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De plus en plus de Canadiens vivent avec la bipolarité : ils seraient entre 700 000 et un million. En dix ans, la prévalence est passée de 1,5 % à 2,1 % dans la population, et elle dépasse les 8 % chez les jeunes femmes âgées entre 15 et 24 ans. Au travail, la stigmatisation persiste, mais la bipolarité est de moins en moins taboue dans les bureaux.
Éliane Steben-Chabot nous regarde changer nos batteries de micro, quand une idée lui vient : Je me disais que la bipolarité, c'est un peu ça. Des fois, j'ai des batteries trop intenses pour ce dont j'ai besoin. Des fois, il manque de jus.
Vivre avec le trouble bipolaire, c’est se voir imposer une existence en montagnes russes : les émotions ont une intensité décuplée.
Coordonnatrice en ressources humaines au gouvernement du Québec, Éliane vit avec une bipolarité de type 2. Elle alterne donc entre des phases d’hypomanie, des moments d’excitation où tout va très vite, des périodes de dépression, où tout ralentit, des phases mixtes, durant lesquelles elle a des idées de grandeur, une angoisse de vivre, et entre celles-ci, c’est l’accalmie, comme aujourd’hui.
Elle a découvert son diagnostic à 32 ans, et en a désormais 43. Il lui a fallu dix ans pour trouver un certain équilibre.
Quand je suis en hypomanie, j'ai beaucoup d'idées. Je dors très peu. Je ne mange presque pas. J'ai envie de faire plein de choses. Je suis gossante.
Dans ces moments d’exaltation, elle s’est lancée dans la broderie, et a même réussi à travailler de manière ultra efficace durant la nuit.
Et quand la phase dépressive survient, elle s’accompagne d’idées noires. J'ai appris à 38 ans par mon psychiatre que ce n'était pas normal d'avoir des idées suicidaires…, dit-elle.

Le trouble bipolaire peut-être difficile à diagnostiquer, notamment parce que les phases dépressives et maniaques peuvent être séparées par de longues périodes.
Photo : iStock / ThitareeSarmkasat
Un de ses plus grands défis? Savoir quand elle va vraiment bien, car la maladie rend la joie suspecte. Quand je suis heureuse, je ne sais pas si je suis (réellement) heureuse ou si je suis malade. Il faut que j'analyse avant, explique-t-elle.
Pour être sûre que ce n’est pas la bipolarité qui lui joue des tours, Éliane s’auto-évalue, se demande : Est-ce que je dors assez? Est-ce que je fais des achats compulsifs?
Comme ces billets de spectacle achetés durant une phase d'hypomanie, auxquels elle assiste finalement beaucoup plus tard, alors qu’elle est en phase dépressive. Je me traîne jusqu’à la salle de spectacle, raconte-t-elle en riant.
Le travail, zone de confort ou de stigmatisation
Quand je suis en hypomanie, pour moi, le travail, c'est un endroit sécuritaire. C'est un endroit agréable. [...] Je travaille plus. J'augmente ma banque d'heures. Quand je suis en dépression, je gruge là-dedans. Je roule sur mes avances que j'ai faites. Ça gère ma culpabilité.
À la pause déjeuner, Éliane partage son expérience avec Mélissa Ravary, une nouvelle collègue de son équipe, qui a appris il y a peu ce qu’Éliane vivait.
Elle n’a pas caché sa surprise : Pour moi, elle ne cadrait pas dans la caricature qu'on fait d'une personne qui est bipolaire. Éliane est hautement performante.
Les hauts et les bas d’Éliane? Melissa dit ne pas en avoir observé. On se gère tellement bien que les gens ne le voient pas, répond Éliane, presque soulagée.
Le reportage radio d’Alexis Gacon est présenté à l’émission Tout terrain sur ICI Première à compter de 10 h (HAE).
À l’Association québécoise de réadaptation psychosociale, à Québec, des rencontres permettent d’échanger entre pairs qui vivent avec la bipolarité au travail.
Cassia et Charlotte nous permettent d'y assister. Elles témoignent des difficultés à révéler leur diagnostic en entreprise. Dans mes anciens emplois, c’était encore stigmatisé. C’est insidieux comme un collègue peut te faire sentir, confie Cassia.
Mais désormais, ses collègues sont tous au courant de son diagnostic, ce qui lui facilite la vie. Les jours durant lesquels je vis une phase difficile, je n’ai pas forcément à m’absenter du travail, ils comprennent ce que je vis, sans que j’aie besoin de tout verbaliser, raconte-t-elle.
Charlotte, elle, a vécu une profonde désillusion dans son emploi précédent.
Après plusieurs arrêts de travail, son responsable des ressources humaines lui a demandé de signer un contrat, qui stipulait qu’elle s’engage à ne pas se faire arrêter durant les deux prochaines années. Je suis allée voir ailleurs…, conclut-elle, désabusée.
Trouver la bonne combinaison… puis la perdre
Sur le groupe Facebook Bipolaire du Québec, les membres échangent sur tout, tout le temps. La nuit, ceux qui vivent une hypomanie en cherchent d’autres avec qui discuter.
Certains messages sont des appels à l’aide, d’autres témoignent de leur journal d’humeur quotidien, et beaucoup évoquent leurs difficultés à trouver le dosage médicamenteux idéal.
Le lithium, molécule de référence dans le traitement de la bipolarité, n’est efficace que pour un tiers des patients. Et parfois, après des années de succès avec un médicament, qui permet d’atteindre une certaine stabilité, l’efficacité disparaît.
Bianca Tremblay, agente d'admission à l’Université du Québec à Chicoutimi, en sait quelque chose.
Après six ans durant lesquels elle avait atteint l’équilibre, son traitement a cessé de fonctionner d’un coup et elle est retombée dans l'abîme.
Tout le corps me fait mal, des coups de poing en dedans du ventre. Mettez la switch à off, éteignez la lumière, je ne veux plus penser. Je ne veux plus que le hamster tourne de même.
Après un arrêt de travail, elle vit en ce moment un retour progressif, avec deux jours en poste par semaine, mais il n’est pas de tout repos. J’ai vraiment de la misère... Je suis [...] claquée, vidée, dit-elle.
Elle espère pouvoir reprendre le rythme, mais pense que cela prendra du temps. J’ai dit que je ne serais jamais capable, ça va trop vite, ajoute-t-elle.
Au CIUSSS de la Capitale-Nationale, Marc Tremblay a fait le pari de l’inclusion en embauchant des pairs aidants qui vivent avec la bipolarité en tant qu'employés permanents.
Cela n’a pas toujours été simple, certains gestionnaires avaient peur que ceux-ci soient trop souvent absents, mais ce n’est pas le cas.
Ils deviennent des employés comme les autres. Ce qu’on a réussi à faire, c’est exiger un emploi collégial pour qu’ils aient le titre d’éducateurs. [...] On était les premiers à le faire, affirme Marc Tremblay, directeur adjoint au soutien et à la réadaptation dans la communauté au sein de la Direction des programmes santé mentale, dépendances et itinérance du CIUSSS de la Capitale-Nationale
La pause du midi s’achève pour Éliane et Melissa. Avant de se quitter, Éliane tient à faire passer un message :
La bipolarité, ce n'est pas mon identité. C'est juste une particularité avec laquelle je vis.