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Sorti il y a tout juste 50 ans, le film de Steven Spielberg a durablement contribué à la mauvaise image du prédateur, limitant les efforts de préservation.
Des dents pointues et acérées, une taille gigantesque, un goût prononcé pour le sang... Voilà l’image que l’on se fait du requin depuis le film de Steven Spielberg, Les Dents de la mer (ou Jaws, “mâchoires”, dans son titre original). Le film est sorti dans les salles il y a 50 ans - le 20 juin 1975 aux États-Unis et le 28 janvier 1976 en France. Le monde découvrait alors sur grand écran Bruce, un terrifiant requin blanc qui s’attaquait aux baigneurs d’une station balnéaire de la côte est des États-Unis. Ce fut le premier film à dépasser la barre des 100 millions de dollars de recette.
Bien au-delà du simple divertissement, l’histoire a alimenté une phobie collective autour de l’animal. Les scientifiques parlent même d’«effet Jaws». «Elle a ancré l’image du requin mangeur d’homme», explique Théa Jacob, responsable pêche durable et espèces marines à la WWF. Pourtant, et c’est ce qui fait la force du film, le requin n’est presque jamais visible à l’écran du fait du manque de maniabilité de la réplique construite pour le tournage. Le prédateur est suggéré, et son invisibilité met le spectateur sous tension, aidé par la musique sourde de John Williams. Une mise en scène qui a alimenté l’aura effrayante du requin chez les spectateurs.
En pratique pourtant, on ne compte pas plus de 50 attaques de requins sur l’homme, dont seulement une dizaine sont mortelles. En comparaison, le lion tuerait 200 personnes par an, le chien 30 000 et le moustique 725 000 (par la transmission de maladies, essentiellement le paludisme). «Très souvent, les mythes sont déconstruits par les faits, la raison l’emporte. Dans le cadre du requin, ça n’est pas du tout le cas», observe François Sarano, océanologue et plongeur professionnel. Chaque année, des plages sont fermées après qu’un aileron de requin a été aperçu dans la mer, même quand cela est sans danger. «On s’étonne de voir un requin dans la mer... Demain on s’étonnera de voir un moineau à Paris», soupire l’océanologue.
Psychose collective
Cette psychose collective a des conséquences bien réelles pour les animaux.« Quand on redoute quelque chose, on le méconnaît d’autant plus car on ne veut pas aller à sa rencontre, on a peur. Cette peur conduit soit à la volonté de destruction, soit à l’indifférence», analyse François Sarano. «Tout ce qu’on dit sur les requins est basé sur un malentendu et la difficulté d’aller à leur rencontre rend impossible la réconciliation.» Théa Jacob rappelle même qu’«après le film, la chasse aux requins a significativement augmenté sur les côtes étasuniennes et on a observé un réel déclin de l’espèce». Et même si des scientifiques s’intéressaient aux requins, ils bénéficiaient de moins d’aides et de visibilité car «on ne percevait pas vraiment l’intérêt de préserver l’espèce». La militante écologiste poursuit : «comme on ne protège que ce que l’on connaît bien, cela a largement freiné les recherches et les mesures de préservation à son égard».
Or le requin est bien une espèce en danger. Une étude récente montre que sur les 50 dernières années, les populations vivant en haute mer ont chuté de plus de 70%. «Mais cela serait bien trop simpliste de tout mettre sur le dos du film», rappelle Théa Jacob. Chaque année, jusqu’à 100 millions d’individus sont tués par l’homme. En grande majorité à cause de la pêche et du commerce d’ailerons, qui sont utilisés uniquement pour parfumer des plats ou leur donner une certaine texture. «Pleins de morts absolument inutiles», s’attriste François Sarano. Le requin est aussi touché par le changement climatique car il affecte ses proies et le pousse à s’installer plus longuement dans de nouvelles zones, où les populations ne sont pas habituées à sa présence et, par conséquent, le craignent et veulent le tuer.
Renouer avec le vivant
En réalité, les rencontres avec des requins restent exceptionnelles. Le requin blanc en particulier est un animal très craintif. Les quelques cas documentés chaque année sont le plus souvent liés à la curiosité particulière de certains individus (car oui, les animaux aussi ont leur caractère propre). Rappelons aussi que la plupart des espèces de requins sont sans danger, et le plus souvent petits en taille. Nous sommes bien loin des montages ou des photos générées par lA laissant croire à des requins mesurant plusieurs dizaines de mètre et s’attaquant, par exemple, à des hélicoptères !
«Ce qu’il faut, c’est renouer avec le vivant», insiste François Sarano. «Apprendre à nommer les oiseaux, les poissons, les insectes autour de nous. Mais surtout, il faut avoir vécu ce dont on parle, ressentir notre lien avec le reste de la biosphère car la connaissance ne suffit pas.» L’ironie des faits est que, dans le film, les réels antagonistes ne sont pas tant le requin que certains hommes. Le maire, plutôt que de prendre des mesures de prévention, préfère sauver la saison touristique et ses retombées économiques. La responsabilité des morts dans le film n’est donc pas entièrement attribuable au requin. La mort des requins dans le monde réel, en revanche, est presque entièrement le fait des humains.