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La médecine est une science humaine. Et les humains en question, c’est nous, les patients.
Je viens d’énoncer un principe très simple et pourtant encore mal compris. Christian Dubé dit vouloir protéger les patients en trouvant des moyens pour forcer les médecins à être plus productifs, plus efficaces et à effectuer plus de consultations plus rapidement. Mais soyons clairs : une réforme qui incite les médecins à être plus « productifs » met aussi une pression sur les patients pour qu’ils soient plus « efficaces ».
Indirectement, la réforme Dubé nous fait comprendre que notre complexité humaine à nous, les patients, représente un grand fardeau pour le système. La question est nommée et même colorée en fonction de notre état de santé. Nous sommes désormais rouges, orange, jaunes ou verts. Et nous comprenons que nous représentons une somme d’argent différente en fonction de notre teint respectif.
Sauf que le code de couleur de Christian Dubé représente nos diagnostics préexistants, et non notre condition sociale et humaine, qui représente un frein à « l’efficacité » du système à mesure qu’elle se complexifie.
Un patient « vert », c’est-à-dire en bonne santé, mais dont la langue maternelle n’est pas le français, ou qui n’est pas très familier avec les rouages du système québécois demande plus de temps au personnel soignant pour la communication d’informations simples.
Une personne en bonne santé mais en situation de pauvreté ne peut pas aller consulter en physio, en kinésio ou en psychothérapie au privé, même avec une recommandation du médecin. Son état de santé risque de s’aggraver à moins que le système public ne fournisse ses services dans un délai raisonnable — ou que le GMF engage lui-même ses professionnels, à ses frais. Et s’il y a des problématiques non médicales associées, les travailleurs sociaux peuvent aussi être très utiles. Le cas échéant, un GMF dans un quartier pauvre coûte plus cher à faire fonctionner qu’un GMF dans un quartier de riches.
C’est donc à nous, les patients, de nous enrichir, de nous sortir de nos problèmes sociaux et humains trop complexes. Sinon, on coûte plus cher à nos médecins, et on leur prend plus de temps qu’une personne plus aisée dans le même état de santé.
Si, comme patient, nous avons un faible taux de littératie, moins d’années de scolarité, il se peut aussi très bien que de l’information communiquée par un médecin très rapidement nous passe 10 pieds par-dessus la tête. Le patient plus éduqué — ou qui, mieux encore, connaît des médecins ou des professionnels de la santé dans sa propre famille — peut répondre au médecin dans son propre jargon, s’y retrouver dans les noms de médicaments et des tests. Un diabétique à même de comprendre par lui-même le diabète est un patient bien plus productif et efficace qu’un patient qui comprend mal sa propre affliction. Un médecin forcé d’être productif sera tenté de prioriser les clientèles efficaces. Bonjour le profilage social.
Ce n’est pas exactement un phénomène nouveau. La région où il y a le plus faible taux d’inscription auprès d’un médecin de famille, c’est Montréal, la région où il y a la plus grande concentration de diversité sociale. Et même à Montréal, les quartiers où la pénurie est la plus importante sont souvent ceux où les problématiques sociales sont les plus complexes.
On manquait déjà de médecins de famille pour prendre en charge les patients « moins productifs » de la métropole. C’est en partie parce que les médecins eux-mêmes viennent de milieux sociaux plus privilégiés et homogènes que ces clientèles : les initiatives se sont multipliées dans les écoles de médecine pour diversifier le profil des étudiants et pour mieux former les futurs médecins à la science très humaine qu’est leur profession. Ça bougeait.
Mais avec la réforme Dubé, on vient d’ajouter un incitatif systémique à délaisser un peu plus les patients « improductifs ». Les médecins qui continuent de faire leur travail avec cœur, portés par la mission de servir tout le monde, risquent de se faire taper sur les doigts.
On se retrouve donc avec trois classes de patients. Ceux qui ont le moyen d’aller au privé. Ceux qui sont dans le système public, mais qui sont « efficaces » : les gens qui n’importunent pas inopinément les médecins avec des questions qu’ils peuvent « googler » d’eux-mêmes, qui ont un bon niveau de littératie médicale, des proches aidants, une voiture pour se déplacer, qui sont logés décemment, ne vivent pas de précarité sociale particulière et disposent d’une assurance privée pour les soins de santé « complémentaires ». Et puis, il y a les patients… réguliers.
Je fais exprès ici, bien sûr, de reprendre le vocabulaire de notre beau système scolaire à trois vitesses. Parce que c’est la même problématique, au fond. Plus les mieux nantis découragés de l’état du système public fuient vers la médecine privée, plus le bassin de patients des médecins qui restent au public se complexifie, comme pour les enseignants dans les salles de classe. Et plus on presse les professionnels à être « productifs » avec des clientèles complexes, plus on les incite financièrement à sélectionner des clientèles « faciles » — pas seulement sur le plan de leur état de santé, mais aussi sur celui du profil social. Et plus il y a pénurie de main-d’œuvre parce que des médecins jettent l’éponge, vu le contexte, plus le problème s’aggrave.
Les déterminants sociaux de la santé influencent déjà l’espérance et la qualité de vie, la probabilité d’être malade et la probabilité d’être bien soigné une fois malade. Avec la réforme Dubé, tout indique qu’on vient d’augmenter l’écart entre les trois « vitesses », les trois classes de patients.
Si le gouvernement presse les médecins d’être plus « productifs » sans leur donner de nouveaux outils pour y arriver, alors le gouvernement met aussi une pression supplémentaire sur nous, les patients, pour que nous soyons des « premiers de classe » qui comprennent tout du premier coup, même dans nos moments nos plus vulnérables.
Là-dessus, ne faisons pas l’autruche.


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