Vers trois heures du matin, des bombardiers américains et des missiles Tomahawk ont frappé les sites nucléaires iraniens de Natanz, Fordow et Ispahan. Donald Trump a théâtralisé le moment, en faisant comme si les choses pouvaient s’arrêter là. L’Iran vient de répliquer, dans les deux dernières heures en frappant très durement Israël. A ce stade, deux scénarios sont possibles: une escalade, l’Iran frappant, en représailles, des bases américaines au Proche-Orient et fermant le Détroit d’Ormuz, ce qui entraînerait de nouvelles frappes américaines, avec un embrasement généralisé. Ou bien un confinement des représailles iraniennes à l’intensification de la guerre contre Israël. Dans ce second cas, les dommages politiques collatéraux pour les Etats-Unis en général et pour Donald Trump en particulier sont cependant terribles. Qui voudra négocier désormais avec les Etats-Unis? Et puis l’Iran n’a plus d’autre choix, désormais, que d’aller vers la bombe nucléaire.

Donald J. Trump Truth Social 06.21.25 07:46 PM EST

We have completed our very successful attack on the three Nuclear sites in Iran, including Fordow, Natanz, and Esfahan. All planes are now outside of Iran air space. A full payload of BOMBS was dropped on the primary site,…

— Commentary Donald J. Trump Posts From Truth Social (@TrumpDailyPosts) June 21, 2025

Si l’on en croit la communication théâtrale de Donald Trump, les sites d’enrichissement d’uranium de l’Iran ont été détruits. « Mission accomplie » avait dit George W. Bush, en 2004, à propos de la guerre d’Irak.

Le président américain a prononcé une courte allocution, expliquant que l’Iran était le fourrier du terrorisme depuis quarante ans, qu’il menaçait le monde par son programme nucléaire, que celui-ci appartenait désormais au passé…..mais que toute réplique de l’Iran serait encore plus sévèrement punie.

Moins de bombes larguées que pour tuer Nasrallah

A l’heure actuelle, on sait peu de choses sur l’opération. Il est dit que des bombardiers B2 sont intervenus et ont lâché une dizaine de bombes; on parle aussi de missiles Tomahawk. Mais on n’est même pas sûr qu’il se soit agi des B2 qui avaient été repérés en route pour Guam hier dans l’après-midi.

Je proposerai en fin de journée une information vérifiée sur le détail de l’opération. Notons pour l’instant qu’il n’y a pas eu de radiations repérées à proximité des sites. Les autorités iraniennes assurent que les dommages ont été mineurs. On parle même d’une information préalable envoyée par les Américains aux Iraniens.

L’évaluation répandue est que les Américains auraient largué moins de bombes « antibunker » que lors de l’opération israélienne à Beyrouth qui avait tué Nasrallah, le chef du Hezbollah, en septembre 2024.

It’s just Trump’s Shayrat Tomahawks 2017 redux. Another fake strike to appease neocons.
If true, this could be bullish for Trump back in whitehat mode. He had to shake off some pressure from his handlers, now Israel may be in the deep.

/5D mode https://t.co/RNhQkPeuxT

— SIMPLICIUS Ѱ (@simpatico771) June 22, 2025

Simplicius se demande dans quelle mesure Trump aurait fait une frappe démonstrative pour calmer les « néo-conservateurs » et Israël. Si nous reprenons la lutte d’influence entre le Pentagone et la CIA dont je parlais vendredi, Trump n’aurait, en quelque sorte gardé que les apparences d’une frappe immédiate prônée par Israël et la CIA, en se rangeant à l’avis du Pentagone, selon laquelle il ne fallait surtout pas s’engager dans une guerre générale.

Seymour Hersh avait donc raison dans son annonce de frappes pour ce week-end mais elles n’ont pas pris la tournure que disaient ses interlocuteurs. Il ne s’agirait plus de faire la guerre pour renverser le régime iranien.

Evidemment, la plus grande inconnue, c’est de savoir comment l’Iran va réagir.

L’Iran frappe Israël très durement au petit matin

A l’aube, les Iraniens ont envoyé plusieurs salves de missiles sur Israël.

Tel Aviv is in ash, this is only the beginning. pic.twitter.com/K2asQHRzek

— Syrian Girl (@Partisangirl) June 22, 2025

Différents témoignages comme celui ci-dessus parlent de gros dégâts en Israël. Il y aurait eu une quarantaine de missiles envoyés par l’Iran et l’armée israélienne affirme que 60% (seulement) ont été arrêtés. Depuis quatre jours, nous en avons parlé, le Dôme de Fer est de moins en moins efficace et l’on sait, malgré la censure militaire israélienne, que de nombreux centres du complexe militaro-industriel israélien ont été endommagés voire totalement détruits.

Les frappes du petit matin veulent-elles dire que l’Iran entrera dans le jeu de Donald Trump et ne frappera pas – ou seulement symboliquement – un objectif américain en représailles, en concentrant ses frappes sur Israël? Dans ce cas, Trump laissera-t-il faire?

Dans ce scénario, Donald Trump se serait montré plus pervers encore que Netanyahou, en ayant l’air de partir en guerre contre Israël tout en exposant Tel-Aviv à des représailles encore plus terribles de l’Iran. L’autre scénario, c’est celui où l’Iran riposte durement contre des objectifs américains et ferme le détroit d’Ormuz. Dans ce cas, la situation devient potentiellement incontrôlable.

Les dommages collatéraux de l’opération sont très durs….pour Donald Trump

Dans tous les cas, on ne saurait sous-estimer les dommages collatéraux pour les Etats-Unis pour les Etats-Unis, et pour Donald Trump lui-même:

+ une partie de sa base électorale est furieuse.

+ En expliquant, sans broncher, dans son allocution, que tout cela a été fait la main dans la main avec les Israéliens, Trump se coupe de toute possibilité de négociation avec la Russie, la Chine et bien d’autres pays. Qui croira désormais à la bonne foi américaine?

Par exemple, qu’est-ce qui va empêcher Vladimir Poutine de penser qu’il ne sert à rien de négocier avec Trump: il vaut mieux continuer la guerre et imposer par la force les intérêts russes? Ce n’est pas seulement la Russie: désormais, le reste du monde parlera de « la fourberie de Donald ». Aux Etats-Unis, l’opinion est de moins en moins convaincue par le « Israel First » des présidents successifs. Les jeunes générations en particulier, à droite comme à gauche, ont basculer dans l’hostilité à Israël.

On comprend bien que la théâtralisation des frappes révèle, en fait, le peu d’envie que Trump avait de se lancer dans une telle opération. Mais l’histoire nous dit qu’il est très dangereux de laisser sortir le mauvais génie de la guerre de sa bouteille. Et puis, en admettant que la violence reste contenue, valait-il la peine, pour le président américain, de gâcher son mandat pour donner quelques semaines de répit à Netanyahou?