Je reviens de Budapest. J’y étais allé pour écouter les années de pèlerinage de Liszt au bord d’une source dans l’harmonie du soir. Et, quittant la vallée d’Oberman sur les pas de Mazeppa vers la Via Crucis après une lecture de Dante au son des funérailles de l’Europe, regrettant la valse oubliée de la défunte civilisation, j’aperçus alors une merveilleuse interdiction, l’interdiction de la marche des fiertés. Quelle maestria ce Orban. Jamais interdiction ne fut aussi merveilleuse. Non mais rendez-vous compte. Fier d’être inverti…, quelqu’un peut m’expliquer ? Je ne comprends pas. Comment peut-on être fier d’être inverti, ou pas inverti d’ailleurs. Pour tout vous dire, la notion de fierté m’est étrangère. Je ne la comprends que chez le gorille qui se tape le poitrail. Le mot « fier » vient d’ailleurs du latin ferus, qui veut dire farouche, sauvage… Est-ce que le Christ était fier d’être le Messie… Est-ce que Leonard de Vinci était fier d’avoir peint la Joconde ? Il ne me semble pas. En revanche, les Français sont fiers de détenir la Joconde au musée du Louvres. Certains Français… On ne devrait même pas être fier d’avoir sauvé un enfant de la noyade. Satisfait, oui. Heureux, oui. Comblé de joie, oui. Mais pas fier. L’homme fier d’avoir sauvé un enfant de la noyade devrait noyer sa fierté. Non, décidément, je ne comprends pas la fierté. Quelqu’un pourrait m’expliquer ? Mozart n’a pas tiré fierté d’avoir composé son requiem, bon, vous allez me dire qu’il est mort avant de l’avoir fini. Prenez Tchaïkovski, il n’était ni fier d’être inverti, ni ne tirait fierté d’avoir composé tant de chef-d’œuvres. Baudelaire ne tirait non plus fierté d’avoir écrit Les fleurs du mal. L’ultime sagesse est de n’être même pas fier de sa sagesse. La fierté est le fait des médiocres… « La fierté prend sa source dans la médiocrité, ou n’est qu’une ruse qui la cache », disait Massillon… Fier de sa fortune, fier d’avoir une belle maison, un beau garage, une belle voiture, avec une jolie femme dedans. Mais la voiture d’abord. La fierté est ce qui fait tourner le système capitaliste ; si la fierté disparaissait, si les femmes n’étaient plus fières d’avoir de beaux bijoux, le système s’écroulerait. Méditez bien ceci, Cyril Hanouna est fier de faire de grosses audiences à la télévision mais Dieu ne tire pas fierté d’avoir créé le monde. Vous y êtes ? Vous avez des envies de meurtre ? Non, ne lui faites pas cet honneur. D’autant que la mort n’est pas le pire des châtiments. L’humiliation publique est bien pire. Pensez un instant à la justice divine, à la bonté divine… Je ne perçois pas la fierté divine mais je perçois sa bonté. Au lieu de passer leurs journées à montrer leur fierté, les hommes devraient les passer à célébrer la bonté divine. Le miracle des miracles c’est la bonté divine. C’est sa bonté infaillible qui fait sa gloire, pas l’inverse. Même ses châtiments douloureux ne sont qu’un effet de sa justice infailliblement juste. La justice est un don divin. Les hommes ne sont capables que de vengeance, surtout les femmes, et parmi les femmes surtout les folles de Sion, et parmi les folles de Sion surtout les succubes de Sion, et parmi les succubes de Sion surtout les succubes déglinguées, et parmi les succubes déglinguées surtout Céline Pina et Nili-Kupfer Naouri. Dieu n’est ni vengeur, ni jaloux, ni fier… laissez cela aux israélites, c’est leur malédiction. Le créateur de nos jours ne nous demande que de répandre la bonté, il ne nous demande pas de mitrailler des enfants affamés qui demandent du pain. La fierté finit parfois dans le sang, et toujours dans la vanité ; la bonté n’est jamais vaine. Qui sème la bonté récolte le salut. Et qui sème la vérité récolte malheureusement la calomnie. En revanche, qui sème le fiel et la bile récolte une vie de merde. Tiens, justement, revenons à la marche des fiertés, interdite, enfin interdite. On ne devrait même pas être fier d’être un être humain. Fier de ses origines, de son identité, de son altérité, de sa religion… Est-ce que l’archange Gabriel est fier d’être l’archange Gabriel ? Est-ce qu’un mystique est fier d’être un mystique ?… Fier d’être catholique, fier d’être musulman, fier d’être juif…, ces misérables fiers ne me font même plus pitié, ni même plus rire. Dans fier, j’entends enfer… y a-t-il plus fier que Satan ?…, les racailles de banlieue peut-être… ou les crapules de haute volée…, plus ils arnaquent plus ils sont fiers de leur arnaque… Avez-vous remarqué que plus on sombre dans la déchéance plus on est fier. La fierté est ridicule, pas la dignité. Être fier c’est désirer ce qui est passé, ce qui est déjà mort. Les identitaires européens sont fiers du grand art européen… être fier c’est refuser de mourir en sachant que c’est déjà mort. Non décidément, je ne comprend pas la fierté. « Il est beau de s’élever au-dessus de la fierté. Encore faut-il l’atteindre », disait Bernanos ; fort bien, alors disons que je me suis tellement élevé au-dessus de la fierté qu’elle m’est devenue étrangère. Ou alors, je ne cherche même pas à atteindre la fierté tant elle me paraît vaine. C’est grave, docteur ? Avez-vous remarqué à quel point les médecins sont fiers… leur arrogance sans limite plaide pour leur fierté sans partage. Pourtant, on devrait tout partager, ses victoires, ses joies, son savoir, sa sagesse. Personnellement, je partage même mon âme, avec Dieu. Le partage de l’amour précède l’amour. Tiens, les amoureux, parlons-en, ils ne tirent pas fierté de ce qu’ils sont amoureux, ils vivent pourtant la chose la plus précieuse de l’existence, et se sentent les plus misérables de l’univers lorsqu’ils la perdent. « On peut être fier de n’importe quoi si c’est tout ce que l’on a », disait Steinbeck. Oui, la fierté est la plus parfaite expression de sa misère. Honte et fierté sont les deux faces de la même pièce. Pour finir d’enfoncer le dernier clou du cercueil de la fierté, je dirais qu’il ne faut même pas être fier de ses vertus, « l’âme fière de ses vertus est comme un jardinier qui se vante de ses fleurs sans reconnaître la main du Créateur », disait sainte Thérèse d’Avila.

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