’assurer une répartition cohérente et équitable, alignée sur les besoins opérationnels réels et actuels de chaque territoire. Par ailleurs, sur le plan de l’intervention terrain, les reconstitutionnistes sont regroupés dans trois pôles stratégiques (Québec, Mascouche et Saint-Hubert), ce qui leur permet de couvrir efficacement l’ensemble du Québec, précise la SQ par courriel.