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Donner un prénom autochtone à son enfant pour préserver la langue

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En devenant mère, Alexann Petiquay tenait absolument à honorer ses racines. C’est à travers le prénom de ses enfants que la fille d’une mère innue de Mashteuiatsh et d’un père atikamekw de Wemotaci rend hommage à son identité.

C’est pour que mes enfants soient conscients de notre langue, d’où on vient. Je voulais qu’ils soient fiers de dire leur nom au complet, qu’ils conservent notre culture, confie Alexann Petiquay.

Sa fille Rosaly-Kuniss Petiquay-Ducasse est née il y a quatre ans. Quand je suis entrée à l’hôpital, c'était la première bordée de neige. C’étaient vraiment des petits flocons qui tombaient, se remémore-t-elle.

Kuniss signifie, dans une traduction libre, petite neige qui tombe doucement.

Une mère et ses trois enfants.

Alexann Petiquay est la maman de trois enfants.

Photo : Radio-Canada / Annie-Claude Brisson

Enceinte de son dernier garçon, la mère qui réside à Roberval a rêvé que son grand-père tenait un bébé dans ses bras aux côtés d’un ours. Son mushum (grand-père) répétait le nom d’Haythan-Moïse.

J’avais peur. Avant de tomber enceinte de mon garçon, j'ai fait une fausse couche. J’avais peur que ce soit le bébé qui soit parti, confie-t-elle.

Le prénom s’est imposé lorsqu’elle a eu la confirmation qu’elle attendait bel et bien un garçon.

Un bébé.

Le prénom d’Haythan-Moïse Mashkuss est apparu lors d’un rêve.

Photo : Radio-Canada / Annie-Claude Brisson

Lors de l’accouchement, la mère d’Alexann a appelé son petit-fils petit ours. Sa kukum (grand-mère) a ensuite confirmé la pertinence et la symbolique du nom d’Haythan-Moïse Mashkuss Petiquay-Ducasse.

Une pratique importante

L'attribution de prénoms traditionnels est saluée par le professeur en linguistique à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) Vincent Collette.

C’est fortement symbolique. C’est un pied de nez au système des écoles résidentielles qui interdisait les noms autochtones et qui remplaçait les superbes noms autochtones par des Jean, des Marie, des Pierre et Joseph, expose-t-il.

C’est un mouvement qui est plus culturel que linguistique. C’est un mouvement de décolonisation.

Le spécialiste des langues autochtones canadiennes fait toutefois remarquer les limites de cette pratique. Ce n’est pas suffisant pour maintenir les langues autochtones fragilisées en vie.

Quand les parents se mettent à donner des prénoms autochtones, c’est qu’ils sont en train d’essayer de se réapproprier une langue. C’est comme un signe que la langue est en train de se perdre, estime-t-il.

Une langue mal en point

À peine quelques dizaines des 2128 résidents de Mashteuiatsh, la seule communauté autochtone du Lac-Saint-Jean, parlent encore le nehlueun, un dialecte innu.

Le nehlueun se retrouve en bien mauvaise posture, selon M. Collette, notamment en raison du faible nombre de locuteurs et de leur âge. Il y a certaines familles où la langue s'est maintenue tant bien que mal. Il y a très peu de personnes en bas de 40-50 ans qui vont parler la langue, pratiquement pas d’enfants non plus, explique-t-il.

Un homme devant son bureau.

Vincent Collette est spécialiste des langues autochtones canadiennes.

Photo : Radio-Canada / Claude Desbiens

Cette réalité touche particulièrement les communautés autochtones ancrées en milieu semi-urbain. Dès le 19e, parfois même le 18e siècle, ils vont avoir été en contact avec des allochtones. Il y a beaucoup d'intermariages. La langue qui va primer, c’est celle de la communauté socioéconomiquement dominante et non pas les langues autochtones, précise-t-il.

Toutes les langues autochtones vont souffrir d’être trop près de n'importe quel centre urbain. C’est une tendance qui n'existe pas juste ici, mais à plusieurs autres places dans le monde.

Le second registre de Tadoussac.

Le second registre de Tadoussac.

Photo : Radio-Canada / Claude Desbiens

Responsable du nehlueun au Katakuhimatsheta, le conseil des élus de Mashteuiatsh, Sylvie Langevin reconnaît que la langue traditionnelle parlée à Mashteuiatsh est malmenée.

C'est plus difficile comparé aux autres communautés innues, mais la langue est encore vivante. On a peut-être une centaine de locuteurs qui la parlent couramment. On a vraiment beaucoup d’apprenants, expose la membre de l’assemblée d’élus.

Une femme devant le lac Saint-Jean.

Sylvie Langevin comprend un peu le nehlueun, mais ne parle pas beaucoup la langue de ses ancêtres.

Photo : Radio-Canada / Claude Desbiens

L’élue s’est toujours intéressée à la langue de sa communauté. Elle comprend un peu le nehlueun, mais ne le parle pas beaucoup.

J’ai quand même un bon bagage de nehlueun. Dans ma famille, on ne parlait pas tant la langue, mais j’étais très intéressée. Je m'aperçois que, dans ma famille, je suis un peu une référence. Ils me questionnent et je suis souvent capable de répondre à leurs questions.

En raison de sa connaissance du nehlueun, elle a récemment été consultée pour déterminer le prénom d’un enfant à naître.

Mon frère travaille avec une dame, puis pendant qu'elle était enceinte, elle s'est fait piquer plusieurs fois par des abeilles. Il lui a dit qu’elle devrait appeler son enfant petite abeille, raconte-t-elle. Il m'a demandé comment on dit ça. C'est amuss. Amu c'est abeille. Amuss, c'est petite abeille.

Quand je vais rencontrer cet enfant-là, je vais avoir un lien avec lui

Cette action symbolique permet, selon elle, de garder le nehlueun vivant.

On accumule du vocabulaire avec le prénom des enfants. Souvent, ça a une signification. Je trouve ça beau, le lien. Souvent, les parents qui veulent donner un prénom innu vont demander aux aînés, ça doit être une fierté pour eux autres aussi, dit-elle.

Un panneau d'arrêt.

Il y a de plus en plus d'affichage officiel en nehlueun à Mashteuiatsh.

Photo : Radio-Canada / Claude Desbiens

Elle se réjouit des actions mises en place à Mashteuiatsh pour réapprendre la langue collectivement. Mme Langevin cite en exemple l’implication de la radio communautaire et des organismes, l’augmentation de l’affichage en nehlueun et une plus grande ouverture de la part des allochtones.

Il y a des gens qui ne sont pas autochtones qui veulent apprendre notre langue. Ça nous touche beaucoup.

Un plan de revitalisation de la langue a d’ailleurs été mis en place dans la communauté autochtone qui longe le Piekuakami, mais les subventions ne sont pas suffisantes, déplore l’élue.

Ce n’est pas toujours à la hauteur de nos besoins. Il faut faire des choix, on aimerait faire le plus d'actions possible, mais il faut choisir les plus payantes, constate-t-elle.

Des langues difficiles à apprendre

La seule façon d’arriver à réellement maîtriser une langue autochtone passe par le contact prolongé avec les locuteurs, selon Vincent Collette. Les cours sont une avenue improbable, croit le professeur en science du langage.

C’est impossible de même avoir une conversation, un tant soit peu, qui soit non basique. Il faut s’enlever ça de la tête. Le problème avec la revalorisation des langues autochtones, c’est que ça représente tout d’un coup un bon business pour les gens qui font des applications, soutient-il.

Tout le monde veut faire des applications en faisant accroire aux gens qu’on va pouvoir leur faire reparler leur langue ancestrale. C'est de la poudre aux yeux.

Vincent Collette explique qu’il faut d'abord comprendre la logique derrière le nehlueun. On y trouve deux genres : animés ou inanimés. Le verbe se conjugue selon le genre de l’objet direct. Deux sortes de nous qui incluent, ou pas, la personne à qui on parle.

Il y a une certaine régularité. On peut incorporer le nom dans le verbe pour chasser l’orignal, le castor, pour faire des pièges à castor. Tu n’as pas besoin d’avoir le nom à l’extérieur, il est incorporé dans le verbe, illustre-t-il.

La pandémie de COVID-19 a sonné le glas de plusieurs langues autochtones, dont il ne restait qu’une poignée de locuteurs. Vincent Collette cite en exemple le cas d’une langue parlée dans l’Ouest canadien. Il ne restait que trois locutrices, puis deux d’entre elles sont décédées pendant la pandémie. Les autres personnes qui étaient familières avec la langue n’étaient pas en mesure de converser.

Le temps est compté pour plusieurs autres langues, soutient M. Collette.

Sauver, c’est un terme qui dépasse nos compétences. Ce n'est pas mon travail. Mon travail, c’est de documenter, et il faut faire vite.

Pour garder une langue en vie, ça prend une communauté de locuteurs. Quand il ne reste plus de locuteurs, on ne peut plus documenter non plus. Même les gens qui se souviennent de la langue ou qui sont des semi-locuteurs ne sont pas assez compétents pour pouvoir documenter, expose-t-il.

Un dictionnaire de nehlueun en création

Le linguiste travaille à la réalisation d’un premier dictionnaire du nehlueun depuis quelques mois. Même si les locuteurs sont encore très très compétents, on doit faire vite. On a un sacré travail à faire, résume M. Collette.

La communauté de Mashteuiatsh.

Le nehlueun est le dialecte de l’innu parlé à Mashteuiatsh.

Photo : Radio-Canada / Claude Desbiens

Le projet réalisé en collaboration par le conseil de bande et l’UQAC permettra de garder une trace du nehlueun. Les experts ont notamment accès à des archives audio remontant aux années 1940 afin de bien documenter le dialecte, qui est le plus conservateur de la famille innue.

Il y en a pour la vie de deux, trois linguistes. C’est le chaînon manquant de la dialectologie des dialectes cris et innus. Pour nous, c’est vraiment une chance inouïe qu’on a de pouvoir travailler sur ce dialecte-là. On retrouve des archaïsmes qui nous plaisent, mais qui ne font pas de différence pour le locuteur, résume-t-il.

Décoloniser les prénoms à travers la lecture

Membre de la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh, Joannie Gill souhaitait, à travers une trilogie dédiée à un lectorat jeunesse, faire ressortir la symbolique, les raisons et la démarche derrière l’attribution de prénoms traditionnels.

C’est vraiment une façon de se réapproprier nos symboles dans les langues traditionnelles autochtones. Comment les gens se réapproprient leur prénom traditionnel? Qu’est-ce que ça signifie pour les parents? Qu'est-ce que ça signifie pour la personne qui le porte?

Joannie Gill.

Joannie Gill a écrit deux livres sur les prénoms traditionnels autochtones.

Photo : Radio-Canada / Claude Desbiens

Née d'un père innu et d’une mère québécoise, elle a appris le nehlueun comme première langue seconde après le français. C’est un peu partout dans la communauté qu’elle a été exposée à la langue.

On ressort beaucoup de vocabulaire à la maison, à l’école et dans la communauté. Je fais un processus de réappropriation de la langue. Avec mes enfants, on parle le nehlueun avec plaisir. On l’utilise de façon quotidienne le plus possible. C’est une langue riche et importante qui fait partie de notre identité.

Le livre Mikuniss, ma petite soeur.

« Mikuniss, ma petite soeur » est le premier livre de la trilogie de Joannie Gill.

Photo : Radio-Canada / Claude Desbiens

Bien qu’elle n’habite pas en communauté autochtone, la mère de famille de 36 ans a fait le choix d’inscrire ses filles de 7 ans et 9 ans à l’école à Mashteuiatsh afin qu’elles apprennent la langue.

Le nehlueun est présent dans la vie familiale et dans la vie communautaire, mentionne-t-elle.

De par mon travail, qui je suis, j’aborde les enjeux [de la langue] de plein front. Mes filles le voient à travers ce que je fais. Elles sont de plus en plus conscientes des risques de disparition des langues traditionnelles autochtones.

Joannie ou Shuanie

Joanie Gill s’est elle-même lancée dans un processus de réappropriation de la langue. Elle a en quelque sorte autochtonisé son prénom. Elle explique que puisqu’il n’y a pas d’équivalence au J dans l’alphabet innu, c’était également une façon pour elle de se démarquer.

Ma façon d’avoir ma touche personnelle, c’est de me réapproprier mon nom avec l’alphabet innu. Maintenant, c’est Shuanie que j’utilise sur Facebook. Dans la vie de tous les jours, il y en a qui m'appellent Shu, Shuanie, mais la plupart m'appellent Joannie. Ce sont tous des noms que j’accepte.

Le premier tome de la trilogie de Joanie Gill, Mikuniss, ma petite soeur, est inspiré du prénom de sa fille cadette, Abigaelle Mikuniss. On raconte d’où vient ce prénom, ce que ça veut dire et comment elle le porte aujourd’hui. C’est un livre qui est très personnel.

Avec Cousine Konissa, Joannie Gill explore la Première Nation Atikamekw. Une autre Première Nation sera mise à l’honneur dans le dernier ouvrage de la trilogie.

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