Des tout premiers outils en pierre à l'ordinateur quantique... En 3 millions d'années, le chemin effectué par l'humanité en matière de connaissances est phénoménal et n'aurait été possible que grâce à la culture cumulative. Ce concept repose sur l'idée que chaque génération s'est attelée à implémenterimplémenter une base de connaissances acquises par les générations précédentes. Impossible en effet pour une société de progresser de façon significative s'il lui faut continuellement réinventer l'eau chaude !

Or, la culture cumulative implique nécessairement une transmission du savoir. Si aujourd'hui cette transmission se fait de manière très organisée, via l'instruction par l'école notamment, on imagine bien que les méthodes utilisées étaient bien différentes il y a 100 000 ans, et encore plus il y a 3,3 millions d’années, date à laquelle remontent les plus anciens outils en pierre taillée.

Observer l’évolution des modes d’apprentissage depuis le premier outil en pierre

Étudier l'évolution de ces modes de transmission est ainsi fascinant... mais particulièrement ardu. Car si nous pouvons documenter l'évolution des techniques utilisées pour la fabrication des outils, il reste difficile de savoir quels mécanismes d'apprentissage ont été utilisés au fil du temps pour instruire les nouvelles générations, tout particulièrement avant l'émergenceémergence du langage.

De multiples stratégies ont déjà été proposées pour expliquer comment les acquis culturels ont été transmis, comme l'imitation, l'enseignement ou encore la dispense d'explications. De précédentes études se sont ainsi focalisées sur les méthodes utilisées pour transmettre des techniques bien particulières. Mais aucune ne s'était jusqu'à présent intéressée à l'évolution de ces méthodes sur l'ensemble de la lignée humaine.

Modes d’apprentissage avant le développement du langage

Pour combler cette lacune, une équipe de chercheurs a compilé des bases de donnéesbases de données provenant de diverses disciplines permettant de documenter l'évolution de ces mécanismes de transmission entre 3,3 millions d'années et 6 000 ans. L'objectif était d'observer comment 19 modes d'apprentissage différents ont pu servir le développement de 103 innovations culturelles du Paléolithique, afin d'identifier à quel moment la simple imitation s'est transformée en instruction intentionnelle.

Les résultats ont été publiés dans la revue Plos One. Ils révèlent que la démonstration intentionnelle, qui se définit comme la mise en œuvre intentionnelle d'un comportement permettant de le rendre plus facile à apprendre, est devenue prédominante il y a 2 millions d'années. Les auteurs donnent comme exemple celui d'un tailleur de pierre ralentissant délibérément son geste pour que la technique de production d'un éclat soit clairement visible par l'entourage.

Puis, vers 400 000 ans serait apparue l'explication explicite, qui consiste à accompagner ses actions de signaux communicatifs qui permettent de clarifier l'intention ou la méthode. Exemple : le tailleur fait au préalable un geste vers le bord d’un silex pour indiquer son intention et l'endroit qu'il va ensuite frapper.

Modes d’apprentissage après le développement du langage

Il y a 200 000 ans, puis plus clairement à partir de 75 000 ans, se met en place l'enseignement modulaire qui se définit par le séquençageséquençage des connaissances en différentes étapes distinctes. Grâce au langage, l'enseignement des techniques se fait désormais de façon ordonnée et méthodique. Les jeunes tailleurs de pierre apprennent, par exemple, dans un premier temps à réaliser une ébauche avant de faire des retouches. Finalement, on voit l'apparition d'un enseignement sélectif, qui limite la transmission des connaissances à des personnes spécifiques plutôt qu'à l'ensemble du groupe. Cette méthode devient prédominante à partir de 100 000 ans. Pour les chercheurs, ce mode serait apparu en réponse aux exigences croissantes de l'innovation technologique, du comportement symbolique et de la coordination sociale.

On remarque ainsi que les modes de transmission ont été de plus en plus structurés, permettant en parallèle le développement d'innovations de plus en plus complexes.