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Ils sont légion, celles et ceux qui arrivent dans mon bureau à bout de souffle, à bout d’eux-mêmes, au bout de leur vie. Envoyés pour une évaluation pour l’autisme — le trouble du spectre de l’autisme (TSA), pour être plus précise. Ils sont adultes, ont tenté de fonctionner, de camoufler leur atypie toute leur vie, parce que, très tôt, ils ont « compris » qu’elle n’était pas recevable, pas reçue, pas voulue, jugée et moquée. Que leur façon d’être au monde, de le voir, n’était pas « normale ».
Alors, ils ont cessé d’être authentiques pour se conformer [à ce qu’on attendait d’eux], pour ne pas déranger. Au point que personne ne puisse souvent même imaginer qu’ils sont autistes. Des années, des décennies même, ils ont tenu cette ligne. Quand ils arrivent à mon bureau à 30, 40, voire 50 ans, ils ont traîné et multiplié toute leur vie des traumatismes relationnels liés à leur vulnérabilité, à leur naïveté, parfois. Ils ont traîné de bureau médical en bureau médical, parfois en unité psychiatrique, avec des étiquettes multiples, des médications associées, sans que jamais on mentionne le TSA.
Ils me racontent tous la même chose : les violences institutionnelles, l’angoisse de ne pas être crus, entendus, l’espoir à chaque nouvel intervenant qu’enfin ils seraient aidés. Mais quand cela déborde, que les injustices s’accumulent et que leurs droits ne sont pas respectés (avoir un toit décent, être capable de manger, d’être en sécurité, d’être protégés…), qu’ils deviennent soudain « trop directs » , à bout de camoufler, on leur renvoie un « tu ne vas pas bien », alors qu’on devrait leur dire : « Tu as raison, ce que tu vis est inacceptable. »
Prenez Yvette (le prénom est fictif pour protéger son identité). Elle a eu un parcours en protection de la jeunesse très tôt, ballottée de droite à gauche, étiquetée personnalité limite. Mon évaluation formelle, établie sur des heures de rencontres, conclut qu’elle a un TSA et un syndrome de stress post-traumatique lié à toutes les incohérences et les violences institutionnelles qu’elle a vécues. « On nous blâme pour des problèmes et on nous dit malades pour des réactions liées au système qui nous torture » : ce sont ses mots, qu’elle m’autorise à nommer pour elle tant elle n’en peut plus de les subir. Elle ne veut plus être « autre chose que ce qu’elle est », elle ne veut plus camoufler son atypie, car cela l’épuise… Mais on lui parle d’internement quand elle réclame de vivre dans un logement salubre et tente de résister, sans aide, à un propriétaire qui, dit-elle, use de harcèlement et de menaces pour lui faire quitter son logement…
Parfois, on lui donne des conseils pour vivre le moment présent… Quand elle répond que chaque moment présent lui arrive « en pleine gueule », pourquoi persister à se maintenir là-dedans ? Jusqu’à quel point tenir, et à quoi bon ?
Profiter de la vulnérabilité de l’autre, le pousser dans ses retranchements et entraîner des « réactions » qui sont jugées psychiatriques… voilà ce que ce système, dans toute sa réalité et sa froideur finit parfois par accomplir.
L’empathie n’est qu’un concept dans les institutions dans lesquelles chacun fait sa job, essaye de tenir et de ne plus « voir », pour se préserver.
Devenir sourd et aveugle à l’autre, c’est une modalité de survie qui semble se répandre comme une traînée de poudre. On pourrait et on devrait prendre notre téléphone et faire du lien : convoquer les différents partenaires, avoir une vision globale plurisystémique, faire en sorte que le patient se sente soutenu par une équipe… mais cela arrive si rarement.
J’en suis rendue ce matin à demander à être convoquée par un juge en droit du logement pour venir expliquer la réalité de ma patiente, ce qu’« être autiste » veut dire, alors qu’on lui renvoie l’idée qu’elle n’a pas « l’air si autiste et qu’elle est fonctionnelle »…
Je vous parle d’Yvette, mais je pourrais aussi bien vous parler de David, d’Icham, de Sandra (aussi des noms fictifs)… qui ne bénéficient d’aucune aide cohérente ou concertée eux non plus. Parfois, des intervenants agissent ponctuellement, mais sans connaître leur dossier. Ils gèrent alors un petit morceau de vie, de temps en temps…
Ces personnes sont des dossiers, des numéros dans un système tentaculaire — pantagruélique, même, car il les dévore. Il les engloutit littéralement… Ils sont vulnérables du fait de leur autisme, mais ne sont pas malades. L’autisme n’est pas une maladie, qu’on se le dise une bonne fois pour toutes.
Ils subissent les incohérences administratives, doivent justifier leur état, expliquer leur diagnostic, le « prouver », convaincre… alors, oui, parfois, ils s’insurgent encore un peu, résistent — « décompensent », selon le terme psychiatrique consacré.
Mais après autant d’efforts vains à être vus et entendus, ils décident de se taire. Malheureusement, pour certains, définitivement. On s’insurgera quelques jours, on dira qu’il ou elle s’est « enlevé la vie » dans un euphémisme dégueulasse dont la société a le secret. Mais regardons les choses en face : on ne leur a laissé aucune chance de la vivre décemment… leur vie, c’est nous tous qui la leur avons enlevée. Ultimement.