L’Insoumission avait déjà publié un article sur Zohran Mamdani, il y a quelques jours. Nous en proposons un nouveau à l’aune de son investiture suite à la primaire démocrate, le 24 juin 2025, en vue de remporter la mairie de New York. Sa campagne a été exemplaire. Sur le fond tout d’abord, les méthodes de militantisme, sur le terrain et les réseaux sociaux.

Il a battu le centriste Andrew Cuomo, qui malgré des accusations de harcèlement sexuel par plusieurs femmes ayant entrainé sa démission, avait réussi à lever des financements de campagne importants auprès de millionnaires, issus des sphères financières et immobilières. Retour sur une campagne victorieuse qui permettra peut-être au candidat portant une ligne de rupture de remporter l’élection générale le 4 novembre 2025. Notre article.

La campagne du peuple contre celle de l’establishment

Si Mamdani est membre de New York City Democratic Socialists of America (NYC-DSA), organisation de gauche radicale qui a déjà engrangé plusieurs succès à New-York, les commentateurs politiques ne misaient initialement pas du tout sur sa victoire.

Soutenu par Bernie Sanders, Alexandria Ocasio-Cortez, un nombre important de syndicats, associations (Jewish Voice for Peace Action, New York State Nurses Association) ou encore la mannequin Emily Ratajkowski, sa candidature a également bénéficié d’un engouement populaire massif.

Si on regarde le site du New-York City Campaign Finance Board, la répartition des donateurs est sans appel : Mamdani a mobilisé 20 720 donateurs pour un don moyen de 82 $. Le candidat de l’establishment Cuomo avait trois fois moins de donateurs, à savoir 5 730 pour une contribution moyenne de 700 $. À bien regarder cette répartition des donateurs, cette primaire avait des airs de David contre Goliath.

Et pourtant, en mobilisant largement les citoyennes et citoyens, bien au-delà des bases militantes, en (r)amenant des personnes vers la politique, il est possible de faire mieux que celles et ceux que personne ne donnerait perdants. Précisons que Zohran Mamdani a de plus bénéficié de 8 millions de dollars de fonds de contrepartie de la part de la ville (il s’agit d’une somme donnée aux candidats qui réunissent le plus d’argent de la part de petits donateurs), bien plus que les autres candidats, soulignant encore une fois l’ancrage résolument populaire de sa campagne.

L’éclatante victoire du 24 juin ne suffit cependant pas : Andrew Cuomo a annoncé vouloir maintenir sa candidature en tant qu’indépendant. Ils feront de plus face à Eric Adams, le maire sortant (un démocrate défendant une ligne résolument conservatrice). Ainsi, lorsqu’un outsider s’impose dans une primaire, l’establishment refuse de céder et se maintient au mépris des logiques qui présidaient à l’organisation de la primaire.

Un programme de rupture pour une vie digne à New-York

Sa plateforme programmatique est simple, claire, efficace et radicale. Elle tient en douze grands axes qui se décomposent en quelques mesures : logement, sécurité, accessibilité, climat, petite enfance et éducation pour ne citer que cela.

Parmi les points de programme de Zohran Mamdani, le gel des loyers, la gratuité des bus, des gardes d’enfants accessibles, la mise en place de magasins municipaux, sanctionner les mauvais propriétaires refusant de proposer des logements dignes à leurs locataires.

Il propose de financer cela en imposant les 1 % des New-Yorkais les plus riches, ceux gagnant plus de 1 million de dollars annuellement, avec un impôt fixe de 2 %. Son programme est centré sur le coût de la vie et a un objectif, permettre aux New-Yorkais et aux New-Yorkaises de vivre dignement dans une ville où la vie est de plus en plus chère.

Capture d’écran de la plateforme programmatique de Zohran Mamdani

Ses mesures sur le logement sont largement soutenues : pas moins de deux tiers des habitants et habitants de la ville soutiennent son projet d’épicerie et 80 % soutiennent son projet de gel des loyers, comme on peut le lire dans un article récemment publié sur Jacobin. Précisons pour terminer cette partie que Zohran Mamdani soutient le peuple palestinien et n’a eu de cesse de dénoncer le génocide commis à Gaza. Une voix qui ne tremble pas, bien éloignée des politiques trumpistes, soutenant activement le génocide en cours.

Une campagne de terrain (et ailleurs) exemplaire

Zohran Mamdani avait à ses côtés pour la primaire pas moins de 50 000 volontaires. Ils ont frappé 1 million de portes sur la durée de la campagne, pour convaincre les personnes de le soutenir. C’est en convainquant des personnes de la nécessité politique de voter pour lui qu’il est parvenu à faire mentir les pronostics.

Citons l’article de Bastien dans l’Insoumission, qui retrace cette victoire : « New York est une ville de 8 millions d’habitants, la plus peuplée et la plus riche, mais aussi la plus chère, de tout le pays. Dans cette agglomération où toutes les classes sociales, toutes les origines et tous les âges se croisent, faire campagne, ne serait-ce que pour une primaire en vue des élections municipales, n’est pas de tout repos.

Dès le début de sa campagne, Zohran Mamdani a insisté sur la nécessité de faire campagne dans « tous les cinq arrondissements de la ville » (le Bronx, Manhattan, Staten Island, Brooklyn et le Queens). Une campagne partout et tout le temps, avec tout le monde. 8 millions d’habitants, et à peu près 1 million d’électeurs attendus pour cette primaire. Une campagne qui commence à six heures le matin et finit souvent autour de minuit.

Dans son discours de victoire devant ses militants enflammés, Zohran Mamdani a insisté sur la diversité qui a permis de fructifier sa campagne : « Nous avons gagné de Jackson Heights à Port Richmond. Nous avons gagné de Maspet à Chinatown. Nous avons gagné parce que les New-Yorkais se sont battus pour une ville abordable, où ils peuvent faire plus que simplement s’en sortir »”.

En plus d’un maillage précis de la ville et d’une campagne de terrain assez impressionnante, c’est également la communication du candidat qui se distingue de ses autres concurrents : énormément de vidéos, de stories, de publications agréables à regarder, des posts qui montrent directement ses soutiens au sein de la population. Il donne à voir sa campagne, ses soutiens au jour le jour ou les principaux articles de presse le concernant.

Sa charte graphique est simple et vive : du bleu royal (en maximisant le contraste avec les autres couleurs), du jaune ocre, des ombres vermillon ou encore du rouge. Le lettrage, en partie composé de majuscules, semble quant à lui avoir été peint à la main, pour créer une typographie expressive et dynamique. Les créatifs et designers (dont Tyler Evans and Aneesh Bhoopathy) qui ont façonné sa campagne ont établi une planche d’ambiance graphique (moodboard) rappelant la vie à New-York : le jaune des taxis, les palettes graphiques des devantures de magasin.

Ils ont également emprunté à l’imaginaire du sport, en puisant du côté des logos de baseball (par exemple la police gothique des Pirates de Pittsburgh). Cet aspect visuel détonne avec celui des autres candidats et plus largement de ce qui se fait en politique. Dans l’élaboration des visuels de sa communication, les designers avaient en tête que sa campagne serait appropriée, reprise par des personnes extérieures aux espaces militants et qu’il fallait en conséquent créer quelque chose d’appropriable par toutes et tous (refaire des visuels chez soi, dessiner des pancartes, et cætera).

Les experts en communication sont unanimes pour saluer ce travail. Bref, encore une fois, même dans sa communication, c’est ce qui fait le quotidien de celles et ceux qui vivent à New-York qui est mis en avant et cela fonctionne.

Cette campagne est passionnante à suivre et riche en enseignements, de quoi nourrir de futurs articles. S’il venait à gagner, c’est la vie d’un peu moins de 8,5 millions de personnes (dans une agglomération de 22 millions d’habitants) qui se trouverait améliorée. Pourvu que l’enthousiasme qu’il suscite lui permette de défaire ses concurrents et qu’il mette le peuple new-yorkais au pouvoir. Comme l’écrivent les journalistes de Jacobin, le glissement à droite de New-York n’a rien d’inéluctable et que les programmes repartant des besoins du plus grand nombre, associés à une campagne de terrain exigeante et joyeuse peut déjouer les scénarios qui semblent écrits d’avance.

Par Marion Beauvalet