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Didier Gascuel : « certains, notamment dans la grande pêche industrielle, n’ont aucun intérêt à ce que les choses changent »

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Face à une pêche en crise, entre pression industrielle et effondrement de la biodiversité, repenser nos façons de pêcher devient urgent. Comprendre pourquoi la pêche déraille et comment la remettre sur les rails d’un avenir plus durable, c’est le travail de toute une vie pour l'écologue Didier Gascuel.

Depuis plusieurs décennies, Didier Gascuel analyse les océans non pas depuis le pont d'un chalutier, mais depuis les laboratoires et les amphithéâtres de l'Institut Agro à Rennes, où il enseigne aujourd'hui l'écologie. Spécialiste reconnu des questions de pêche durable, ce chercheur n'a de cesse de dénoncer les visions dépassées de la gestion halieutique et de proposer de nouveaux chemins pour concilier pêche et préservation des écosystèmes.

À l'heure où les océans font l'objet de débats internationaux, il nous éclaire sur les enjeux de la pêche durable alors que les chercheurs tirent la sonnettesonnette d'alarme.

Futura : Qu'est-ce qu'une pêche véritablement durable ?

Didier Gascuel : La pêche durable fait l'objet d'un très grand débat. La conception classique de la pêche durable qui, en réalité, est tout à fait obsolète selon moi, repose sur une vision espèce par espèce. Concrètement, il suffirait de laisser assez de géniteurs de chaque espèce exploitée dans la mer pour permettre à chaque population de se reproduire. Or, on s'est vite aperçu qu'il suffisait d'en laisser très peu. Les poissonspoissons sont si féconds que l'on peut fortement impacter les stocks tout en gardant quelques géniteurs.

Aujourd'hui, on est en train de repenser la durabilitédurabilité à l'échelle des écosystèmes. Il ne s'agit plus seulement d'assurer la reproduction des espèces, mais de maintenir assez de poissons pour qu'ils remplissent leur rôle dans l'écosystème : nourrir les prédateurs, contrôler les proies, faire fonctionner l'ensemble. Cette nouvelle approche est encore en pleine reconstruction.

Futura : Qu’est-ce qui, aujourd'hui, freine concrètement la mise en œuvre d’une pêche plus durable  ?

Didier Gascuel : Il y a beaucoup de raisons, souvent complexes. D'abord, le poids des habitudes, tout bêtement. Comme dans beaucoup de secteurs, il est difficile de changer, de ne pas faire comme son père ou son grand-père. Pourtant, c'est indispensable : les moyens de capture ont évolué, avec des moteurs plus puissants, l'électronique, les sonarssonars... Donc ce qui semblait durable il y a 20 ou 30 ans ne l'est plus aujourd'hui.

Il y a aussi le poids des lobbys. Certains, notamment dans la grande pêche industrielle, n'ont aucun intérêt à ce que les choses changent. Cette pêche à haute technicité permet à quelques riches armateurs, pour le dire très franchement, de gagner beaucoup d'argentargent.

Et puis il y a aussi, il faut bien le dire, une frilosité des politiques, une frilosité des organisations responsables des pêches. La pêche est un peu dans une situation de traumatisme aujourd'hui, en France mais aussi ailleurs en Europe. Les pêcheurs ou les politiques n'ont pas su prendre les bonnes mesures à temps. Alors l'Union européenne a dû imposer des règles de façon verticale, sans concertation réelle. Résultat : ces règles ont été mal comprises, mal appliquées, vécues comme des contraintes imposées « d'en haut » et souvent inefficaces. Cela a créé une vraie situation traumatique qui fait que les pêcheurs refusent le changement, en commençant d'abord par s'en méfier.

Il y a un vrai travail à faire pour convaincre et embarquer les pêcheurs dans une transition durable.

Futura : En parlant de convaincre, est-ce que la parole des scientifiques est suffisamment écoutée dans les débats sur la pêche ?

Didier Gascuel : Cela dépend des périodes. Les relations entre les scientifiques et les professionnels de la pêche ont parfois été très tendues, mais elles se sont améliorées. Aujourd'hui, l'Ifremer est devenu le principal référent scientifique pour les pêcheurs professionnels. Cela pose toutefois des problèmes : l'Ifremer n'est pas un institut au service des professionnels, mais un organisme de recherche au service de la société dans son ensemble. Son rôle est d'assurer une gestion durable des pêches dans l'intérêt général, pas uniquement celui des pêcheurs.

Et cette position crée des tensions. Les pêcheurs refusent souvent de dialoguer avec d'autres scientifiques, comme ceux du CNRS par exemple. J'ai moi-même longtemps travaillé avec des professionnels de la pêche, puis avec des ONG. Certains pêcheurs estiment alors que j'ai « changé de camp » et refusent de continuer à collaborer. Pourtant, j'ai toujours continué à travailler avec ceux qui le souhaitaient, avec intérêt et plaisir.

Mais voilà, il y a cette vision binairebinaire. J'ai même entendu un ancien responsable des pêches me dire : « Les ONG, on ne travaille pas avec elles, on les combat. Et vous, les scientifiques, vous devez choisir votre camp. » Or, ce n'est pas du tout notre rôle. Et ce n'est certainement pas dans cet esprit qu'on pourra construire une pêche durable.

Futura : Qu’attendiez-vous concrètement de l’Unoc ? Pensez-vous que les décisions prises pourront vraiment faire avancer les choses ?

Didier Gascuel : L'Unoc a, par nature, une vocation internationale. Et malheureusement, elle a largement écarté les questions de pêche de son agenda. La seule thématique réellement abordée, c'est la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN). C'est un vrai problème, bien sûr, mais c'est aussi un sujet sur lequel tout le monde est d'accord. On débat donc de ce qui ne fait pas débat.

Cela dit, c'est très important de lutter contre la pêche INN. Elle nuit à la pêche française en introduisant du poisson bon marché qui ne respecte ni les normes sociales ni les standards écologiques, ce qui crée une concurrence déloyale. Mais en focalisant l'attention sur cette question uniquement, on met de côté le chantier fondamental à mes yeuxyeux : repenser la durabilité de la pêche.

Car même dans les zones bien gérées, surveillées et réglementées, la pêche reste en crise. Une crise qui s'approfondit d'année en année, et qui est fondamentalement liée à l'érosion de la biodiversitébiodiversité et manque de mesures adaptées aux pressionspressions cumulées : changement climatiquechangement climatique, pollution, destruction des habitats, etc. La gestion actuelle de ces problèmes n'est pas adaptée. Et malheureusement, ce sujet crucial reste quasi absent des discussions aujourd'hui.

Futura : Et quelles seraient justement ces mesures efficaces ?

Didier Gascuel : Il faut changer de paradigme. De plus en plus d'acteurs, moi y compris, appellent à une pêchécologie, sur le modèle de l'agroécologieagroécologie. L'agroécologie, c'est une nouvelle forme d'agricultureagriculture. Et la pêchécologie, c'est exactement pareil. L'idée, c'est de repenser complètement notre façon de pêcher, en mobilisant tout ce que l'on a : innovation, recherche, réglementation, dialogue... pour réduire au maximum les impacts sur les écosystèmes.

Et les marges de manœuvre sont immenses. On pourrait en fait pêcher des volumesvolumes de captures proches de ceux d'aujourd'hui, mais avec beaucoup moins d'impact sur les fonds marins, sur les espèces sensibles comme les mammifèresmammifères marins ou les oiseaux, et surtout sur les poissons eux-mêmes. Aujourd'hui, on les pêche trop petits, avant même qu'ils aient le temps de grandir. Résultat, les poissons âgés, qui jouent un rôle clé dans les écosystèmes et la reproduction, ne peuvent plus se renouveler.

On est dans une situation absurde, parce qu'on n'a pas réfléchi à comment pêcher autrement. La pêche écologique, c'est cette idée qu'on pourrait tendre vers une forme de cueillette des plus beaux fruits dans un jardin d'Éden. C'est un peu lyrique, mais c'est une direction. On sait que les écosystèmes les plus productifs sont ceux que l'on a préservés. Et comme on vit avec ces écosystèmes, qu'on en dépend pour se nourrir, on doit avoir l'intelligenceintelligence de limiter nos impacts autant que possible.

Il y a aussi un débat qui se développe en ce moment autour de l'idée d'interdire l'accès à la bande côtière aux très grands bateaux de plus de 40 ou 80 mètres. L'État en a le pouvoir, et cela permettrait de réduire la pression sur les ressources et de favoriser la petite pêche côtière. Si des bateaux les plus gros peuvent être utiles pour aller loin en mer, cela pose question près des côtes, notamment lorsqu'ils servent à exploiter les ressources du Sud ou à produire de la farine de poisson. Ce sont surtout les bateaux de taille intermédiaire (12 à 25 mètres) qui semblent avoir une vraie utilité dans un système de pêche durable.

Ce qui génère le plus de valeur, d'emplois et de lien social, c'est sans conteste la petite pêche côtière. Je dis souvent que la pêche, ce n'est pas seulement le pêcheur, le constructeur de bateaux ou le mareyeur. C'est bien plus large : c'est aussi l'instituteur, le coiffeur, le garagiste... Tous ceux qui font vivre le bourg, et ce bourg n'existe que parce que la pêche est là.

Didier Gascuel : Eh oui, le consommateur a un rôle à jouer, mais il ne faut pas oublier qu'il est aussi citoyen, donc qu'il peut agir à la fois avec sa carte bancaire et sa carte électorale, car une partie des décisions sur la pêche se prend dans les urnes.

Ensuite, côté consommation, le premier geste à faire serait probablement de manger moins de poisson, car aujourd'hui un Français consomme environ 24 kilos de poisson sauvage par an, ce qui représente à peu près trois fois la quantité qu'on pourrait consommer si on voulait répartir durablement cette ressource à l'échelle mondiale.

Il faudrait aussi accepter parfois de payer un peu plus cher, parce que c'est le prix de la durabilité et considérer le poisson comme un produit d'exception plutôt que du quotidien.

Il faut également se méfier de l'aquacultureaquaculture, notamment du saumonsaumon, qui est tout sauf une solution miracle, car il contribue à aggraver la surexploitation des ressources halieutiquesressources halieutiques dans les pays du Sud, au détriment des populations locales, de leur sécurité alimentaire et de leurs économies.

Enfin, il ne faut pas choisir son poisson uniquement en fonction de son espèce, mais aussi et surtout regarder l'engin de pêche utilisé qui est obligatoirement indiqué sur l'étiquette chez le poissonnier. Et bien sûr, dans la mesure du possible, préférer les poissons pêchés à la ligne ou avec des engins peu impactants plutôt que ceux issus des chaluts de fond, très destructeurs.

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