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En 2025, un festival de journalisme ne peut pas faire l’impasse sur les difficultés pour la presse d’atteindre une frange de la population désormais sourde aux informations portées par des journalistes ou même des scientifiques. Le débat devait inévitablement avoir lieu.
Ce fut trois fois plutôt qu’une. Le constat s'est répandu dans trois conférences successives dont une sur l’information à l’heure de la post-vérité et deux autres sur la montée du populisme en Italie et aux États-Unis. C’est dire la préoccupation.
À 10 h, le matin, samedi, Marc Gendron du Soleil, Luce Julien de Radio-Canada, Brian Myles du Devoir et Marie-Ève Carignan de l’Université de Sherbrooke se sont lancés dans une salle bondée.
Je le pense, donc c’est vrai. La boutade du directeur du Devoir, Brian Myles, a fait rire son public, mais elle reflète bien le mur qui se dresse devant le fait, ce petit bout de réalité, à la base du journalisme.
Ce mur a un nom : l’émotion. On pourrait dire aussi une vague qui porte avec elle la peur, l’insécurité, l’angoisse, la colère, la vengeance.
Contrairement à ce qu’on peut croire, elle n’a pas besoin d’être alimentée par la réalité économique ou politique. En Italie, par exemple, ce sont les régions où il y a le moins d’immigrants qui sont les plus irritées contre l’immigration. C’est ce que viendra rappeler un panéliste de l’après-midi.

Informer à l'heure de la post-vérité avec Marc Gendron du Soleil, Luce Julien de Radio-Canada, Brian Myles du Devoir et Marie-Ève Carignan de l’Université de Sherbrooke.
Photo : Radio-Canada / Joane Bérubé
Les faits ne peuvent pas être alternatifs, mais les perceptions de la réalité vacillent quand on nous prend par les sentiments.
C’est encore plus vrai si ceux-ci sont exacerbés par les réseaux sociaux, dont les algorithmes éliminent les contenus dissonants. Le tiers des Canadiens ne savent toujours pas qu’il n’y a plus de publications des médias sur Facebook, souligne la professeure en communication, Marie-Ève Carignan.
Après avoir déconstruit les modèles d’affaires des médias traditionnels en siphonnant leurs revenus publicitaires, les plateformes numériques contribuent à remettre en cause la base même du journalisme : le fait avéré et vérifié.
Le dénigrement, voire la haine qui s’y déferle prive, de plus, les médias traditionnels de la crédibilité de la réplique.
On est dans l’ère de la croyance et de la crédulité.
La disqualification passe aussi par un politicien qui n’invite que des médias partisans à sa conférence de presse. Ça s’est vu.
Les grands patrons de la presse ont fait état de leurs solutions. Elles passent toutes par ce rapport plus étroit entre citoyens et médias. Ce festival en est un bel exemple. Bizarrement, personne ne l’a relevé.
Ce qui l’a été par contre, c’est cette notion de l’information comme bien public, cette protection nécessaire du contrat moral entre le journaliste et le citoyen, entre la presse et la population. Si on a un gouvernement qui veut définancer nos médias, on a un gros problème, relève Marie-Ève Carignan.
Et il y a eu de telles propositions. Les médias comme l’État, toujours trop gros, trop cher, deviennent des boucs émissaires commodes en ces temps où un populisme de droite traverse plusieurs démocraties occidentales.
Les Américains n’ont rien inventé
Ce sont les Italiens qui ont créé le fascisme. Après la guerre, ils se sont reposés, puis ils ont créé Silvio Berlusconi.
L’homme d’affaires vedette, à la tête d’un empire médiatique, pouvait faire n’importe quoi et continuer d’obtenir la faveur populaire, rapporte le journaliste Claudio Rossi-Marcelli. Avec Trump, il n’y a rien qui colle, rétorque le journaliste Yves Boisvert, qui a passé un an aux États-Unis.
C’est sans doute en faisant ce lien entre ces deux hommes que le festival a pensé donner une petite couleur italienne à son festival. Est-ce que Berlusconi annonçait Trump? Est-ce que Giorgia Meloni est à l’avant-garde d’un mouvement vers la droite?

Les journalistes Claudio Rossi-Marcelli et Yves Boivert ainsi que la chercheuse Marie-Éve Carignan.
Photo : Radio-Canada / Joane Bérubé
Lorsque Claudio Rossi-Marcelli fait le bilan de l’ère Berlusconi, il parle de ses blagues. Lorsque Yves Boisvert parle de Trump, il évoque sa cruauté et ajoute que certains l’aiment exactement pour ça. Ici, la vengeance et la colère de l’Américain économiquement déclassé. De l’autre côté, la réponse politique de l'Italien toujours un peu méfiant envers son gouvernement.
Les deux s’entendent pour reconnaître que les gens les ont choisis pour leur côté vrai, soit cette déconstruction du décorum et de l’attendu protocolaire par des non-professionnels de la politique.
Pour le spectacle, en somme. C’est ce que relève le philosophe Marcello Vitali-Roseti qui parle ici d’une « spectarisation » du politique.

Panel de « L'Italie: Laboratoire politique du futur? » avec le journaliste Claudio Rossi-Marcelli, le professeur Marcello Vitali-Roseti et la journaliste Marina Catucci.
Photo : Radio-Canada / Joane Bérubé
Les mensonges, qui sont toujours compilés dans quelques médias américains, et les propos extravagants comme indécents transforment la presse en commentatrice de cette performance ou de cette outrance, selon la perspective.
À couvrir cette irréalité américaine, les médias québécois négligent ce qui se passe dans leur propre cour, observe Marie-Ève Carignan de l’Université de Sherbrooke.
La chercheuse note une montée du journalisme d’opinion, des discours intolérants et une plus grande polarisation des médias locaux, notamment chez les radios de Québec. Si la langue est un frein, elle ne fait que retarder la montée de ces phénomènes médiatiques, dit celle qui invite les médias à ne pas se préoccuper seulement des tarifs douaniers.
En aparté
- Des nouvelles de Farnell Morisset et des Ouïghours. Non, sa courte vidéo réalisée vendredi, en direct du festival, pour saluer les Ouïghours n’a pas été censurée par TikTok. Un peu plus de 1880 vues, 24 h plus tard. Ce n’est pas beaucoup, selon l’auteur qui peut récolter jusqu’à plus de 300 000 vues pour ses publications.
Selon lui, les algorithmes n’y sont pour rien dans cette sous-performance, mais plutôt la faiblesse du contenu improvisé. Par contre, il se promet de vraiment tester la machine avec une publication plus élaborée sur les Ouïghours. À suivre sur… TikTok! - Il y a plusieurs vedettes du petit écran, de la politique et des médias dans ce drôle de festival qui balance entre la réflexion sur la production médiatique et ce qui anime l’actualité en 2025. C’est toutefois le public, la vraie grande surprise et la vraie grande vedette de Carleton-sur-Mer. Les salles sont pleines, parfois débordent d’un public attentif et pertinent. Oui, les temps sont toujours difficiles pour l’information, mais, ici, l’appui est solide.