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Le 6 octobre dernier, à 11 h 51, Ruba Ghazal a envoyé un message sur mon fil Facebook. Elle était assise derrière un bureau, devant un mur de bois et un drapeau du Québec, cela faisait un peu appel à la nation.
« Chers progressistes du Québec, l’heure est grave. »
Voyez, elle ne me parlait pas qu’à moi, mais à tous les progressistes. Je me suis versé un autre café et me suis concentré sur ce qui était manifestement une urgence pour nous, gens de gauche.
« Nous vivons un virage du climat politique jamais vu au Québec. Les progressistes sont en train de se faire démoniser. On tente de nous faire porter la responsabilité de toutes les crises actuelles, alors que la gauche n’a jamais gouverné. »
Bon, il faut faire attention lorsqu’on dit « jamais vu au Québec ». Dans les années 1950, Duplessis accusait les libéraux d’être des communistes, puis René Lévesque fut décrit à la fois comme l’antéchrist, un terroriste et un nazi. Je pense qu’on peut dire que le premier gouvernement Lesage puis le premier gouvernement Lévesque étaient au moins aussi à gauche que les gouvernements provinciaux du Nouveau Parti démocratique, auxquels on ne dispute pas le label de gauche, mais je chipote.
Je suis renversé et scandalisé d’apprendre qu’on accuse les progressistes d’être responsables de « toutes les crises actuelles ». Les attentes en chirurgie ? La pénurie d’enseignants ? Le fiasco SAAQclic ? Cela m’avait échappé. Écoutons la suite.
« Cette stratégie alimente une véritable chasse aux sorcières, où les progressistes sont la première cible. Ça se manifeste de plusieurs façons. De la caricature de nos propositions en les déformant, jusqu’à de l’intolérance décomplexée qui se répand en ligne. »
Ah ça ! Si on ne supporte pas de voir caricaturer et déformer nos propositions, il ne faut pas faire de politique. C’est un peu comme un poisson qui aurait horreur de l’eau.
Ma collègue Christine Labrie a dû fermer sa page Facebook, dépassée qu’elle était par une vague d’attaques haineuses et homophobes. Même des journalistes se voient forcés de retirer leurs publications, envahies de commentaires racistes.
C’est terrible, la haine en ligne. Et c’est pire pour les femmes. Mais les progressistes sont-ils principalement visés ? L’historien Alexandre Dumas, très progressiste, a fait une petite recherche sur la multiplication récente des émojis moqueurs sur les pages et a conclu que les moqueurs formaient 9 % de l’ensemble des réactions sur la page Facebook du chef péquiste, 17 % du chef conservateur, 26 % du chef libéral, 29 % de la porte-parole solidaire, 38 % de celle du chef de la Coalition avenir Québec. L’heure serait donc encore plus grave pour François Legault.
Pour les journalistes, elle faisait référence à une publication de Hadi Hassin, de TVA, sur des graffitis antimusulmans. Lassé de masquer des commentaires, il a retiré son message. Je le comprends. Je connais un chroniqueur qui a cessé de publier, car il ne supportait plus les trolls. Je lui ai dit de les bloquer, tout simplement. C’est ce que Dumas recommande aussi aux solidaires qui ont des attachés politiques (ou des militants) qui peuvent s’y mettre. Il y a toujours la possibilité de fermer les commentaires. Sur X, je bloque l’insulte et la vulgarité (mais pas la contradiction), et j’en suis à 469. Je suis un petit bloqueur. L’ami Patrick Lagacé est rendu à 8248 ! Impressionnant.
Mme Ghazal continue : « Et pendant ce temps-là, certains chroniqueurs inventent des polémiques au lieu de s’attaquer aux vrais enjeux du Québec. C’est là que nous en sommes rendus. »
Je sais, je sais. Quand j’étais chef, j’avais la même opinion sur les choix de sujet des chroniqueurs. Mais on était rendus là depuis longtemps. Si c’est grave, ce n’est pas nouveau.
« Croyez-moi, j’aurais aimé ne pas avoir à vous dire ça, mais je tiens à être claire, nous ne céderons pas. Nous ne nous laisserons pas intimider par ceux qui instrumentalisent cette colère et s’en prennent aux progressistes pour détourner le débat des vrais problèmes. »
La suite est un appel à la mobilisation. J’en suis resté très perplexe. Les temps sont durs pour Québec solidaire, tous en conviennent. Mais ce positionnement en victime est extrêmement troublant. Si QS est dans la cave des sondages, ce n’est pas à cause des trolls ni des chroniqueurs. C’est parce que le parti a fait déguerpir son propre électorat à coups de démissions fracassantes (Catherine Dorion, Émilise Lessard-Therrien) et de propos toxiques (ceux du toujours député Haroun Bouazzi) et, par-dessus tout, avec l’abandon de Gabriel Nadeau-Dubois. Si même la figure la plus talentueuse du parti a perdu tout espoir de progrès et déclare forfait, comment s’étonner que les électeurs du parti se démobilisent ?
Rien de tout cela n’est la faute de Ruba Ghazal. Ni de ses députés (sauf un). Je suis pour ma part convaincu qu’il y a plus que 6 % des Québécois (leurs intentions de vote actuelles) qui croient que la crise du logement, l’aggravation de la pauvreté et de la crise alimentaire de même que la dégradation de la situation climatique, trois sujets portés avec constance et intelligence par les solidaires, méritent que cette voix soit entendue dans la cité et à l’Assemblée.
Et si j’ai un conseil à donner à ceux de mes amis progressistes qui sont à QS plutôt qu’au PQ, c’est de s’inspirer de l’excellente campagne publicitaire déployée ces temps-ci par l’Université de Montréal. Pour attirer étudiants et donateurs, elle fait la liste des crises auxquelles le monde fait face aujourd’hui et conclut : « l’heure est brave ». Nous n’avons pas besoin, à la tête de nos partis, de gens qui se posent en victimes. En plus, cela ne suscite pas l’adhésion. Il faut au contraire s’injecter, pour employer le néologisme créé par Ségolène Royal, une dose de « bravitude ».