Le changement climatique bouleverse notre planète à une vitesse inquiétante, mais un phénomène méconnu pourrait bien amplifier ses conséquences : les « rivières atmosphériques » en Antarctique. Ces longs rubans d’air chaud et humide, capables de parcourir des milliers de kilomètres, transportent une énorme quantité de vapeur d’eau vers les pôles. Selon une nouvelle étude internationale publiée dans Nature Communications, ces rivières pourraient doubler en nombre d’ici la fin du siècle, avec des impacts majeurs sur la stabilité des glaces antarctiques et, par conséquent, sur le niveau mondial des océans. Explications.
Qu’est-ce qu’une rivière atmosphérique ?
Imaginez un tapis roulant aérien chargé d’eau, s’étirant sur des milliers de kilomètres au-dessus des océans, transportant de la chaleur et de l’humidité depuis les tropiques jusqu’aux régions polaires. C’est ce que l’on appelle une rivière atmosphérique. Ces flux étroits mais puissants jouent un rôle crucial dans le transport de la vapeur d’eau et sont responsables d’importantes précipitations lorsqu’ils atteignent les terres.
Dans les régions tempérées, les rivières atmosphériques sont bien connues pour provoquer des épisodes de fortes pluies ou des inondations. Mais en Antarctique, leur rôle est plus complexe et paradoxal. En fonction des conditions locales, elles peuvent soit apporter de la neige qui alimente la calotte glaciaire, soit provoquer la fonte en transportant de l’air chaud et en déclenchant des précipitations liquides.
Une double menace pour les glaces de l’Antarctique
L’étude, menée à l’aide d’un modèle climatique à haute résolution et de différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre, révèle que le réchauffement climatique augmente significativement la quantité d’humidité que l’air peut contenir. Ce phénomène accroît la fréquence et l’intensité des rivières atmosphériques au-dessus de l’Antarctique.
D’ici 2100, dans un scénario pessimiste où les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites, le nombre de ces rivières pourrait doubler, tandis que les précipitations qu’elles produisent pourraient être multipliées par 2,5. Ce changement pourrait avoir des conséquences très contrastées :
Effet neige : Plus de chutes de neige sur la calotte glaciaire peuvent temporairement compenser la fonte en augmentant l’accumulation de glace. Cela ralentirait la contribution de l’Antarctique à la montée des océans à court terme.
Effet fonte : Lorsque ces rivières transportent de l’air chaud, elles peuvent provoquer la fonte de la glace en surface, affaiblissant les plateformes glaciaires flottantes. Cela pourrait entraîner la rupture rapide de larges pans de glace, qui finiraient par fondre dans l’océan, accélérant ainsi l’élévation du niveau marin.

Pourquoi cette découverte est-elle cruciale ?
L’Antarctique contient une quantité d’eau gelée si massive qu’elle pourrait faire monter le niveau des mers de près de 60 mètres si toute cette glace fondait. Même si ce scénario extrême est peu probable dans un futur proche, de petits changements dans la dynamique de la calotte glaciaire peuvent avoir des impacts majeurs à l’échelle mondiale.
Jusqu’à présent, les projections de l’élévation du niveau de la mer pour ce siècle variaient généralement entre 0,5 et 1 mètre. Mais les rivières atmosphériques représentent un facteur jusqu’ici sous-estimé qui pourrait modifier ces prévisions en rendant les phénomènes extrêmes en Antarctique plus fréquents et intenses.
Michelle Maclennan, climatologue au British Antarctic Survey et co-auteure de l’étude, souligne : « Il s’agit de la première étude à examiner l’évolution potentielle des phénomènes météorologiques extrêmes en Antarctique sous l’effet du réchauffement climatique d’origine humaine. Comprendre ces tendances est essentiel pour prévoir la contribution future de l’Antarctique à la montée des eaux. »
Un climat polaire de plus en plus volatile
Les rivières atmosphériques ne sont pas un phénomène exclusif aux régions polaires. Elles interviennent dans de nombreuses régions du globe, modulant les précipitations et influençant des événements météorologiques extrêmes. En Antarctique, leur impact est d’autant plus important que la région est très sensible aux variations de température et d’humidité.
L’étude met en lumière la sensibilité extrême des phénomènes météorologiques violents à l’augmentation de l’humidité atmosphérique. Cela signifie que les extrêmes que nous observons déjà aujourd’hui risquent de devenir beaucoup plus fréquents dans les décennies à venir, avec toutes les conséquences que cela implique pour la stabilité des glaces et l’élévation du niveau des mers.
En conclusion : un facteur sous-estimé à intégrer d’urgence
Alors que la communauté scientifique cherche à mieux comprendre comment le climat mondial va évoluer, cette étude nous rappelle que certains mécanismes clés, comme les rivières atmosphériques, restent peu pris en compte dans les modèles classiques.
Le doublement attendu de ces flux d’air humide et chaud en Antarctique pourrait bouleverser l’équilibre fragile de la calotte glaciaire, rendant les prévisions d’élévation du niveau de la mer plus incertaines, voire plus alarmantes.
Il devient donc urgent de poursuivre les recherches sur ces phénomènes pour mieux anticiper l’avenir de notre planète et prendre des décisions éclairées en matière de politique climatique.