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Xavier Beauvois, Nathalie Baye, un commissariat et du grand cinéma.
On le sait depuis longtemps, le cinéma est d’abord et avant tout affaire de regards.
Celui qu’un ou une cinéaste, bien sûr, pose sur une réalité pour mieux nous en faire saisir sa vision. Mais parfois aussi celui d’un personnage, directement planté dans le nôtre, pour mieux nous parler, sans avoir besoin de mots ou d’intermédiaire.
Pour bien parler du Petit lieutenant, quatrième long réalisé par Xavier Beauvois en 2004 (avant la déferlante Des hommes et des dieux), il faut donc commencer par la fin. Par ce regard ému et infini, justement, aussi rare et bouleversant. Par ces yeux à peine maquillés, ceux de Nathalie Baye, qui viennent nous fixer. Par ce point d’interrogation qu’ils lancent, sublime et profondément douloureux. Ce sont les yeux d’une femme qui a vu, trop vu peut-être, et qui, cette fois, invitent à une connexion.
Cette femme, c’est Caroline Vaudieu. commandante de la deuxième division de la police judiciaire à Paris. Ancienne alcoolique aussi. Cachant bien en dedans une douleur extrême. Une femme dont Le petit lieutenant réussit le portrait magnifique en la confrontant à Antoine (Jalil Lespert), jeune lieutenant idéaliste, tout frais débarqué de sa province, tout prêt à en découdre avec sa nouvelle vie.
Une femme, enfin, qui sera notre fil rouge, même s’il menace de se briser à chaque instant, pour mieux nous guider au cœur de ce film réussissant avec puissance le mariage du polar et de la chronique existentielle, pour mieux nous toucher droit au cœur.

Le petit lieutenant, de Xavier BeauvoisPhoto : Métropole Films
C’est que Beauvois a compris l’essentiel : l’âpreté du vrai sera toujours plus belle et plus poignante que tous les artifices du cinéma.
Réalisme constant, approche documentaire, acteurs non professionnels, éclairage d’une lumineuse et parfois crue simplicité signé Caroline Champetier, absence de musique, sobriété du cadrage : c’est au cinéma que Beauvois demande de se mettre à la hauteur du réel et de sa vérité. Pas le contraire. Mais c’est aussi par le cœur que tout cela est passé. Par une atmosphère d’où la supercherie ou le mensonge sont bannis. C’est en effet en passant des mois à s’immerger dans des commissariats d’arrondissements parisiens que le cinéaste a préparé son Petit Lieutenant, tordant le cou à tous ces clichés policiers que les films nous ont mis dans la tête. S’imprégner des odeurs, des lieux, des mouvements pour ne pas mentir, une fois la réalité recrée derrière une caméra, pour être capable aussi de faire jaillir de la lumière du plus rugueux. Mais aussi affronter ses propres démons, ses propres désenchantements d’homme pour en nourrir Caroline.
Trait d’union entre le cinéma de Pialat (elle jouait dans La gueule ouverte) et celui de Beauvois (elle le retrouvait, après Selon Matthieu en 2000), Nathalie Baye a la sincérité juste assez bourrue pour faire de cette Caroline – au départ, un personnage prévu pour un homme ! – un véritable personnage de cinéma.
De ceux qui déstabilisent, qui ébranlent, qui impressionnent. Mais de ceux qui humanisent aussi ceux et celles qui savent regarder ce monument de droiture et de dignité qui ne cherche jamais à en être un. De ceux qui, en un regard, s’inscrivent dans la mémoire, pour toujours. Pour ce film, Nathalie Baye, chancelante, tout en nuances, mélange unique et rare de force et de vulnérabilité, d’autorité et de compassion, a reçu son quatrième César. Ce seul dernier regard aurait suffi à lui mériter toutes les récompenses du monde.
La bande-annonce (source : YouTube)