Et si la parade nuptiale des moustiques devenait leur point faible ? C’est exactement ce que des chercheurs viennent de réussir, grâce à un champignon génétiquement modifié capable de tuer les moustiques… pendant l’accouplement. Une stratégie révolutionnaire qui pourrait transformer la lutte contre le paludisme, une maladie qui tue plus de 600 000 personnes chaque année.
Un tueur invisible, transmis par amour
La scène se déroule au cœur de l’Afrique subsaharienne, là où le paludisme fait encore des ravages, en particulier chez les jeunes enfants. Jusqu’à présent, la lutte contre les moustiques vecteurs de la maladie reposait sur des moustiquaires, des répulsifs ou des insecticides. Mais ces méthodes sont de moins en moins efficaces : les moustiques apprennent à les éviter ou développent une résistance.
C’est là qu’intervient une idée audacieuse : détourner leur comportement sexuel à des fins de lutte biologique. Une équipe de chercheurs, dirigée par Raymond St. Leger de l’Université du Maryland, a mis au point un champignon transmissible sexuellement, conçu pour infecter les moustiques lors de l’accouplement.
Ce champignon, une version modifiée du Metarhizium, est totalement inoffensif pour l’Homme, mais redoutablement efficace contre les moustiques. Il ne s’attaque qu’aux femelles — celles qui piquent et transmettent le paludisme — et les tue de l’intérieur.
« Les moustiques sont les animaux les plus meurtriers au monde. On estime qu’à eux seuls, en transmettant des maladies, ils ont tué la moitié des êtres humains ayant jamais vécu », explique Raymond St. Leger, principal auteur de l’étude. « Être capable d’éliminer les moustiques rapidement et efficacement sauvera des vies partout dans le monde. »
Une efficacité spectaculaire sur le terrain
Lors d’essais sur le terrain menés au Burkina Faso, les résultats ont été sans appel : près de 90 % des moustiques femelles ayant copulé avec des mâles porteurs du champignon sont mortes en moins de deux semaines, contre seulement 4 % dans le groupe témoin. De plus, les mâles infectés peuvent continuer à transmettre le champignon pendant 24 heures, permettant à un seul individu de contaminer plusieurs partenaires.
Fait intéressant : la présence du champignon ne semble pas freiner les ardeurs des femelles. Le taux d’accouplement reste stable, ce qui maximise l’efficacité de cette approche. Et ce n’est pas tout : une fois infectés, les moustiques deviennent aussi plus sensibles aux insecticides, renforçant les effets des méthodes classiques.

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Crédits : Pawich Sattalerd/istockUne stratégie qui s’appuie sur l’instinct
Ce qui rend cette approche si prometteuse, c’est qu’elle ne cherche pas à contourner les comportements naturels des moustiques, mais à les exploiter. Plutôt que de tenter de les éloigner ou de les empoisonner de manière brute, les chercheurs ont choisi une tactique plus subtile : les laisser faire ce qu’ils font déjà… mais en transformant cette action en vecteur de destruction.
« Il s’agit d’une véritable course aux armements entre les moustiques et nous », explique Raymond St. Leger. « Cette fois, nous utilisons leur propre biologie contre eux. »
Contrairement aux pesticides, qui entraînent une pression sélective et des résistances génétiques, ce champignon s’intègre dans le cycle de vie des insectes. Cela rend beaucoup plus difficile l’émergence d’une résistance.
Un avenir prometteur, mais encore à affiner
Le champignon Metarhizium est déjà utilisé en agriculture contre d’autres insectes, ce qui facilite sa réglementation et son déploiement. Toutefois, cette version « moustique-spécifique » reste encore en phase de test. Les chercheurs devront s’assurer que l’approche reste sûre, efficace et durable à grande échelle, notamment en dehors des environnements contrôlés.
Mais cette avancée montre à quel point la science peut se montrer créative face à des défis anciens. En utilisant la nature contre elle-même, les scientifiques offrent un espoir concret pour réduire la transmission de maladies mortelles… en transformant les moments les plus intimes des moustiques en pièges fatals.