Ce n'est un secret pour personne : le sommeil joue un rôle essentiel dans notre mémoire, la régulation de notre humeur ou encore le soutien de notre système immunitaire. Mais des chercheurs viennent de montrer qu'il pourrait aussi jouer un rôle plus inattendu sur notre santé. Et cette découverte pourrait changer la manière dont nous considérons l’insomnie chronique, ce trouble qui touche près de 15 à 20 % de la population française selon l’Inserm.

Insomnie chronique : un risque accru de démence et de déclin cognitif

L'étude, publiée dans Neurology, a suivi 2 750 Américains âgés d'environ 70 ans en bonne santé cognitive au départ de l'étude, durant six ans. Parmi eux, 16 % souffraient d'insomnie chronique, c'est-à-dire de difficultés à dormir au moins trois nuits par semaine pendant trois mois ou plus.

Les chercheurs ont découvert que les insomniaques avaient 40 % plus de risques de développer une démence ou un trouble cognitif léger. Cela correspond à 3,5 années supplémentaires de vieillissement cérébral, selon les chercheurs.

« L'insomnie n'affecte pas seulement votre état d'esprit du lendemain ; elle peut également avoir un impact sur la santé cérébrale à long terme », souligne le Dr Diego Z. Carvalho, neurologueneurologue à la Mayo Clinic du Minessota et auteur principal de l'étude. Selon lui, l'insomnie chronique pourrait être un signe avant-coureur ou même un facteur contribuant à des problèmes cognitifs futurs.

L'étude révèle également que 14 % des participants insomniaques ont fini par développer une démence ou un trouble cognitif léger au cours de l'étude contre 10 % des participants sans problème de sommeil. Et même après avoir pris en compte d'autres facteurs comme l'âge, l’hypertension, l'apnée du sommeilapnée du sommeil ou la prise de somnifèressomnifères, l'association entre insomnie et déclin cognitif restait significative.

Autre constat inquiétant : les performances aux tests de mémoire et de raisonnement diminuaient plus vite chez les insomniaques, confirmant un impact durable du manque de sommeil.

Des anomalies visibles dans le cerveau

Les chercheurs sont allés plus loin en réalisant des scannersscanners cérébraux sur certains participants. Là encore, des différences sont apparues. Les personnes qui déclaraient dormir moins que d'habitude présentaient davantage d'hyper-intensités de la substance blanchesubstance blanche, signe de micro-lésions dans les petits vaisseaux sanguins du cerveaucerveau, et plus de plaques amyloïdes, ces protéinesprotéines associées à la maladie d’Alzheimer. Leurs performances cognitives étaient comparables à celles de personnes quatre ans plus âgées.

Plus surprenant encore : ces anomaliesanomalies étaient similaires à celles observées chez les porteurs du gènegène APOE ε4, connu pour augmenter fortement le risque d'AlzheimerAlzheimer. Chez les personnes insomniaques porteuses de ce gène, la vulnérabilité était donc doublée.

Ces résultats ne prouvent pas que l'insomnie cause directement la démence, mais ils montrent un lien étroit qui incite à la prudence. Pour les chercheurs, traiter les troubles du sommeil pourrait devenir une piste clé de préventionprévention.

Alors que l'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé (OMS) évalue à 57 millions le nombre de personnes touchées par la démence dans le monde, ces données donnent la mesure de l'enjeu. Comme le rappelle le Dr Carvalho, « cela renforce l'importance de traiter l'insomnie chronique, non seulement pour améliorer la qualité du sommeil, mais aussi potentiellement pour préserver la santé cérébrale avec l'âge ».