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Respectivement nées en 1997 et 1994, Laurence Florisca Rivard et Florence Chadronnet ont grandi dans la mouvance du mouvement #MeToo, né aux États-Unis en 2006, et de son impact social. S’intéressant aux zones grises morales, elles proposent des romans qui font mouche et ne laissent pas indifférent.
Donner voix aux victimes collatérales

Premier roman de Laurence Florisca Rivard, «Implosion» arrive en librairies le 3 septembre.
Photo : Radio-Canada / Valérie Lessard
Implosion, c’est la bombe qui fait voler en éclats le quotidien et les certitudes de Katlyn, Charles et Clémence. Cette bombe prend la forme d’une nouvelle en manchette : trois femmes dénoncent Sébastien pour agressions sexuelles.
Sébastien est un joueur de tennis en pleine ascension, à l’avenir plus que prometteur sur le circuit professionnel.
Il est surtout le fils de Katlyn, le meilleur ami de Charles et l’amoureux de Clémence.
Dans son premier roman, Laurence Florisca Rivard a donc délibérément choisi de faire vivre l’onde de choc de ces accusations portées publiquement dans les vies personnelles et professionnelles de la mère, du meilleur ami et de la blonde de l’agresseur.
Il y a des failles dans ma relation avec Sébastien auxquelles je n’ai jamais fait face. Il y en a malgré moi. Ça m’est apparu tout à l’heure en l’observant manger goulûment son repas, comme si rien de grave n’était en train d’arriver. Comme si les trois filles existaient dans un monde parallèle au sien.
Victimes collatérales, Katlyn, Charles et Clémence se questionnent sur leurs rôle et responsabilité dans ce drame. Ils doivent surtout choisir un camp : couper les ponts ou rester aux côtés de Sébastien? Le croire, lui, ou croire les trois femmes qui l’accusent?
Trancher n’est pas nécessairement facile pour la mère, l’ami et l’amoureuse. Dès que l’affaire éclate, elle sème les graines du doute, si bien que les trois revisitent chaque geste, chaque parole, chaque silence, chaque moment partagé avec Sébastien pour en interpréter les réelles portées.
Car comment penser son fils capable de tels crimes? Comment assumer qu’on aurait pu aider son ami à abuser d’une femme sans le savoir? Comment accepter que son chum ait eu envie ne serait-ce que d’une autre femme, quand on s’abandonne à ses moindres envies?
Répondre à ces questions réclame également de Katlyn, Charles et Clémence qu’ils revisitent leurs propres trajectoires, désirs et zones d’ombre.

Laurence Florisca Rivard confronte la mère, le meilleur ami et l’amoureuse de l’agresseur à leurs propres zones d’ombre.
Photo : Offert par Éditions Héliotrope / Julia Marois
Avec beaucoup d’empathie pour ses personnages, Laurence Florisca Rivard alterne les points de vue, les remises en question, les émotions et les prises de position.
Cette alternance rend certes la chronologie des événements moins fluide par moments, mais elle démontre de manière concrète et percutante les répercussions des dénonciations sur les proches des agresseurs.
La primo-romancière nous renvoie d’ailleurs habilement la question à la volée : que ferions-nous, si nous étions dans les souliers de Katlyn, de Carl ou de Clémence?
Elle marque ainsi le point, faisant d’Implosion une lecture aussi nécessaire que décillante.
Tenter de reprendre le contrôle

«Reprise» de Florence Chadronnet fait partie des premiers titres de la nouvelle maison d’édition québécoise Ventricule gauche.
Photo : Radio-Canada / Valérie Lessard
Avec Reprise, Florence Chadronnet nous entraîne dans une histoire hautement troublante : celle d’une femme de 28 ans qui, 10 ans après avoir dénoncé le prof de français dont elle a été la maîtresse à l’adolescence, devient l’amante de l’avocat qui a envoyé en prison le prof en question.
Élisabeth avait 13 ans lors de ses premiers échanges secrets avec son enseignant de première secondaire, âgé pour sa part de 31 ans. Elle en avait presque 18 quand elle porte plainte contre lui; 20 quand le procès débute.
Écrite au « je », l’histoire de ce perturbant triangle amoureux se déploie en courts fragments alternant efficacement entre hier et aujourd’hui. Entre la relation amoureuse qu’Élisabeth a entretenue avec son prof du secondaire, à l’époque, et celle qu’elle noue avec celui qui pourrait maintenant être un collègue ou un adversaire à la cour.
Car depuis, l’héroïne de Florence Chadronnet est elle-même devenue avocate. Et c’est justement dans les couloirs du palais de justice qu’elle recroise celui qui a plaidé sa cause, une dizaine d’années plus tôt. Un procureur lui aussi beaucoup plus âgé qu’elle – il frôle la cinquantaine – et lui aussi marié et père de famille.
Un homme qui, tout à coup, la trouve lui aussi plus femme. Et qu’elle désire voir céder à ses avances aujourd’hui.
Je comprends les enjeux, je comprends ce que tu risques, cela revient toujours au même. Mettre en péril ta famille, ton travail, ta réputation, comme l’ultime preuve, peut-être la seule qui ne laisse place à aucun doute (sur ton désir, sur ma valeur).
Florence Chadronnet présente les événements sans fioriture, toujours du point de vue d’Élisabeth. Cette dernière ne cherche pas vengeance, ni à dénoncer : elle constate et fait état, presque de manière clinique, de leurs contrecoups.
Car Élisabeth n’est pas sortie indemne des lits de motels miteux et des fantasmes partagés avec son enseignant. On le comprend rapidement, d’ailleurs, à lire comment elle surveille constamment son poids, par exemple, et comment son besoin de plaire, voire de satisfaire aux attentes de son partenaire, est sans l’ombre d’un doute teinté par ce qu’elle a vécu.

Avocate et autrice, Florence Chadronnet présente les faits, toujours du point de vue de son personnage, pour exposer crûment les jeux de pouvoir et de séduction.
Photo : Offert par Ventricule gauche
L’autrice témoigne sans juger de la lutte de sa protagoniste à assumer ses pulsions et obsessions, ses propres aveux et objections, ses décisions et leurs conséquences. Elle rend compte de la volonté féroce d’Élisabeth de ne pas être perçue comme une victime – ni de se percevoir comme telle.
Il va sans dire que la lecture de Reprise confronte et provoque souvent des malaises par tout ce qu’elle expose crûment, lucidement des jeux de pouvoir et de séduction. Des manipulations émotionnelles et des abus physiques, aussi, laissant des marques sur les corps, mais encore plus profondément sur les âmes.
Résultat? Comme Élisabeth, on ne sort pas indemne de ce roman.