Parmi les nombreuses questions que l'on m'a posées sur mes réseaux sociauxréseaux sociaux, trois sont fréquemment revenues. Voici mes réponses.

L’Etna n’est-il pas un volcan rouge ?

Sur l’Etna, le transfert du magma entre la zone de fusionfusion et le sommet du volcan est assez rapide en général. Par conséquent, le magma reste chaud et liquideliquide, c'est pourquoi il peut couler lorsqu'il arrive en surface. Mais il est aussi très riche en gazgaz, ce qui peut engendrer des éruptions violemment explosives, comme ces paroxysmes éruptifs qui animent fréquemment le sommet de l'Etna ces dernières années. Lors de ces éruptions, les fontaines de lave peuvent atteindre 1 000 mètres de haut, mais l'intensité explosive est telle qu'une partie de la lave est aussi pulvérisée très finement, ce qui constitue des cendres alimentant une colonne éruptiveéruptive qui peut atteindre plusieurs kilomètres de haut !

Cette intense fragmentation peut aussi se produire lorsque du magma sous pressionpression se retrouve brutalement à l'airair libre, après un glissement d'un flanc d'un cônecône volcanique par exemple. Cela génère des coulées pyroclastiquescoulées pyroclastiques comme celle d'il y a quelques jours, qui n'est pas la seule de l'histoire de ce volcan même si elle semble la plus intense depuis que ce phénomène a été observé pour la première fois en 1986. Ceci étant, sa longueur de 2 500 mètres environ témoigne d'une coulée pyroclastique assez modeste en comparaison d’autres volcans, notamment pour des magmas plus visqueux. 

Coulée de lave en février 2025 sur le haut flanc sud-ouest de l’Etna.

Coulée pyroclastique du 2 juin 2025, avec une vitesse d’au moins 150 km/h !

La classification volcan rouge/volcan gris est toujours bien présente dans l'esprit du grand public et l'œilœil se souvient plus facilement des ambiances féeriques des coulées de lave, comme celle qui s'épancha sur la neige en février de cette année plutôt que des panaches de cendres ou coulées pyroclastiques. Mais l'Etna présente différents dynamismes éruptifs, du plus tranquille au (presque) plus violent, ce qui le rend si passionnant ! C'est donc un volcan rouge et gris, marron si l'on veut, comme bien des volcans finalement...

Les gens qui montaient sur le volcan ce jour-là sont-ils inconscients ?

Des milliers de gens visitent l'Etna chaque année, comme de nombreux autres volcans à travers le monde d'ailleurs. C'est la découverte d'un paysage unique, extraordinaire et vivant qui amène parfois une certaine humilité face à la Nature avec laquelle nous sommes de moins en moins proche. Un sentiment finalement agréable ! Ce tourisme génère une activité économique qui permet à bien des gens de travailler : c'est un des bienfaits des volcans, ce qui est trop souvent oublié quand on évoque ce sujet ! Ainsi, l'Etna fait vivre bien plus de gens qu'ils n'engendrent de victimes ou de dégâts ! Pour preuve, le dernier décès sur ce volcan à cause d'une éruption remonte à avril 1987...  

Les randonnées dans la zone sommitale sont encadrées par des professionnels, formés vis-à-vis des risques liés à la montagne et au volcan. Mais le risque zéro n'existe pas, particulièrement sur un volcan. Est-ce fou d'y monter pour autant ? Le risque est une affaire personnelle, et si un volcan fait facilement peur, prenons l'exemple de la voiturevoiture qui parle à tous. Pourquoi mettons-nous une ceinture de sécurité ? Pensons-nous au risque d'accidentaccident à chaque fois que nous l'utilisons ?

Quoi qu'il en soit, l'Etna est un des volcans les mieux surveillés au monde, ce qui a permis par exemple d'alerter les professionnels de la montagne dès le début de cette éruption, dans la nuit du 1^er au 2 juin. De fait, les touristes et leurs guides étaient limités à 2 800 mètres d'altitude, à plus de 2,5 kilomètres du Cratère Sud-Est qui faisait éruption. À distance donc et sur le flanc nord du Cratère Nord-Est, une zone assez sûre lorsque l'activité anime le Cratère Sud-Est.

Ce qui ne pouvait être prédit, en revanche, c'est le glissement du flanc nord-est de ce cône volcanique qui généra cette coulée pyroclastique car les précurseurs à cet événement ne se manifestent sans doute que quelques minutes à dizaines de minutes avant (et il faut pouvoir être capable de les identifier). Ce risque est néanmoins connu, car ce cône n'est qu'un empilement de projections volcaniques assez fragile qui s'est déjà effondré lors de paroxysmes précédents. C'est pourquoi deux cicatricescicatrices le balafrent sur les flancs sud et est. Restait le flanc nord-est : on pouvait donc imaginer que ça allait arriver dans un avenir plus ou moins proche, mettant ainsi en danger la Vallée deldel Leone qui s'ouvre au nord de ce cône, mais qui est très peu fréquentée...

Survol du Cratère Sud-Est le 4 juin, avec sa cicatrice sur le flanc nord-est formée deux jours plus tôt.

Les touristes étaient donc avec leur guide, dans un endroit autorisé, à distance de l'éruption et dans un endroit plutôt protégé vis-à-vis de coulées pyroclastiques produites par l'effondrementeffondrement du Cratère Sud-Est.

Pourquoi filmer plutôt que fuir ?

Si ces gens se trouvaient dans un endroit plutôt protégé, cela n'enlève rien à leurs images qui sont très impressionnantes ! Cette coulée pyroclastique s'est propagée vers le nord-est à une vitessevitesse d'au moins 150 km/h, mais en plus de ce développement latéral, les volutes qui la constituent se forment aussi de manière verticale, ce qui génère un nuage de cendres montant rapidement dans l'atmosphèreatmosphère. Un nuage impressionnant, même si la coulée pyroclastique se développait à environ 1 500 mètres de ces gens...

Fuite des gens après le départ de la coulée pyroclastique (en arrière de la crète).

Si on peut regretter que des images filmant la fuite de ces gens soient sorties, car cela amène un sentiment effrayant pour celui qui les regarde et qui ne prend pas en compte ce qui est précisé plus haut dans cet article, on peut quand même remarquer que peu de gens filment cette scène. En revanche, pas mal d'images ont été prises après la fuite, une fois l'étonnement et la peur passés. Car l'observation du phénomène depuis son déclenchement permettait de comprendre cette propagation vers le nord-est, donc pas vers eux.

J'accompagne chaque année des séjours en Sicile, pour voir l'Etna, le StromboliStromboli et VulcanoVulcano. Plus d'informations sur le site Objectif Volcans ou par mail : objectif.volcans@gmailgmail.com

Etna et Iles éoliennes : séjour volcanologique avec L. Ledux et A. Molle (teaser). © Objectif Volcans, YouTube