Lorsque la vallée d'Irpin a été intentionnellement inondée en Ukraine en 2022 par l'armée du pays, la progression des Russes a été stoppée en quelques heures. Les Ukrainiens avaient en effet percé des trous dans un barrage, ce qui a permis de submerger d'eau des kilomètres de terrain en l'espace d'une nuit. Les tanks russes ont été abandonnés sur place, et certains experts se sont mis à parler de « guerre hydraulique ».

Voilà pourquoi des scientifiques ukrainiens proposent de restaurer les anciennes zones humides présentes le long de la frontière est du pays pour retarder l'avancement des troupes russes. Selon Oleksii Vasyliuk, de l'Académie Ukrainienne des Sciences, interrogé par Yale 360, « les inondations volontaires de la vallée d'Irpin sont devenues un symbole : celui du rôle de la nature pour nous défendre contre les envahisseurs ». Les preuves de son efficacité sont nombreuses depuis le début du conflit. Au nord-est de Kiev, les tourbièrestourbières n'ont nécessité aucune intervention humaine, rappelle l'Université américaine Yale : les véhicules se sont enfoncés dans le sol, certains ont été complètement engloutis comme dans des sablessables mouvants. La défense de l'Europe pourrait donc devenir largement « naturelle ».

La restauration des tourbières fait partie de plusieurs plans de protection

« L'Histoire humaine a montré que des batailles ont été perdues ou gagnées à cause des montagnes, des tourbières et des rivières, selon le Muséum d'Histoire naturelle de Lviv. Si nous avions renaturé la totalité de notre frontière, les Russes n'auraient même pas envisagé le fait d'attaquer notre capitale ». Du côté de la Pologne et de l'Allemagne, le constat est le même : la nature peut être un allié. L'armée allemande a d'ailleurs annoncé que la restauration des tourbières faisait partie de son plan de protection.

Selon l'Université Yale qui a eu accès à un rapport biélorusse, les zones de tourbières et de forêts humides permettraient de stopper 75 % des véhicules militaires le long des frontières ukrainiennes, polonaises, roumaines, finlandaises et allemandes. La Pologne a même invité des scientifiques à élaborer « un plan détaillé pour l'utilisation de l'environnement naturel comme frontière ».

Restaurer ces frontières naturelles, qui existaient auparavant et qui ont été drainées, présenterait deux avantages : celui de constituer une barrière de protection naturelle, et celui de séquestrer d'immenses quantités de CO₂. En dehors de la sécurité européenne, c'est donc aussi le climat qui en bénéficierait.