Un lien direct entre alimentation industrielle et cerveau

Selon une vaste étude publiée dans Nature, la consommation régulière d’aliments ultra-transformés (ou UPF pour Ultra-Processed Foods) entraînerait des modifications structurelles du cerveau. Ces changements impacteraient directement les zones liées à la faim, aux émotions et au contrôle des impulsions, favorisant les comportements alimentaires compulsifs.

L’analyse a porté sur près de 30 000 adultes d’âge moyen, dont les scanners cérébraux ont révélé des anomalies précises chez les consommateurs réguliers de produits ultra-transformés.

Les régions du cerveau affectées

Les chercheurs ont constaté un épaississement anormal du cortex occipital latéral, une zone essentielle pour reconnaître les objets visuellement, notamment les aliments. D’autres régions impliquées dans la régulation des comportements alimentaires, comme l’hypothalamus, l’amygdale ou encore le noyau accumbens droit, montraient elles aussi des altérations.

Ces changements pourraient provoquer un cercle vicieux de surconsommation, comme l’explique Arsène Kanyamibwa, chercheur à l’université d’Helsinki et auteur principal de l’étude.

Un mécanisme biologique sous-jacent

Au-delà des anomalies structurelles, l’étude a révélé des signes biologiques inquiétants chez les gros consommateurs d’UPF : niveaux élevés de protéine C-réactive (CRP), de triglycérides et d’hémoglobine glyquée (HbA1c), des marqueurs associés à l’inflammation systémique et aux troubles métaboliques.

Les aliments ultra-transformés favorisent aussi des réactions de type addictif, en activant les circuits cérébraux liés à la récompense et à la dopamine. Ils sont souvent conçus pour être hyper-appétents, combinant sucre, sel et gras pour encourager une consommation répétée.

Des effets indépendants de l’obésité

L’étude remet en question l’idée selon laquelle l’obésité serait uniquement liée à un excès calorique. Les auteurs avancent que certains additifs chimiques, notamment les émulsifiants, pourraient perturber les neurotransmetteurs, enflammer le cerveau et altérer la flore intestinale, même sans surpoids.

L’étude a rigoureusement pris en compte des variables comme le niveau socio-économique, l’activité physique, le tabac ou la consommation d’alcool.

Un appel à réguler les produits ultra-transformés

Ce n’est pas la première fois que ces aliments sont dans le collimateur. Une étude publiée dans The BMJ avait déjà identifié un risque de mortalité accru de 4 % pour les plus gros consommateurs d’UPF, et de 8 % en ce qui concerne les maladies neurodégénératives.

Face à ces constats répétés, les chercheurs appellent à renforcer les normes de fabrication alimentaire et à réduire la part des produits ultra-transformés dans notre alimentation quotidienne.

Une responsabilité collective et individuelle

Pour Avery Zenker, diététicienne diplômée et non impliquée dans l’étude, ce travail confirme une tendance de fond : “Ce n’est pas une faiblesse personnelle si vous perdez le contrôle face à ces produits, c’est votre cerveau qui a été reprogrammé.”

Elle rappelle que ces produits sont souvent pauvres en nutriments essentiels et riches en composants associés aux pathologies chroniques : sucre, sel, graisses saturées, glucides raffinés…