Dimanche 23 septembre 1979, autour de 17 h. À ce moment-là, Laurent Ballesta était sûrement devant sa télévision, en train de regarder les aventures du commandant Cousteau à bord de la Calypso. Alors, il rêve : « un jour, je serai plongeur. Mais pas un simple plongeur, non, un plongeur de la Calypso ». Quand il ne regarde pas le commandant Cousteau à la télévision, il joue sur la plage de Palavas-les-Flots et imagine faire des découvertes exceptionnelles.

Près de 50 ans plus tard, le voilà à plus de 150 mètres sous l'eau. « J'ai l'impression de ne pas avoir menti à l'enfant que j'étais », confesse-t-il, sourire aux lèvres. Il n'est peut-être pas un plongeur de la Calypso, mais son rêve est tout de même devenu sa réalité.

Le gobie d'Andromède, porteur d'espoir

À la fois biologiste marin, photographe naturaliste et plongeur, c'est la découverte du gobie d'Andromède dans les eaux de Méditerranée occidentale, à la sortie de ses études en biologie marine, qui lui a donné l'espoir de pouvoir vivre de sa passion. « À ce moment-là, je me suis dit : si je découvre un poisson dans un endroit où il y a eu 200 ans d'océanologie, c'est que je peux avoir une petite carte à jouer », se souvient Laurent Ballesta.

Mais la chance ne suffit pas pour bâtir une carrière, il faut des plongées inédites. « Le gobie d'Andromède a été découvert dans le cadre d'une campagne de plongée nocturne que j'avais imaginée, explique-t-il. On plongeait tous les jours à minuit, à la place de 21 h ». Quelques années plus tard, il plonge dans les eaux d'Afrique du Sud, à la recherche du cœlacanthe, une recherche pour laquelle « il a fallu revendiquer tellement d'espoirs et cacher tellement de doutes ». Il avait tout anticipé, et dès le premier jour, dès la première plongée, la photo de la rencontre Homme-cœlacanthe était faite. « Comme quoi ce n'était pas trouver le cœlacanthe qui était difficile, mais bien accéder à son universunivers, remarque-t-il. Et l'océan cache des milliers d'espèces comme le cœlacanthe ».

Un défi technique, une étude scientifique et une promesse d'images

La plongée engagée, avec de nouvelles techniques ou en les poussant dans leurs limites, fait partie du mode de fonctionnement de Laurent Ballesta. « Ceci permet d'accéder à des situations et des zones où aucun plongeur n'est déjà allé. De là, il est excitant de faire de la science car ce sont des endroits et des espèces pas encore étudiés et il est facile de ramener des images inédites », souligne le plongeur.

Ce sont d'ailleurs les trois piliers des Expéditions Gombessa, une initiative qu'il a créée : une plongée présentant un défi technique, une étude scientifique pertinente autour d'un mystère et une promesse d'images. S'il est souvent à l'initiative des expéditions, Laurent Ballesta délègue à chaque fois et trouve un chef d'expédition car lui, ce qu'il veut, c'est s'impliquer dans la partie ouvrière du projet. Mais au-delà de ces objectifs, « la clé, c'est de se sentir bien dans l'eau et d'aimer s'y balader, même lorsqu'il ne se passe rien ».

Mais réaliser son rêve d'enfant, c'est aussi être le témoin des changements de ce monde marin. Durant sa carrière, Laurent Ballesta a vu la composition de l'eau et les écosystèmes se dégrader et certaines espèces disparaître notamment à cause de la surpêche, mais il modère aussitôt : « J'ai aussi vu la progression de quelques herbiers de Posidonie dans certains sites et les effets positifs des aires marines protégées, vraiment protégées ».

Il ajoute : « Le Traité sur la Haute Mer, c'est bien et c'est important, mais la biodiversitébiodiversité, c'est le littoral. La nurserie des poissons de haute mer, c'est le littoral aussi. C'est là que les enjeux sont les plus importants et où la dégradation est la plus forte, c'est là que j'aimerais qu'il se passe des choses ». À son niveau, il mène des actions de restauration avec sa société Andromède Océanologie comme la replantation d'herbiers de Posidonie.

Mettre en image les mystères qui composent le monde

S'il est l'un des photographes animaliers les plus primés du monde, Laurent Ballesta essaye de mettre en image ce monde par les mystères qui le composent et qui nous dépassent. « L'immensité de notre ignorance face à un monde qui conditionne notre vie impose une dimension de respect et lui remet une part de sacré, ce qui peut encore faire changer les postures », espère Laurent Ballesta.

Son rêve d'enfant est devenu réalité, ce qui laisse la place à d'autres rêves, encore plus fous. « J'aimerais acquérir les moyens de plongée à saturation pour faire un grand voyage autour du monde, retourner sur les sites où je suis allé et en découvrir d'autres, et au lieu de compter les minutes, avoir des journées entières à passer au fond des océans pendant des semaines », ambitionne-t-il, des étoilesétoiles plein les yeuxyeux. Et ce rêve aussi pourrait bien un jour se réaliser.