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Dans la bibliothèque de Taiaiake Alfred : « décoloniser pour comprendre »

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Dans la bibliothèque de Taiaiake Alfred, les livres de réflexion sur la colonisation et sur la décolonisation, que ce soit au Canada, aux États-Unis, en Afrique ou ailleurs, occupent une place prépondérante. Normal : ils nourrissent depuis longtemps cet écrivain et philosophe kanien'kehà:ka (mohawk) de Kahnawà:ke.

Le premier livre que Taiaiake Alfred sort de sa bibliothèque porte forcément sur sa communauté. Difficile à louper avec son rouge vif et son grand format, Kahnawake – Une vision mohawk du Canada – Les aventures de Big John Canadian, publié en 1985 et rédigé par Johnny Beauvais, est peut-être l'un des premiers livres sur cette communauté écrits par une personne de Kahnawà:ke, ce dont nous étions fiers, explique Taiaiake Alfred.

Selon lui, Johnny Beauvais est un conteur, spécialiste de l’histoire orale, qui a collectionné un grand nombre de récits sur les évènements et les personnages importants, un peu comme des histoires de famille de cette communauté mohawk près de Montréal.

Le livre Kahnawake de Johnny Beauvais est posé sur une table.

Le livre Kahnawake de Johnny Beauvais, que possède toujours Taiaiake Alfred.

Photo : Gracieuseté : Ashley Seymour

Taiaiake Alfred n’est pas un collectionneur. Il ne garde que les livres importants, dans lesquels il aime replonger pour une citation, une réflexion, une sorte de talisman, dit-il en souriant. Il vit entre Victoria, en Colombie-Britannique, et Kahnawà:ke, au Québec, où il revient s’installer. Depuis 2019, il est d’ailleurs à la tête d’un projet de gouvernance dans sa communauté afin de la sortir de la Loi des Indiens et de rétablir leur forme traditionnelle de gouvernement.

II n’a pas besoin de chercher longtemps pour attraper un des nombreux titres de son auteur préféré : l’écrivain uruguayen Eduardo Galeano, dont il aime l’approche créative de l’histoire. Mais il aime aussi Hemingway.

Actuellement, il lit Native Nations – A Millennium in North America, de Kathleen Duval, qui rejoint, selon lui, un livre qu’il a lu il y a 30 ans : Hidden Cities – The Discovery and Loss of Ancient North American Civilization, de Roger G. Kennedy.

Ce dernier ouvrage l’a époustouflé, car il évoque notamment la complexité et l’évolution des cultures et des peuples autochtones ainsi que la manière dont ils ont été niés et effacés consciemment. C’est un élément fondamental auquel nous devons faire face à propos de qui nous étions et de qui nous sommes. Ces deux livres sont très importants pour moi en ce moment!

Je tiens à écouter, à lire différents auteurs pour voir leurs motivations, leur style, leur méthode. Quand je suis attiré par un auteur en matière d’expérience vécue, alors je fais appel à son œuvre.

Malgré son passé militaire, Taiaiake Alfred indique pourtant qu'il n'organise pas vraiment sa bibliothèque. En haut, près d’une tresse de foin d’odeur et d’un panier tressé, on trouve de grands livres sur l’art, sur le vin, sur la nature sauvage des Adirondacks, des livres qu’il lit actuellement, et, plus bas, les historiques, les références dont il a besoin. Une autre bibliothèque, dans une autre pièce, contient davantage de romans de fiction, des livres plus divertissants.

Un ensemble de livres posés côte à côte.

Quelques-uns des livres importants de Taiaiake Alfred.

Photo : Gracieuseté : Ashley Seymour

Parmi ses livres d’art, il y a celui sur Cornelius David Krieghoff, un peintre canadien populaire du XIXe siècle, qui était établi à Montréal et qui a peint de nombreuses toiles représentant des peuples autochtones. Une grande partie de son travail était à Montréal, à Kahnawà:ke. Mais il y en a aussi de Robert Griffin, un non-Autochtone américain dont le travail a consisté à recréer les XVIIe et XVIIIe siècles en Amérique du Nord avec un accent sur les Haudenosaunee. Taiaiake Alfred aime tellement l'art de cet artiste qu’il a utilisé une de ses œuvres pour son livre Wasàse.

La littérature autochtone vient de l'authentique

Définir la littérature autochtone n'est pas évident, explique-t-il. En effet, quand il a commencé à faire de la politique et à travailler sur ces questions, les auteurs autochtones étaient peu nombreux. On pouvait presque tous les nommer, précise-t-il en citant par exemple le Métis Howard Adams, le Nakota Vine Deloria Jr., la membre de la nation Stó꞉lō Lee Maracle, celle de la Première Nation Syilx, Jeannette Armstrong, ou encore l’auteure métisse Maria Campbell.

Puis, la littérature autochtone a explosé depuis les années 1980-1990, entraînant avec elle le problème du faux Autochtone et de l’auto-identification, déplore Taiaiake Alfred. Cette littérature a été définie par des auteurs-fraudeurs qui ont façonné la perception du public et même des peuples autochtones eux-mêmes, explique-t-il.

Dans l’esprit des gens, se désole-t-il, elle est associée à l’écrivain Joseph Boyden, qui revendique des origines autochtones contestées, et à d’autres qui trouvent écho auprès des Canadiens.

Le public canadien veut avoir de la littérature à lire et à laquelle s’identifier sur ce thème. Il veut de la douleur autochtone, de la rédemption. Il veut qu’elle reflète ce qu’est la réconciliation. Une écriture qui ne rentre pas dedans ne fait pas vraiment l’objet d’attention, assure Taiaiake Alfred.

Est-ce de la littérature autochtone ou de la littérature canadienne sur des thèmes autochtones que les Canadiens veulent consommer? questionne-t-il.

Difficile aussi de définir la littérature autochtone, car elle est vaste, mais il est certain d'une chose : elle doit provenir d’un endroit qui soit authentique pour les peuples autochtones et qui réponde à un besoin de la communauté. Un des meilleurs exemples pour lui est l’auteur et interprète autochtone Tomson Highway.

Les inspirations Fanon et Vine Deloria Jr.

Les travaux de ce philosophe et écrivain se concentrent sur la gouvernance et sur la décolonisation des peuples autochtones. En plus des enseignements transmis oralement dans sa communauté, deux auteurs l'ont influencé pour développer sa perspective politique : le Martiniquais Frantz Fanon et le membre de la Première Nation Nakota (Sioux) Vine Deloria Jr.

Le psychiatre et militant anticolonialiste Frantz Fanon est fondamental en matière de travail pour Taiaiake Alfred. C’est une lecture très captivante, bien écrite. J’aime cette franchise. Je n’aime pas le langage fleuri ni l’utilisation excessive de mots et de phrases.

Le livre Les damnés de la Terre en version anglaise.

Les damnés de la Terre, de Frantz Fanon, est un des livres qui inspirent le plus Taiaiake Alfred.

Photo : Gracieuseté : Ashley Seymour

Deux de ses livres font d'ailleurs partie du top-3 des livres les plus influents pour lui : Peau noire, masques blancs et Les damnés de la Terre. Cette autoréflexion et sa position au sujet du colonialisme m’ont vraiment frappé et j’ai passé beaucoup de temps à y réfléchir, indique-t-il.

L’autre auteur prépondérant est Vine Deloria Jr., qui faisait déjà partie de ses références à l’adolescence.

Vers la fin des années 1970, dans la foulée de l’American Indian Movement (AIM), le Red power – un groupe d’émancipation emblématique sur le continent nord-américain –, Taiaiake Alfred a choisi d'étudier pour son projet final de secondaire 5 Custer Died for Your Sins – An Indien Manifesto, de Vine Deloria Jr., publié en 1969. Ce livre, qui figure aussi dans son top-3, a fortement contribué à attirer l'attention sur le sort des Premières Nations.

Ce choix, fait dans une école de Jésuites, a été un moyen d’introduire cette forme de littérature dans les discussions. Ce fut une porte d'entrée vers la littérature et vers toute l’idéologie de ce militantisme autochtone que je continue de suivre, précise-t-il.

Plus tard, il a rencontré Vine Deloria Jr., qui l’a conseillé à la fin des années 1980 au cours de leurs échanges épistolaires, dont Taiaiake Alfred a gardé les lettres. Puis il s’est joint à lui lors d’une conférence sur la pensée décoloniale autochtone aux États-Unis, autre moment marquant.


Le dernier livre acheté?

The Creative Act de Rick Rubin (un célèbre producteur de musique connu non seulement pour avoir collaboré avec les Beastie Boys, Metallica et les Red Hot Chili Peppers mais aussi pour avoir sculpté le son des fameux albums crépusculaires de Johnny Cash). Il a écrit un livre sur son approche de la créativité, presque comme une déclaration philosophique.

Je viens aussi de me procurer Thirteen Days in September – The Dramatic Story of the Struggle for Peace, de Lawrence Wright. C'est un des classiques de l’époque où Jimmy Carter a réussi à réunir deux parties en guerre au Moyen-Orient. Je fais le lien avec mon travail à Kahnawà:ke, qui implique une médiation et une tentative de concilier deux positions.

Votre premier livre?

Le premier livre que j’ai lu en entier était How Green Was My Valley (Qu'elle était verte ma vallée), de Richard Llewellyn, sur des mineurs gallois. J’étais alors à l’école privée jésuite pour garçons dans les années 1970 et ce livre nous avait été assigné. Je devais avoir 14 ans. Je me rappelle l’avoir lu de bout en bout. J’avais déjà lu des livres auparavant, mais c’est celui qui reste gravé dans ma mémoire. Depuis, je me suis beaucoup intéressé à la fiction historique. J’aime ces histoires qui me renseignent sur une époque et sur un lieu, sur la manière dont on vivait à ce moment-là.

Petit, aviez-vous accès à des livres écrits par des Autochtones?

Pas que je me souvienne. Je suis allé à l’école de ma communauté et j’ai suivi un programme normal. Je ne me souviens pas d’une grande tradition littéraire ni d’avoir été encouragé à lire autant, même si cela ne m’a pas non plus découragé. Ma mère et ses sœurs ont toujours été de grandes lectrices, surtout pour le fantastique, le roman et la fiction. Ma mère lit tous les jours, plutôt des livres du genre romantique. À l'école secondaire, j’ai été attiré par des livres philosophiques et historiques, mais je ne me rappelle pas qu’il y ait eu un auteur autochtone.

Lors du mouvement de Wounded Knee, en 1973 [NDRL : l'American Indian Movement et des membres de la tribu Oglala Sioux ont occupé le village de Wounded Knee dans le Dakota du Sud pendant 71 jours en signe de protestation contre le gouvernement fédéral américain], certains de mes proches et de nombreuses personnes de Kahnawà:ke y sont allés.

Taiaiake Alfred tient trois livres dans ses mains.

Le livre à l'avant-plan, un peu abîmé, est probablement un des premiers qu'il a eus en main. C'était sur les événements de Wounded Knee, en 1973.

Photo : Gracieuseté : Ashley Seymour

Je me souviens avoir regardé encore et encore un livre de mon père. Je n’avais que neuf ans. Il avait été publié par un groupe d'Akwesasne très attaché à l’identité nationale, à l’éducation et à la diffusion de nos connaissances. C’était un reportage photographique [sur cette occupation, un moment marquant du militantisme autochtone].

Un livre qui revient toujours dans vos mains?

Jours et nuits d'amour et de guerre, d’Eduardo Galeano. J’adore son style, son phrasé, sa langue. J’adore le fait qu’il soit autobiographique mais qu’il s’agisse aussi d’un voyage dans l’histoire de la répression et de la libération en Amérique latine. Même si Galeano n’était pas autochtone, il écoutait la voix du peuple en le présentant avec authenticité. Il n’écrivait pas en tant que romancier, ne se conformait pas aux normes et à l’approche d’un roman. Il parlait comme les gens parlent. C’est concis et ça dit ce que ç'a à dire.

Il y a aussi Les veines ouvertes de l'Amérique latine de cet écrivain uruguayen, qui est une analyse critique plus standard du capitalisme en Amérique latine. J'aime la construction de ses œuvres, qui correspond à ma façon de penser. Mes livres, même les travaux universitaires et universitaires que j'ai réalisés, en sont influencés.

Des livres que vous emporteriez sur une île déserte?

Si je devais en choisir trois, je commencerais par God Is Red – A Native View of Religion, de Vine Deloria Jr., car il s’agit d’une étude très approfondie des traditions et des enseignements spirituels et philosophiques autochtones et de la différence entre ceux-ci, d'une part, et la philosophie et la religion occidentales, d'autre part. On peut le lire à répétition et en tirer chaque fois quelque chose. Donc, je pourrais passer des années avec ce bouquin sur une île déserte.

Ensuite, un livre d’Ernest Hemingway, et comme je serais sur une île déserte, il devrait être très volumineux. Je choisis donc The Collected Short Stories. Toutes ses nouvelles sont bonnes, en plus de ses romans célèbres.

Enfin, je vais opter pour un livre dans un registre différent : The Masks of God Primitive Mythology, de l’Américain Joseph Campbell. C’est un travail fascinant. Peut-être que je devrais aussi emporter un livre de poésie de Pablo Neruda. C’est difficile de choisir. Les deux me divertiraient à l'infini.

Des livres incontournables de la littérature autochtone à recommander pour comprendre, pour apprendre, et qui se trouvent dans votre bibliothèque?

I Am Woman – A Native Perspective on Sociology and Feminism, de [la militante et écrivaine autochtone] Lee Maracle. De tous ses livres, je préfère celui-ci, parce que c’est une prise de position très claire sur la misogynie, le patriarcat, la souffrance des femmes et des enfants des sociétés autochtones, en particulier à cause du colonialisme. C'est une déclaration contre cela, mais c'est aussi un appel à agir, basé et enraciné dans nos propres traditions et dans nos propres philosophies. C’est concis, pertinent, puissant. C'était aussi mon amie et c'est une des raisons pour lesquelles je l'aime beaucoup.

Portrait du colonisé – Portrait du colonisateur, du Franco-Tunisien Albert Memmi. Vous ne pouvez pas comprendre notre mentalité et la façon dont le racisme et la colonisation ont affecté notre façon de penser et notre façon d'être sans lire ce livre. Tous mes travaux sur la résurgence et la décolonisation autochtones, sur le plan tactique et stratégique et sur tout ce qui est fanonien, sans parler de la compréhension de la dynamique entre les races et de son impact sur notre situation, c'est Albert Memmi qui en a donné la meilleure explication.

The Fourth World – An Indian Reality, du leader secwépemc George Manuel [qui a été chef de la Fraternité des Indiens du Canada, l’actuelle Assemblée des Premières Nations, NDLR], est une lecture très très importante pour comprendre notre situation au Canada.

Si je pouvais choisir un de mes livres, je ne prendrais pas mon plus récent, It’s All About the Land – Collected Talks and Interviews on Indigenous Resurgence, bien qu'il résume tout, mais je choisirais Wasàse. J’ai parlé à un grand nombre d’Autochtones et j'ai voyagé dans le monde entier pour ce livre entre 2001 et 2004. J’ai lu sur la résistance envers la colonisation, etc. Je considère notre situation comme un problème de colonisation et d’assujettissement national, de vol de terres et d’imposition de lois. Je crois toujours fermement que tous les autres problèmes sont secondaires. Le principal problème est la colonisation et ce sont les quatre livres essentiels pour comprendre ça.

Taiaiake Alfred est aussi chercheur et conseiller principal sur la gouvernance autochtone à l'Université McGill.

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