Le phénomène Tanguy. Vous en avez sans doute entendu parler. Peut-être même en avez-vous été une « victime ». Selon l'ex-fondation Abbé Pierre, rien qu'en France, près de cinq millions de jeunes vivraient ainsi encore chez leurs parents alors qu'ils frôlent la trentaine. Crise du logement, précarité économique, sentiment d'insécurité, peur de l'échec ou encore difficulté à assumer des responsabilités. Les explications sont nombreuses. Et des chercheurs de l'université de Cambridge (Royaume-Uni) en ajoutent aujourd'hui une de plus. Selon eux, l'adolescence dure jusqu'à... 32 ans !

Ils sont parfois raillés, ces jeunes - plus souvent des hommes tout de même - qui tardent à quitter le nid. Pas vraiment tant qu'ils poursuivent des études - que certains font consciencieusement durer. Plutôt une fois qu'ils entrent dans la vie active et qu'ils continuent malgré tout de cohabiter avec leurs parents. Mais la découverte présentée par les neuroscientifiques britanniques dans la revue Nature Communications pourrait les aider à redorer leur blason.

L’enfance de notre cerveau se termine à 9 ans

Les chercheurs ont analysé des données d'IRM dite de diffusion. La technique permet de cartographier les connexions neuronales en suivant le mouvement des molécules d'eau dans le tissu cérébral. Et ils rapportent avoir détecté cinq grandes phases de structure cérébrale au cours de la vie humaine moyenne. Elles sont délimitées par quatre « tournants » clés au cours desquels notre cerveau se reconfigure.

La première grande phase de structure cérébrale, c'est évidemment celle de l'enfance. Celle que les neuroscientifiques appellent la phase de « consolidation des réseaux ». Elle permet à la multitude de synapses - c'est ainsi que les experts appellent les connexions entre les neurones - surproduites dans le cerveau du nourrisson diminue progressivement. Il ne restera finalement que les plus actives. Pendant cette période aussi, la matière grise et la matière blanche augmentent rapidement en volume. Et cela dure jusqu'à l'âge de 9 ans.

L’adolescence se prolonge jusqu’au début de la trentaine

C'est alors que notre cerveau connait un premier tournant décisif. Ses capacités cognitives sont améliorées parce que les connexions neuronales se font plus rapides et plus efficaces. Et il n'y a qu'à l'adolescence que cela se produit. Avec, pour effet non souhaité, un risque accru de développement de troubles mentaux.

La grande nouveauté, c'est que les neuroscientifiques situent la fin de cette période d'adolescence au début de la trentaine. Vers l'âge de 32 ans. Et si d'un point de vue hormonal, la puberté représente un bouleversement de taille dans une vie, les chercheurs soulignent que du point de vue de l'architecture du cerveau, « le plus grand bouleversement » arrive à la fin de l'adolescence.

Encore plusieurs tournants dans la vie de notre cerveau

À l'entrée dans l'âge adulte, la structure de notre cerveau se stabilise et les chercheurs notent un « plateau en matière d'intelligence et de personnalité ». Pendant cette période qui est la plus longue de notre vie, des régions commencent à se compartimenter.

Puis arrive l'âge de 66 ans et un nouveau tournant. Plus doux cette fois. Pas de changements structurels majeurs, même si des modifications dans la configuration des réseaux cérébraux apparaissent. La connectivité commence à montrer des signes de faiblesse alors que la substance blanche dégénère peu à peu.

Enfin, le dernier tournant est pris vers l'âge de 83 ans. Sur cette période, on l'imagine bien, les données sont plus limitées. Mais les neuroscientifiques décrivent le passage d'une connectivité globale à une connectivité plus locale.

« Nous savons que le câblage cérébral est crucial pour notre développement, mais nous manquions d'une vision globale de son évolution tout au long de notre vie et des raisons de cette évolution. Les périodes identifiées ici offrent un éclairage important sur les capacités et les vulnérabilités de notre cerveau à différentes étapes de notre vie. Elles pourraient nous aider à comprendre pourquoi certains cerveaux se développent différemment à des moments clés, qu'il s'agisse de difficultés d'apprentissage dans l'enfance ou de démence plus tard dans la vie », conclut Alexa Mousley, responsable de ces travaux de recherche, dans un communiqué.